Les minutes défilent et vous rapprochent de l’heure fatidique.

Ton rythme cardiaque accélère sa cadence sous l’influence d’une montée d’adrénaline. Des frissons d’excitation parcourent ton épiderme enveloppé dans un tissu ténébreux – te protégeant du froid automnal et te garantissant un camouflage se fondant dans la noirceur de la nuit. Sasha a toujours été un petit peu plus doué que toi pour dégoter du matériel utile à vos aventures foireuses, plus habile pour tisser des liens, et en particulier avec des princesses fleurs.

Il s’agit sans aucun doute de l’une des plus mauvaises idées qui ait germé dans votre esprit.
Néanmoins, c’est précisément pour cette raison qu’elle se révèle être une des meilleures.

Cela fait si longtemps que vous fournissiez des efforts insensés pour pénétrer dans ce sanctuaire interdit, étudiant plus méticuleusement le terrain que n’importe lequel de tes livres scolaires en prévision d’un contrôle – oh oui, il y a de quoi sévèrement vexer tes professeurs, Zach. Toutefois, ces interdictions éveillent davantage ton esprit pratique que n’importe quel théorème mathématique. Pour quelle raison est-ce interdit aux garçons ? Et pour quelle raison est-ce réservé à une élite spécifique ? A quoi rime tout cela ? Tu as toujours fait partie de ces gens qui souhaitaient braver les interdits que tu jugeais absurdes, Zach, ces traditions irrationnelles qui ne reposent sur rien de concret.

Dans le pire des cas, tu te présenteras sous le titre de prince jasmin.
Sasha semble manifester un petit peu plus de stress par rapport à toi.

— Haha, clairement. Une ptite musique en fond, ça rajouterait vraiment une touche d’épique. Mais c’est vraiment pas le moment de gâcher toutes ces nuits de repérage.

Tu es conscient que cela lui aurait permis de se détendre un petit peu, toutefois, tu sais que l’effet n’aurait pas été le même sur tes nerfs, Zach. Car tu bouillonnes d’impatience. Un sourire dégoulinant de fierté s’inscrit sur tes lèvres.

Trois minutes.

Tu déduis aisément que ton meilleur ami ne ressent aucune forme de danger dans les environs ; de ton buisson, tu traces un chemin logique qui vous mènerait vers le lieu désiré. Le temple est monté en pilotis, se dressant au-dessus d’un cours d’eau. La nage paraît suicidaire en l’approche de cette période hivernale, de ce fait, il vous reste l’entrée principale comme accès.

Cela s’annonce risqué.
Comme toutes les décisions que tu prends, de manière générale.

— Tu es prêt ? Je vois personne là, mais va quand même falloir être discrets et rapides pour entrer.

L’aiguille indique le signal.
Ton corps frêle abandonne son masque de feuilles dans une tentative de discrétion avant de se redresser ; ta marche s’accélère tandis que ton regard pivote continuellement de droite à gauche ; tu te faufiles en direction de l’entrée dénuée de portail, vous facilitant la tâche pour la première étape de l’infiltration.
Tu adresses un signe à Sasha afin de l’inviter à t’accompagner, jugeant de ton côté que la voie est libre ; le sol de terre laisse gentiment place à un sol de bois, ralentissant ta marche dans un réflexe de ne pas faire grincer les planches.

Jusque-là tout va bien.
Le temple se dresse droit devant vous, et bien que tu ne sois guère un amateur d’architecture asiatique, tu ne peux t’empêcher d’être impressionné par son prestige, l’espace d’un instant.

— Whoah je... L'adrénaline fourmille dans tes veines. Tu veux commencer par où ?

Sourire complice.

Comme l'a dit Sasha, évidemment le staff vous pouvez nous tomber dessus, ça serait même marrant  

Malgré le sang qui entre en état d’ébullition, tu t’efforces de garder une lueur de rationalité dans ton esprit embrumé ; la proposition de ton meilleur ami te séduit immédiatement et semble plus logique que ton interrogation superflue. Entre d’abord, Zach, avant d’avancer des idées.

