La nuit est sombre et pleine de terreurs. Cela n'empêche pourtant pas Klaus de prendre des risques parfois inconsidérés. Ses pulsions de liberté sont souvent difficilement contrôlables. Comme cette nuit-là, et ce, même après les derniers événements survenus à l'Académie... Il sait au fond qu'il risque gros. Mais il tente le Diable, s'extirpe de sa chambre, frôle le mur dans les couloirs, avance à pas de velours afin de descendre les étages.

Sa destination est précise, il sait parfaitement par quels chemins il doit passer pour arriver jusqu'à l'extérieur en espérant ne croiser personne. Une fois dehors, il n'aura pas beaucoup de temps, juste quelques minutes pour récupérer un petit pochon qu'il ramènera dans sa chambre. Le chemin du retour sera d'autant plus périlleux. Mais le jeu en vaut la chandelle, il en est persuadé...

Avec les examens qui approchent, le besoin de se détendre se fait plus pressant. La méditation seule ne résout pas tout. Et pouvoir se procurer un peu d'herbe relève d'une mission presque impossible. Klaus remercie le ciel qu'il ait eu la présence d'esprit de bien entretenir son carnet d'adresses en la matière. Mais les prix ont flambé, tout autant que les risques associés, tandis que l'espérance de vie de son étoile se réduit au fur et à mesure de ses pas. Mais il y est presque. Le but tant attendu. Juste quelques mètres. Il en oublie la morsure du froid qui lui tire pourtant quelques frissons. Mais sentir au creux de sa paume l'objet de sa convoitise lui réchauffe le cœur. Et il s'empresse de la glisser dans sa chaussette, prêt à faire machine arrière.

Sauf que... Sauf que cela aurait été trop beau pour être vrai. Vivre un rêve éveillé. Il aurait dû s'en douter que cela ne serait pas si simple. Qu'il finirait par payer le prix cher de son impérieuse nécessité de contourner les règles. Et lorsqu'il entend du bruit tout proche de lui, il sait qu'il est trop tard. Il a beau se tapir dans l'ombre, espérer secrètement qu'il ne s'agisse que du bruit du vent ou d'un quelconque animal...son sort est désormais réglé.

Il ne se donne même pas la peine d'essayer de se chercher une excuse, d'inventer un quelconque prétexte qui l'aurait amené ici alors qu'il est censé rester sagement dans sa chambre, comme tous les autres élèves. A quoi bon... Il n'est pas assez malin pour ça, pas assez malin pour inventer un stratagème allègerait son cas. Et le grenier semble plus que jamais lui ouvrir à nouveau les bras.

Halloween

Et merde. Le sort aurait-il pu être encore moins favorable ? Car lorsque le visage d'Amélie se dessine sous le clair de lune, Klaus est persuadé que quelqu'un là-haut doit être en train de bien se marrer. Cette sale chieuse, devenue récemment traîtresse chez les Nova, jubile de le voir dans cette position grotesque. Elle ne s'en cache pas, et Klaus serre les poings, sa patience déjà atteinte de devoir supporter la suffisance de cette gamine. Il parvient à répondre à son sourire, sans bouger du piège dans lequel il s'est lui-même fourré. Pas d'échappatoire possible, il s'apprête simplement à devoir supporter la longue et interminable torture que cette idiote va lui infliger.

« Amélie... Amélie quoi déjà ?! Pardon j'arrive toujours pas à retenir ton stupide nom de famille. »

Qu'il s'en fiche surtout. Elle pourrait bien avoir le même patronyme que le président des Etats-Unis qu'il s'en foutrait royalement. Quelle importance ici ? Ce sont surtout les étoiles portées fièrement sur l'uniforme qui comptent. Et ça, par contre, Amélie en a une panoplie... Une galaxie à elle toute seule. Ce sont d'ailleurs les dieux qui forment sa constellation qu'il devrait prier. Si tenté qu'il ait jamais eu l'idée d'un jour croire en une entité supérieure. Alors il se tait, l'affronte simplement du regard. Dur et froid. Tandis que leurs minces sourires se répondent dans un combat silencieux.

Est-ce un frisson qui vient de parcourir son échine ? Probable. Les derniers pas qu'elle a franchi. L'intonation de sa voix toute proche désormais. Et la menace qui plane. Il est foutu. Il le sait. Ne lui reste plus qu'à ramper. Et bordel... ça, non, jamais. Plutôt crever.

« En te dévissant la mâchoire pour que tu puisses enfin la fermer? »

Oui, enfin non. C'est prendre ses rêves pour la réalité. Bien que l'idée de lui en foutre une lui plaît délicieusement, ce ne serait qu'enfoncer un autre clou dans son cercueil. Et puis au fond... il sait pertinemment qu'il le regretterait. Parce que oui, Amélie est une emmerdeuse, une putain de plaie vivante, mais il y a ce petit quelque chose qui l'empêcherait de lui faire véritablement du mal. Peut-être parce que recevoir son attention, l'attention d'une élève qui joue dans une autre catégorie que la sienne, c'est peut-être pas si désagréable que ça... Mais tout ça, c'est peut-être sur le point de changer. Simplement parce qu'il a eu la connerie de se lever en pleine nuit pour récupérer juste un petit peu d'herbe.

Et il soupire finalement, lève les yeux au ciel, et la bouscule pour s'éloigner, s'extirper de cette proximité qui l'étouffe.

« Allez putain vas-y accouche. Enlève mon étoile, va rapporter ça à la direction comme le clebs que t'es, et fais pas chier. J'ai autre chose à faire que m'emmerder avec toi. »

Autant mettre un terme à tout ça le plus rapidement possible. D'un coup sec. Moins indolore.
       

Halloween