Obscurité qui te drape de sa couleur sur tes épaules à la lourdeur de tes malheurs - paupières qui s'abaissent, inspiration des grands moments et tu absorbes cet oxygène qui t'appartiens à toi et à toi seul ; il y a, il y a dans tes pas, la recherche de la liberté, comme si te séparer du sentier te permettrait, peut-être, de t'imaginer seul, seul et perdu dans cette forêt aux multiples secrets.
L'excuse de la recherche d'une personne habitant dans ses lieux - excuses que tu donneras plus tard à tes deux amies en quête de frissons - n'est qu'une parade pour justifier ta présence en quête, vaine, d'une réponse à tes questions qui se bousculent précipitamment contre les parois de ton crâne, comme si tout était là, devant toi, sans que tu ne le remarques même une fois.
Tu marches, marches avec cette envie de courir et de déguerpir - et peut-être, peut-être que dans l'exaltation du moment, dans un de ses instants de folie juvénile et malhabile, tu te serais mis à courir pour le plaisir du vent contre ta peau, des tiraillements dans tes jambes, de l'inspiration qui se coupe comme si tu ne respirais plus vraiment - mais au lieu de ça, au lieu de ça, tu t'arrêtes.
Devant toi, une silhouette qui, si a première vue t'effraies, après un temps de discernement, t'accables de questionnements - debout, dans ses bois perdues, jeune fille aux regards éperdues, tu arrives à distinguer les jolies traits de ton amie.
– Eulalie ?! et tu cours, tu te mets enfin à courir, tu cours vers elle, car ses traits, tous plus jolies soient-ils, sont empreints de la laideur de la terreur et des pleurs.
– Qu'est-ce que tu fais là, pourquoi tu es toute seule ?! et tu la connaissais, tu la connaissais pour ses débâcles, pour ses tentatives, pour ses envies de liberté ancrées au point de pouvoir en crever - simplement pour se sentir libérée. Force d'admiration, tu l'observais toujours avec l'envie de la tentation : celle de lui prendre la main, de lui chuchoter que tout irait bien avant de l’entraîner avec toi ou s’entraîner avec elle, dans la chute inexorable de cet établissement qui vous retiraient votre raison.
Enfin à sa hauteur, tu n'oses la toucher de peur de l'effrayer, mais tes mains relevées sont déjà prête à la rattraper - et tu essaies de capter son regard, son attention, alors que tu comprends un peu trop rapidement que cet état ne venait pas d'une énième expédition ; mais que quelqu'un ou quelque chose l'avait mis dans l'embarras sans mesurer les dégâts.
L'impression d'être prisonnier d'un navire en train de couler. D'un avion sur le point de s'écraser. Cette impression que même mourir ne soulagerait pas ta douleur. La boule au ventre et les yeux éclatés à force d'avoir pleuré, tu n'en avais même plus pour te relever. En boule contre un arbre, à sangloter. A revivre la scène, imprégnée dans ton esprit comme des faux souvenirs. L'illusion paraissait si réelle. Tu avais sûrement offert à Morphée son plus beau film. Dont tu fut malheureusement l'actrice principale contre ton gré.
Qui viendrait te chercher en ces lieux sombres ? Tu n'avais aucune main à attraper. Egoistement, tu te complaisais dans ce rôle de victime. Il te collait à la peau dangereusement... Que deviendrais-tu si tu étais capable de te défendre, si tu étais prête à accepter cette vie, si tu... t'abandonnais.
Des voix t'appellent, une en particulier. Mais tes yeux exorbités ne reconnaissent pas, tu ne discernes plus la réalité de cette illusion qu'il t'avait fait vivre. Le soleil couchant. La nuit ! Le rire qui s'échappe de ta voix, la sensation de liberté... Le noir. Courir sur les dalles d'or en dehors ... du champ de force. Le froid.