— Bonne idée ! Ça paraît évident dit comme ça.

Un léger ricanement étouffé dans ta gorge afin de ne guère le laisser maladroitement exploser – oh oui, ta spontanéité serait capable de ruiner vos efforts minutieusement cultivés, Zach.
Le Temple de Fleurs représente un tel mystère qu’une petite exploration en guise de mise en bouche te convient parfaitement. Le sous-sol incarne sans conteste une forme de destination secrète tant convoitée – l’Eldorado que les conquistadors recherchaient avec vigueur, sans la belle promesse d’incarner le paradis de ce bas monde.

Le silence de vos pas défierait presque les lois de la physique, tandis que votre cadence vous permet rapidement d’atteindre la porte enfermant l’énigmatique demeure qui vous est interdite. Un regard à Sasha, comme un signal muet.
À trois, on pousse la porte.
L’un à gauche, l’autre à droite.
Tes bras chétifs déplacent lentement le bois afin de créer une faible ouverture ; car, s’il y a bien un avantage à avoir la peau sur les os – grand sujet de complexe –, c’est bien que ta frêle carrure puisse se faufiler dans divers recoins. Sasha accède en premier dans le sanctuaire défendu, t’invitant à le suivre.

— Ça marche.

Le volume de ta voix diminue au fur et à mesure que vous avanciez dans votre quête, atteignant le stade du chuchotement. À ton tour, tu passes le seuil du temple et refermes discrètement l’entrée.
Tes iris parcourent l’intérieur plongé dans l’obscurité, les meubles dont tu ne perçois que la pénombre. Le peu d’éclairage suffit à te faire deviner la disposition de la pièce, toutefois tu induis aisément que ton alice ne se satisfera peut-être pas de cette quantité de lumière. Posant ton pied doucement sur l’une des ombres présentes, tu claques ta langue contre ton palais d’agacement : l’accès à celle-ci se révèle particulièrement compromis avec ta maîtrise actuelle.
Tu avais pressenti que l’ameublement hurlerait au luxe et à la prestance, cependant, tu n’es jamais parvenu à te bâtir une image précise – même fantasmée – du style asiatique. De quoi stimuler ton intérêt infini.

Tu te rapproches très discrètement de Sasha, articulant exagérément chacune de tes syllabes afin d’être audible malgré le volume de ta voix.

— Bon, mon alice marche définitivement pas ici. Et vu qu’on a aucune idée d’où se trouve exactement le quartier de Windsor, si tu vois une porte suspecte ou sens qu’elle est par-là, j’t’autorise à me donner un gros coup de coude pour m’arrêter.

Car tu es bien conscient d’être certainement le plus impulsif du duo.
Puis, un sourire confiant se dessine.

— Allons prendre connaissance des lieux. J’suis presque sûr que même par-là il doit y avoir des trucs intéressants. Dans des tiroirs ou que sais-je.

Pas forcément pour les dérober, mais au moins éclipser ces secrets. Cela dépendra des découvertes. Après tout, si cette partie est réservée à une élite, elle doit bien renfermer quelques mystères destinés aux plus privilégiées. Machinalement, tu te mets déjà en marche pour détailler la pièce, le plus discrètement possible. À la recherche de secrets, à la recherche des sous-sols également.

Oh oui, Zach, Magnolia a certainement raison finalement : tu es une bien mauvaise influence.

L’idée de porter des vêtements traditionnels asiatiques afin de camoufler vos identités déclenche dans ta gorge un rire muet que tu fais immédiatement suffoquer – tant cela te paraît naïvement absurde.
Toutefois tu acceptes discrètement d’un rapide hochement de crâne – ce ne sera jamais plus terrible que l’uniforme scolaire.
Tes iris dilatées furètent chaque éclat de lumière révélateur, les seuls repères auxquels tu peux te fier dans ta périlleuse quête ; l’innocence guidée par l’enthousiasme enfantine de la découverte balaie la crainte sensée d’un potentiel obstacle – le véritable danger qui menace de surgir.

