Les enfants sont des pervers polymorphes.
Elle agite ses longs doigts, elle respire la sulfure de ce jour sans soleil.
C’était son truc, son chant, son rituel. Léonor était une démone, un être mauvais.
((Selon les autres))
Elle en avait rien à faire, Léo se tordait, léo appelait les vices. La méchanceté ne brillait pas dans ses dents branlantes. Sa molaire va bientôt tomber, sa langue avait déjà goûté un peu de son sang enfantin.
Elle dansait à travers les barreaux, pourtant, elle s’ennuyait. La vie se nourrissait dans son sein impétueux, mais ses yeux étaient pleins de formes brumeuses. C’était une saison calme, une saison sans bruit, un peu écoeurante.
Comme elle haïssait cette saison
((tout se meurt, les gens, les couleurs, les arbres, les rires))
Alors Léonor criait, respirant à pleins poumons cette ambiance grise, ce monde endormi. Le printemps ne s’encombrait pas de l’hiver; elle avait se dépenser, courir quelque part. Chercher le démon dans le regard d’autrui. Dans cette cour, elle était reine et soldat. Attrapant les feuilles éparses, elle tentait d’en faire quelque chose de beau. Quelque chose de digne. Quelque chose qui lui ressemblait.
Mais rien, c’était d’une frustration. Alors, elle continuait à réfléchir. Levant les yeux sur ce ciel ennuyeux, ses mains s’activant indistreusement à détruire, veines par veines.
Oh, comme ce temps lui pesait sur les nerfs. Jouant sur les moindres douleurs de son passé, jouant sur les rires d’Arté. La douceur de l’herbe du Sud, la joie de ce monde qui grandissait en elle
((pourrissait maintenant))
Elle avait mal. Le temps gris lui faisait mal à l’âme. Le temps gris lui rappelait les nuages de son existence, les batailles muettes de son corps grandissant.
Son poignet
Son coeur
commençait à récupérer de la blessure
((Arté, je t’oublie))
((Arté, je t’oublie encore))
((Arté, mon corps t’oublie))
Elle devait se battre contre ses larmes, bataille marathonienne. Plus rien n’avait de sens maintenant, elle qui voulait hurler, n’arrivait plus à produire un son. La douleur mêlée à l’ennui était un alcool venimeux, et dangereux.
Alors, elle abandonne. Léonor ne réflechit plus, sa bouche se tord. Les rires déments deviennent sa berceuse, elle s’endort. La danse rouge commence, sa conscience est partie. Sa douleur prend le pas, sa douleur devient une paix confortable. Sa douleur n’a que le son de son âme dorlotée.
Alors, elle dévore. Elle est prête à détruire, mâcher, corrompre.
((Frapper un autre))
((comme pour se frapper elle même))
((une telle menace ne peut pas avoir mal n’est ce pas ?))
((donc personne ne saura comme elle a mal))
Au loin, silhouette. Elle s’avance, elle veut jouer sur la balançoire. Léonor veut jouer de l’enfant de la balançoire. Sa vision devient plus claire. C’était Chandra. Le monde était bien fait.
Peut-être que Chandra et elle, c’étaient deux choses absolument pas compatibles. Peut-être que c’étaient comme ça. Le nord et le sud, le vent et la terre. La chaleur et le froid. C’était comme ça. Et si elle avait des amis, lui était tout aussi spécial.
((Comme un arracheur de dent))
Alors, elle s’approche. Chandra n’était plus le même, Chandra ne la cherchait plus.; Chandra ne lui tirait plus les cheveux. Chandra était un peu plus mort à chaque moment de son existence. C’était triste, c’était…
((Comme un bébé canard, bien loin de sa mère, qui se noyait dans la vacuité de son existence))
Les mots que lui lâche Chandra lui dise la même chose, les mots sont faibles, creux, lâches. Elle frissonne, il lui fait peur. La vacuité et la douleur d’autrui n’est pas un plaisir coupable. Alors elle grogne :
-C’est à tout le monde, Chandra. Si je veux y jouer, j’peux y jouer. Gremlin.
Alors, elle mordille, elle provoque. Créer la flamme, l’emmerder, lui donner un os à ronger. Le rendre vivant. Son pire ennemi devait être, sinon qui était elle en comparaison ?
-T’as l’air chafouin, je voulais te tirer les joues et me foutre de toi.
Enroulant une mèche autour de son doigt, elle eut un petit rire haut perché.
((le même que maman avait quand elle parlait des laids))
-Tu boudes encore pour le gâteau dans les cheveux ? C’est d’une tristesse Chandra.
Elle mord, elle pique, elle hurle. Léonor veut la vie et refuse la mort.