il n'y avait que toi (léonor)/ROBIN DES BOIS AU

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et l'insouciance qui me fuit

ses doigts froissent furieusement le papier où les boucles délicates grimpent et en ont gratté la blancheur jaunie. ses yeux font une chute continuelle pour vérifier l'authenticité de sa signature - et toujours ses mots doux, et toujours la même douceur poinçonnée par quelques volontés de la taquiner elle - et voilà. et c'est tout, elle va se marier alors ? rien que ça ? fuir de leur escapade perpétuelle à deux vers la passion adolescente ?
robonna jette de rage la lettre sur le sol en un chiffon maintenant illisible. elle ne veut plus le savoir que léanne va se marier - et surtout avec lui ! lui qui a tué son père à elle, lui qui a humilié ses racines les plus profondes, jeter l'opprobre sur toute une lignée autrefois noble.

oui maintenant il ne lui reste que son nom à se raccrocher car léanne l'abandonne.

elle est furieuse, complètement hystérique à cause de la nouvelle : sa main attrape un verre à eau en terre cuite et elle le jette à côté de la lettre en espérant y trouver une quelconque satisfaction, que cela fasse taire ses ouragans internes.
mais rien n'y fait.
elle fait les cent pas, se maudit d'être une fille et ose même se haïr pour une fois de n'attirer que le mépris de l'aristocratie des environs. c'est bien eux qui ont du pouvoir dans ce genre d'affaires mondaines, elle, ce n'est qu'une déshéritée : une sauvageonne aux cheveux courts qu'on prend pour un garçon. en entendant les gazouillis d'un enfant et les piaillements d'une mère, elle ramasse en vitesse les débris en s'écorchant les mains. elle les tasse dans un coin d'un des meubles modestes, allant ouvrir avant même que la personne toque.
il s'avère que robonna est plutôt appréciée par le petit peuple car son père était bien bon à l'époque, et qu'elle l'est tout autant : alors tous les jours cette fermière vient lui donner deux oeufs frais de la ponte du matin. comme d'habitude elle fait une petite étreinte à la madone, saisit l'enfant dans ses bras pour le soulever au-dessus de sa tête - mais elle n'arrive pas à rire. elle n'arrive pas à sourire avec la naïveté des adolescents pleins de vie. ça ne vient pas. elle est encore trop tendue. son ire est brûlante.

après avoir échangé quelques mots, elle enfile sa besace et ramasse la lettre qu'elle fourre dans une des grandes poches de sa veste. capuche sur son crâne dissimulant les mèches de jais en bataille, elle parcourt un chemin qu'elle connaît par coeur jusqu'à sa bien-aimée et stationne devant le mur où se trouve sa chambre. elle prend un peu de recul pour la voir en train de rédiger (sûrement d'autres lettres annonçant l'heureuse nouvelle qu'elle devine) sur son joli bureau massif. avec la même agilité habituelle puisqu'elle vient souvent se percher au bord de sa fenêtre, elle grimpe et s’assied sur le rebord. d'un mouvement agile de main elle ouvre le loquet de l'extérieur et saute à l'intérieur de la pièce, atterrissant pieds joints. dans sa poche elle récupère la boule formée par l'aveu marital, et la jette au sol.

elle ne dit rien, se contente de fixer les sourcils froncés léanne - faisant peser un silence lourd de ressentiment.

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Le mariage est chose ordinaire. Rien de passionnel, rien de grave, ce n’est qu’un monde qui s’assemble dans ses yeux. L’amour n’est pas assez grave et quantifiable pour être raison d’union.

Alors, quand on lui a dit qu’elle allait se marier. Elle a accepté. Mais pouvait elle refuser ? Sa vie, son honneur, son rang dépend de ce que les autres ont versés sur elle. Enlevée par Richard Coeurdelion, élevée comme sa pupille. Princesse aux boucles blondes soyeuses, à la peau blanche. Reflet de la perfection qu’on a éduqué dans son coeur et dans son âme.

Léanne n’était pas que ça, c’est vrai. Mais cela n’avait pas d’importance, car, ça n’avait pas d’usage. Pourtant, oh pourtant, quand son écriture aligne les arabesques, sa première lettre n’est pas pour les comtesses, les duchesses, ses prétendues amies dont les visages s’effacent dans son esprit pubère. Sa première lettre est pour Robonna, la gardienne de ce qui la rend vivante.