L’esprit embué par la candide espérance – la terrible imprudence –, le retour à la réalité se révèle brutal lorsque ton meilleur ami empoigne ton bras. Le sourire s’éclipse, les globes oculaires s’écarquillent sous la surprise ; si l’instinct du rouquin lui hurle la présence du prédateur, tu seras prêt à prendre la poudre d’escampette avec lui.
Néanmoins, la voix tant redoutée s’élève avec élégance dans la pièce.
L’adrénaline redescend drastiquement face au Game Over.

Déjà…

Ce serait mentir d’affirmer que tu ne t’attendais pas à un éventuel obstacle dans votre périple. Mais c’est arrivé si vite. Toutes ces heures de repérage, toutes ces heures de planification méticuleuse ruinées impitoyablement en l’espace de cinq minutes seulement. Si vite la directrice s’extirpe de son camouflage de ténèbres pour arborer son air sévère.
Chaque syllabe prononcée, chaque geste exécuté de sa part attise ton agacement, Zach ; tu ne supportes pas l’attitude qu’elle exhibe, exagérément antipathique à ton goût. Une punition plus terrible que le manque de dignité des sans-étoiles ? Tes poings se serrent. Sa sentence lui paraît si naturelle, cependant ce n’est guère étonnant de la part d’une bourge qui ne saurait pas même imaginer les conditions déplorables auxquelles tu es tristement habitué.

Et heureusement, Sasha réplique en exprimant ta pensée en retirant la couche d’insolence que tu aurais rajoutée s’il t’avait laissé parler.
La surprise remplace la colère, lui adressant un regard intrigué tandis qu’il s’explique avec autant de franchise que de diplomatie ; puis, il t’entraîne dans sa fuite.

Tes mains tirent précipitamment la porte d’entrée en laissant suffisamment d’espace pour permettre à Sasha de quitter les lieux à son tour ; tes pieds piétinent le sol de bois grinçant de toute sa voix criarde – ne ressentant pas le moindre remord, cette fois-ci, à entendre ses hurlements.

Adieu, les belles promesses si bien gardées…

Tu te stoppes dans ta course effrénée afin de calmer ta respiration irrégulière, lançant un coup d’œil derrière toi. L’immortelle directrice ne quittera guère son palais a priori.

— J’pense pas qu’elle nous suivra. Tu soupires un bon coup. Franchement mec, ça m’a surpris qu’tu lui tiennes tête comme ça.

La franchise impertinente dont tu es l’allégorie ne pourra jamais lui reprocher de tenir tête au personnel. Même si cela renforcera sans doute la punition initiale – ils n’ont jamais été très friands des contestations dans les dictatures, après tout.

— Mais t’as vu, elle avait l’air d’être là depuis le début. Elle surveille vraiment tout ! Elle doit cacher un truc vraiment pas net dans son temple.

Et cela ne fait que renforcer tes questionnements incessants, cette imagination pragmatique mais assoiffée de mystères obscurs à résoudre ; la comparaison du pays doré te paraît subitement plus crédible qu’une simple métaphore : comme un secret qui dissimule une vérité plus désirable que tu ne l’envisageais – ou plus funeste et dramatique que les fictions pessimistes ; l’académie appartient au gouvernement après tout.

— Faut qu’on abandonne ce plan pour le moment. À moins d’être préparés, à moins de nous débarrasser… j’sais pas, de ses caméras de surveillance ou de sa magie, on va juste se faire prendre et se faire tabasser. Elle nous a choppés après même pas cinq minutes !

C'est craché avec tant de déception, car, en cet instant, tu dois l’avouer, Zach.

Tu es juste terriblement dégoûté.