— « ARREEEETE ! »
Les mains crispées bouchant tes oreilles, prête à exploser. Tu es une bombe depuis toujours Eulalie.. Tu avais lancé tant de signaux.. Mais personne n'a souhaité les entendre. Ce soir, c'est peut-être le moment ou tu les enterreras tous. Toi avec six pieds sous terre, mais toujours à l'intérieur de cette cage de verre.
***
Tes paupières s'agitent et tu rouvres les yeux, tes pupilles faisant le focus sur un visage d'abord flou... puis si doux. Son prénom est au bout de tes lèvres...
— « Elior... »
Ou es-tu ? Quelle heure est-il ? Ta respiration saccadée démontre d'une panique encore récente. Tu attrapes maladroitement ses manches pour le tirer vers toi. Tu l'entoures de tes bras comme s'il était l'être aimé. (Il ne l'est pas) Tu voudrais d'abord qu'il te plaigne, et cette pensée t'écoeure autant que toi même. Tu es fatiguée, d'agir ainsi, de te nourrir de leur pitié.
— « Morphée Blacksone. Je le hais. Dieu sait qu'il ne faut pas détester, mais c'est plus fort que moi. »
Il t'avait réduit en morceaux, pour son plus grand plaisir. Mais il ne savait pas encore que tu avais déjà commencé à les réparer.
— « J'ai... fais des cauchemars. Sur l'académie en feu. Elior... Elior j'aimerai que ça soit vrai, c'est mal ? »
Alors, alors, tu la rattrapes quand elle s’effondre dans l'inconscient, déboussolé par son hurlement déchirant qui ne semblait t'être adressé, comme si l'illusion de la réalité lui avait été trop dur à supporter. Tu la rattrapes, tu la rattrapes tant bien que mal et tu glisses avec elle sur le sol, calant confortablement sa tête dans la chaleur de ton torse, tandis que tes bras l’enserraient comme pour la protéger de quelque chose dont tu n'avais aucune idée.
Et - tu restes-là, dans l'impossibilité de bouger, trop inquiet de détourner la tête et la voir disparaître ; le silence de la nuit ne te semble plus aussi rassurant et l'angoisse, l'angoisse te prend les tripes et fait défiler tout les scénarios possibles et imaginables.
Tu relèves le menton et regarde les horizons, déjà prêt à utiliser ton alice contre toute menace qui se présenterait à vous - mais, mais, mais le temps passe et rien ne vint, si ce n'est son réveil qui te vole un soupire, une expiration de soulagement.
Elle prononce ton prénom et c'est déjà une chose rassurante - elle arrive à discerner le vrai du faux à cet instant présent. Elle s'était redressée à son éveil et tu l'avais lâché immédiatement par respect, mais elle n'avait pas pris de temps pour revenir à toi et, automatiquement, sans même réfléchir, tu vins l'enlacer ; déposant tes lèvres sur le haut de son crâne sans pour autant l'embrasser.
Alors, elle te dit, elle te nomme le nom de son malheur - et à l'invocation du Tout Puissant, tu fermes un peu les yeux ; Eulalie, douce Eulalie, celle qui ressemblait tant à cette mère que tu avais un jour chéri - et pour elle aussi, pour elle aussi, Dieu avait toujours été là pour elle, bien plus pour elle que toi-même tu n'avais été là pour elle ; ah, douce, douce Eulalie - sans y croire, tu priais pour qu'Il ne la déçoive pas aussi.
– Non, non, ce n'est pas mal... lui réponds-tu immédiatement en caressant ses cheveux avec affection, essayant par les gestes de la rassurer, de lui dire, lui murmurer, que tu étais-là, que c'était fini, que tu serais là, cette nuit. ... bien sûr que non, ce n'est pas mal. Moi aussi tu sais, moi aussi j'aimerai que ce calvaire se finisse... avoues-tu tout bas, pour lui indiquer qu'elle n'était pas seule avec ses pensées là. Ça ne fait pas de toi une personne horrible ou mauvaise.