Au début, ce n’avait pas été facile. Ca n’a jamais été facile avec Robonna. On l’avait présenté comme homme mais une erreur d’habillement l’avait dévoilé femme. Faute dans son esprit, comment se faisait il qu’une femme ne sache pas aligner les vers de poésie, les fuseaux de tissus et les pas de danse ? Mais Robonna était comme elle était, vive, passionnée, perdue dans ses astres et dans cette forêt. Père tué par son futur époux, Léanne n’a jamais ressenti le conflit d'intérêt.

Car Robonna était l’amour, celui que les auteurs s’escriment à décrire sans frôler la surface, celui qui n’arrive qu’une fois et qui laisse songeur. Sans elle, il n’y aurait rien dans son esprit. Robonna chassé, elle avait regretté amèrement la perte de cette campagne. Elle en avait voulu au Shérif de Nottingham. Noble patibulaire, de trente cinq ans son aîné, mais c’était les règles du jeu. Peut-être la désirait-elle ?

La lettre pour Robonna partie, elle put s’atteler à ses autres tâches. Relevant délicatement le voile qui couvrait ses cheveux, elle continuait d’écrire. Léanne se perdait dans son esprit, tout devenait automatique. Comme si plus rien n’avait d’importance. D’une certaine façon, c’était le cas. Comment serait la vie après ce mariage ? Pourrait elle continuer à voir Robonna comme son coeur le désirait ? Sûrement non, que pensait-elle. Deux femmes ne peuvent pas s’aimer. C’était contre nature.

Froissement du papier sur son bureau d'ébène. Froissement de coeur dans sa poitrine serrée. Pourquoi avait il fallut qu’elle naisse fille ? Pourquoi avait-elle pas pu prendre un étalon fougueux et rejoindre Robonna dans son territoire hors des normes ? Soupir, sa main reprit son rythme délicat.

Parce que tel était la volonté de Dieu et du Roi. Elle était femme, destinée aux affaires des femmes. Le roi l’avait honoré de son affection et si il désirait que sa main repose dans celle du Shérif, elle n’avait que peu à dire. Même si elle le détestait, même si elle était dégoûtée par lui, ses lèvres pleines, ses rides, sa crasse qui déteriorait même l’air, elle le prendrait comme époux.

Bruit semi-sourd. Elle se retourne, Léanne sans attente et sans peur, et elle voit celle qui possède une partie d’elle. Oh, Robonna.

Cet air énervé, les lèvres pincées, les mèches qui volent comme si elles voulaient hurler. Pas de sourire, de baiser tendre, rien. L’air était pesant, faisant même tomber les papiers. Une lettre écrite plus tôt dans la matinée vient s’écraser sur le sol, elle reconnait l’entête de sa lettre

“Douce Robonna”.

Elle lui en veut, colère dans ses bras froncés. Se levant doucement de son siège, Léanne prit à deux doigt la lettre froissé. Un peu humide, roulé en boule comme pour détruire la vérité. Doux sourire sur le visage attendri et habitué au sacrifice, mais au fond, elle ne se sentait pas prêt à tout sacrifier pour Robonna et son chapeau qui la rendait elfique.

Oh pourquoi ne pouvait-elle pas être ordonné d’épouser Robonna.

-Ma tendre Amie, est ce l’annonce des mes fiançailles qui vous met dans de tel états ?

Se rapprochant, elle prit ses mains dans les siennes. Oh Seigneur, comme ses mains sont froides. Des mains qui avait l’habitude de lui tendre des fleurs, quand le temps de l’innocence existait encore. Appuyant avec affection, Léanne voulut lui donner un petit sourire

-C’est l’ordre des choses, et comme vous l’aviez dit, il y a si longtemps avant,la soutane des nonnes serait asphyxiante pour moi.

Pitié, courageuse Robonna, fends toi d’un sourire.

