La délicatesse d'un regard glissant sur ta silhouette, les cours terminés elle observe d'une esquisse figée, infime sourire qui se dessine à ses lèvres, le manège de tes pas -et avec une délectation certaine écoute le grincement de la chaise sur le sol. Tu te poses et son regard s'arrête, l'océan détaille sans demi-mesure chaque trait formant ton visage, ça dérive sur tes doigts, pétille devant le calme et la nonchalance de ton corps entier sans honte face à elle, Amélie qui s'incruste et n'aurait accepté aucun refus. Alors doucement elle s'approche, Frida, tranquillement quitte la table près de la fenêtre contre laquelle elle s'était adossée pour venir à ta rencontre et cette malice, oh si jolie malice qu'elle capte dans tes yeux croisant les siens lui donne plus envie encore de sourire -alors elle sourit, Amélie, si fort sans que tu n'en perçoives jamais le rayonnement.

« Est-ce que je lui ressemble ? »
Ou était-ce l'une de ces nombreuses comparaisons que font les gens ?

Délicats sont les doigts qui se glissent dans les boucles brunes de tes cheveux, comme une caresse tandis que son visage approche de ton oreille près à confier en secret un aveu encore jamais vraiment formulé. Les lèvres bougent alors sans murmure, doucement « Tu es vraiment beau, Anaël Quinn » merci d'être resté, et puis rapidement s'éclipsent avant que le corps s'éloigne, ses doigts toujours au-dessus de ta tête. Amélie en mirage s'amuse, s'éloigne après un dernier regard pour retourner à son perchoir récupérer la mine et le papier. À son tour tire cette chaise en retrait sur laquelle elle se pose à quelques mètres de toi, jambe gauche sur la droite comme appui pour le carnet qui t'accueillerait bientôt.

« Prends n'importe quelle pose, celle qui te ressemble le plus, puis ajoute l'esquisse plus grande à tes yeux, j'aimerai savoir qui tu es, Anaël. »

Sache que les gestes ne mentent jamais.

« Space ? Est-ce vraiment un style ? »

Elle ne comprend pas vraiment Amélie, mais ça n'est pas bien grave car déjà tu te dévoiles à elle tranquillement. Cigarette au bout des doigts puis entre les lèvres, une feuille en guise de cendrier, tout en simplicité et pourtant ça semble si loin et emprunt de nostalgie la nonchalance marquée par la fumée qui s'évade en volutes hypnotisantes. Les iris dérivent un instant sur les courbes vaporeuses avant de se porter sur le papier au premier coup de crayon. Amélie mécanique au sourire figé dessine autant qu'elle semble danser -passionnée- toute immobile qu'elle est, et tu aimerais savoir ce qu'elle sait pourtant elle ne sait pas grand chose Anaël.

Elle sait ton prénom, ton âge, ton alice, tes occupations.
Elle connaît tes amis, ta petite amie et tes ennemis.
Elle sait
Elle sait
Elle sait

« Ce que les autres racontent, ce que tu laisses percevoir, ce qui te définit logiquement, ton identité. »

Tout ça elle le sait et par coeur même, sans te le démontrer.

« Mais ce n'est pas ce que je désire savoir, Anaël. Alors dis-moi, oui dis lui, réponds lui avec toute l'honnêteté du monde et plus encore si tu peux, quelle est cette chose qui rend ton regard si indomptable ? »

Le mouvement qui s'arrête pour que dans tes yeux viennent s'ancrer les siens et avec eux tant de ses questions, trop de cette lueur passion -est-ce que tu les vois Anaël ? Peux-tu les lire ? Amélie a toujours eu cette facilité à cerner les gens, à trouver chez la plupart des effacés une âme bien cachée qui les rendait beaucoup plus intéressants qu'ils ne le croyaient. Elle en a beaucoup joué, en a tellement charmé et puis et puis tu sais, Anaël, elle avait finit par croiser ton regard. Indomptable.

En réalité c'était bien plus que ça.

« À mes yeux tu es bien plus intéressant que la majorité des personnes dans cette académie. »

Et aussi simplement que les mots s'envolent Amélie retourne à son dessin, presque comme si tu n'existais plus alors qu'elle reste pourtant attentive à chacun de tes gestes, chacune de tes paroles.