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Le claquement de la fourchette contre le plateau face à toi. La jambe tremblante, le poing sévèrement fermé sur ton couteau. Tu pourrais avoir l’air d’un tueur, si tes mèches blondes ne te donnaient pas un petit air innocent malgré ton visage fermé, ton sourire abandonné. Les lèvres pincées dans une moue qui ne te rend pas plus crédible dans ta colère, les joues peut-être d’une teinte plus rose que d’habitude.

Tu n’es qu’une bête enragée. Enragée de tout, de toi, d’eux, de ce brouhaha que tu ne tiens pas. Peut-être que tu aimerais prendre ce morceau de plastique, ces assiettes en verre, les jeter à travers la foule et faire mal à quelqu’un. Peut-être que tu as besoin d’exprimer cet agacement qui te maintient, qui te serre la gorge et te fait monter les larmes aux yeux.
Tu es un être sensible, derrière ce regard hautain, ces airs d’ailleurs. Tu n’es qu’un être misérable, esclave de ses propres sentiments, de ses propres émotions. Tu n’es pas le roi ; tu n’es pas le dieu. Tu n’as rien de divin, si ce ne sont les vices de ces dieux grecs.

Les mains rougies de colère, l’âme de tes yeux envahie par la rage de ce monde. Tu n’es pas quelqu’un qui s’énerve aussi facilement Agone. Et pourtant de simples gamins ont réussi cet exploit en arrachant des fleurs qui poussaient dans le parc. Grand ami des fleurs, tu pourrais les regarder pousser à leur rythme, grandir, embellir jusqu’à faner et retourner à la terre. Tu es le grand défenseur de la nature, l’enfant sauvage dont la nudité ne serait cachée que par des pétales de roses, quoique tu préférerais éviter cette situation.

Tu es la rage, la colère, les flammes d’un enfer que personne ne souhaiterait affronter. Tu n’es pas quelqu’un de colérique, pourtant tes yeux ne sont que troubles ; des abysses dans lesquels il serait simple de s’y perdre et de prendre peur. Tu entends les chuchotements de tes amis qui ne comprennent pas tes humeurs, qui te regardent de loin en se demandant ce que tu fais dans ton coin, près d’une fenêtre à tenter de te calmer sous la brise rougeâtre des fins d’étés.

Tu le vois au loin qui arrive. Toujours les mêmes cheveux, toujours la même démarche. Ce visage qui t’irriterait presque rien qu’en le voyant, que tu ne peux t’empêcher de trouver charmant, d’une certaine façon. Tu ne sais pas si c’est là la meilleure des idées, ces pas qui s’approchent de toi. Tu préfères rester dans tes pensées Agone, te dire que tu ne tueras personne dans ton humeur massacrante, pas même les nuisibles en approche.

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Princesse. Eh oui princesse, princesse des coeurs, princesse des pleurs. Je lui en foutrais des princesses. Un peu violent, un peu tiraillé. Tu te dis qu’une claque qui se perd, c’est si vite arrivé, c’est si courant. Et personne ici ne lui en tiendrait rigueur si Dexter se la prenait. Après tout, il y a ces regards hautains qui se posent sur lui de façon permanente. Et toi, tu es là, face à lui, à le regarder comme s’il méritait de s’égarer à travers les cieux, traverser les glaces bien trop fragiles et s’écraser dans un doux fracas au sol.

La table tremble, ta respiration se fait lourde. Peut-être que tu devrais angoisser, Agone. Te dire que tout le monde vous voit. Toi en la compagnie de lui, un sans étoile, la misère d’une académie qui se veut prestigieuse. Peut-être que tu devrais te détourner de tous ces regards, que tu devrais serrer les dents et le renvoyer. Mais tu sais que malgré son sourire espiègle, il essaie peut-être de te voler ne serait-ce que l’esquisse d’un sourire.

— je comprends pas ce que ça apporte, d’arracher des pauvres fleurs, des pauvres feuilles. j’aimerais leur arracher les yeux pour qu’ils comprennent la douleur que ça peut faire. tu ne peux t’empêcher d’ajouter ; et sache que la princesse t’envoie chier.

Tu ne te prends pas pour n’importe qui, Agone. Du moins tu essaies de ne pas te prendre pour n’importe qui. Un petit regard vers son assiette peu attirante, tu es peut-être un petit peu inquiet à travers ce nuage de colère dans lequel tu te noies. De toutes façons tu sais que tu ne mangeras pas, tu n’as même pas faim, le ventre noué par la rage.

— tiens, j’ai pas faim

Puis tu détournes le regard. C’est vrai que tu l’aimes bien, malgré tout. Il n’a rien de méchant. C’est sans doute un imbécile fini, incapable de se plier aux règles en attendant de sortir de tout ça. Figure de rébellion, confrontation constante avec les autres. C’est un imbécile fini, mais peut-être que tu l’admires, que tu aimerais bien être comme lui, être capable de te lever et de dire que t’en as assez.
Mais peut-être que tu es trop lâche.