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et l'insouciance qui me fuit

et de si douces lèvres qui prononcent des mots aussi coupants, ça crève tout bonnement son coeur - si elle était moins forte elle en lâcherait un long sanglot, sil était plus désespérée elle tomberait à genoux devant elle pour la supplier de refuser.
mais alors que les doigts blancs attrapent les siens davantage écorchés, davantage marqués par la vie, elle les serre un peu pour ne jamais oublier la tendresse de leur chair.
alors en colère, non pas contre léanne mais contre le monde, elle se calme un peu au contact (sûrement l'effet voulu) et vient planter ses yeux noirs dans la prévisibilité de ceux de celle qu'elle aime.

c'est tragique un tel amour vous savez, à tel point qu'elle en maudit l'existence car tout serait bien plus simple si elle ne fut pas amenée à aimer l'interdit - l'intouchable affection et la folie qu'elle peut provoquer. car au-delà d'être indomptable, robonna est drôlement possessive - et déteste qu'on vienne déranger son entreprise si elle est chérie et équilibrée par ses propres soins.
alors malgré tous les efforts, elle ne sourit pas. elle continue de la fixer un instant, encore blessée de la nouvelle et sans cacher son propre égoïsme. je ne sais pas comment vous pouvez me faire ça. elle finit par dégager les paumes qui la tiennent pour s'écarter d'un pas, retirer ce qu'elle a sur la tête furieusement en détournant les yeux. nous aurions pu trouver mille autres solutions ! ce n'est pas trop tard d'ailleurs - nous pourrions partir ! maintenant ! elle désigne vigoureusement la fenêtre comme dernière issue à leur amour et si elle refuse - si elle refuse elle ne sait pas encore. elle ne sait pas encore ce qu'elle pourra bien faire.

Chatpule Messages : 73 Age : 23 Classe : B

Oh douce illusion, tes jours sont comptés. Le temps se gâte derrière la fenêtre et le vent amène sur son visage préoccupé, les airs de la mer lointaine. Précieuse, ô précieuse robonna. Combien de temps pouvait-elle vivre ainsi ?

Car dans les yeux sans lune de sa tendre, elle voyait le désespoir qui dansait avec la rage. Visés furieusement dans ceux clairs de Léanne, c’était tout une histoire qui se déroulait. Léanne, toujours été passive dans ses entreprises, chair tendre malaxée par des mains différentes de celle de son existence. L'égoïsme était symptôme de préservation, nous sommes égoïstes pour survivre.

Puis colère, rejet, Robonna lui retire ses mains. Les mains de Léanne sont si froides maintenant, ça lui fait peur. Elle a peur, pour la première fois, la peur l’étouffe. Si ce froid glacial qui prend ses doigts était celui qu’elle allait rencontrer pendant sa vie sans elle..
Accusation de Robonna, comment elle pouvait lui faire ça ? Oh, elle ne sait pas. Rien de personnel sans doute. Ligne dure sur ses lèvres, elle tremble à peine. Les mots font mal, les mots s’enfonçent dans son giron tiède. Léanne aurait voulu lui donner une vérité simple, une vérité universelle. La voir pointer la fenêtre, l’appelant à l’évasion. C’était odieusement tentant.

Léanne est une femme de valeurs, peut-être que les valeurs sont les mauvaises. Peut-être que Robonna est sa valeur universelle ?, Mais, elle ne pouvait pas. Et Saint Esprit, comme elle aimerait accepter l’appel fougueux. Lui prendre la main et la rejoindre, vivre naïvement. Dans une gentille maison, un peu d’amour, pas beaucoup de disputes. Mais rester ensemble. Ce n’était pas possible, et cette révélation fit trembler le ton précieux de sa voix

-Ce n’est pas aussi simple, Robonna. Ca n’a jamais été aussi simple. Si je pars avec vous, qu’arrivera t-il à vos amis que vous chérissez autant ? Qu’arrivera t-il aux villageois ?

Contre-jour, elle tournait le visage vers cette fenêtre délicieusement horrible :

-Le Shérif me cherchera, le roi sera furieux. Je vous tiens dans une estime plus haute que mon sein puisse supporter, mais, je ne peux pas faire quelque chose d’aussi…

Les mots se perdent, oeillade à Robonna. Reprise du ton calme, il fallait se calmer, rien dire :

-Puis, Robonna, même mariée, je ne changerai pas. Je serai toujours votre dévouée.

Rythme des soldats sur les murailles, donnent le tempo de ce monde désastreux.

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