Arielle, c’est de l’encre dans les veines.

Trop mélancolique pour exprimer la colère qui la ronge, qui reste coincée quelque part dans son œsophage, à l’image d’une tumeur qu’on aurait essayé d’étouffer dans un chiffon. Elle est l’adolescence figée, emmurée, drapée dans le noir et l’insolence. Elle n’a pas peur de la mort, encore moins de l’autorité. Elle la guette, la provoque, s’y bouscule en sachant qu’elle prend un risque.

Sans même se rabaisser à parler, elle dessine son mépris du monde dans l’air, d’un geste insignifiant presque anodin, qui se veut imperceptible, mais qui est pourtant tout calculé dans l’amplitude de son poignet à niveau presque égal de son exaspération. L’expression de son visage est lasse, tellement désespérée d’être reprise pour la 10ème fois depuis que sa journée a commencé qu’elle ne prend plus la peine de répondre.

Cette académie ne fait de toute façon aucun sens pour elle, Arielle se contente de vivre à côté des autres, avec toujours le même air désabusé. Elle ne fait pas confiance aux adultes, ni ne se mélange aux étoiles. Elle préférera toujours les lieux calmes et reposants (« comme les cimetières »), plutôt que le chahut d’une salle de classe.

Sauf quand il s’agit d’un concert de métal, peut-être.

C’est ce qui explique sans doute en partie la maîtrise moyenne de son don. A force de faire preuve d’évitement, à trop vouloir rester isolée, entrer en relation avec autrui devient une épreuve insurmontable. Rencontrer l’Autre est si angoissant, surtout quand on a un accès direct à ses pensées, et par conséquent aux jugements à notre égard. Ca tambourine en boucle : « Oui, je suis grosse, oui, je suis moche… », Arielle connaît déjà la chanson par cœur.

Borderline dans sa relation avec l’autre, son humour est la plupart du temps sarcastique, piquant, mais il est avant tout défensif. A la manière de l’Académie qui s’est recouvert d’un vernis clinquant, qu’Arielle n’a pas mis longtemps à gratter pour y voir l’immondice crasse dissimulée dessous. Arielle revêtit l’uniforme noir et arme son regard d’un épais trait d’eyeliner pour affronter l’académie despote. Elle réussit ainsi l’exploit de braver le règlement par sa simple existence dans les couloirs.

Mais quand elle n’est pas obligée à faire signe de présence en cour, elle se terre dans sa chambre. Elle a beau être petite et avoir un plancher en gruyère, elle y a toutes ses affaires et se complaît dans son obscurité. Dans une autre vie, Arielle voudrait se réincarner en une araignée. Sinon, elle voudrait devenir autrice, elle ne sait pas encore de quoi, mais elle écrit. Enormément. Surtout de la poésie, ce qui lui permet de mettre en mots tous ses démons et désirs.

Un jour, elle sortira d’ici et elle dénoncera et publiera les conditions de son emprisonnement et celui de ses camarades sans étoile.

Et si ce jour n’arrive pas, elle fera brûler l’endroit. Et quand vous verrez la première page, vous saurez que c’est Arielle.