Silence.
– Que t'as-t-il fait, Eulalie ? Morphée, que t'as-t-il fait ? grondes-tu, l'air bien plus sombre, les pensées qui se ternissent avec cette flamme qui s'élève dans ton palpitant, prête à enflammer ta colère pour y carboniser sa douceur sincère.
Ses lèvres frôlent ton front mais ne t'arrachent aucun frisson. Tu restes inerte, comme si l'âme s'était envolée tristement de tes arabesques. Il était dur de s'accrocher à quelqu'un pour qui l'on est juste de passage dans sa vie. Elior est doux, Elior est gentil... Mais s'il est gentil avec tous le monde, est-ce que ça en valait vraiment la peine ?
Tu ne pleures plus, tu n'en as plus la force. Tu ne voulais pas paraitre faible devant lui, lui qui paraissait de loin si fort. Tellement fort pour protéger Elyas. Mais qui te protégeait toi ? Cette pensée te ramenait instantanément à toi. Parce que tu avais mal Eulalie, tout simplement mal de cette solitude que personne ne pouvait endurer à ta place. Un sacrifice que tu supportais chaque jour de ton inexistence : mieux valait être seule que de les mettre en danger.
— « Un jour j'y arriverai Elior... Tout prendra sens. J'irai chercher de l'aide. Un jour nous serons libérés et heureux, j'y crois. »
Tu y croyais vraiment. Et chaque jour qui passaient, tu avais retrouvé la Foi en Lui, jusqu'à ce jour maudit ou Il te plaça sur la route de Morphée. Peut-être était-ce une punition, l'électrochoc dont tu avais besoin pour arrêter de subir ta vie et celles des autres.
D'une voix clair et lucide, tu prononces sans jugement (c'était un effort considérable qui avait fini par te refaire sangloter à la fin de ta phrase).
— « Il m'a fait croire que j'étais libre. Il m'a fait vivre mon rêve le plus cher. C'était si fort.... Si vrai.... Ça n'avait rien d'une illusion Elior. Je ne pensais même pas que c'était possible. »
Et maintenant que ta conscience est soulagée, la colère revient gronder entre tes entrailles. Tu étais une fille écrasée Eulalie, mais prête à faire de même. Enfin.
— « Son alice m'a détruite. Et ça non plus... Je ne pensais plus que c'était possible. »
Dans tes yeux se reflétaient le souvenir du jour ou les flammes ont ravagé le seul endroit qui était cher aux yeux d'Elyas. Ce jour ou tu as cessé de vivre pour toi mais pour obtenir son pardon.
Elle est forte Eulalie. Elle est forte et pleine d'un espoir qui ne ternit jamais, mais si tu crois en elle, tu as du mal à croire en sa réussite - de ton avis, Elior, elle a besoin d'aide et si les gens s'alliaient, si les gens s'écoutaient, si les gens se rebellaient comme elle le faisait, alors, alors elle réussirait. Et tu as envie de l'aider, Elior, réellement, tu as envie qu'elle réussisse, tu veux qu'elle réussisse ; et tes pensées s'emmêlent.
À l'écoute de ses propos, ton sang ne fait qu'un tour, tes poings se serrent si fort, tellement fort, tandis que ton visage se fait livide - tu entends ton palpitant s'échapper de ta poitrine pour galoper en dehors de ton propre corps. Il y a la colère, cette colère si familière qui prend possession de ton corps à la simple idée que Morphée ait osé.
Pour QUI se prenait-il ?!
— Je vais le tuer. marmonnes-tu sombrement, avant de l'éloigner avec délicatesse pour pouvoir l'observer, remettant partiellement ses cheveux en état, tout en laissant glisser le dos de deux de tes doigts pour essayer vainement d'effacer les traces de son désarroi.
— Il va le regretter, je te le promet et je vais faire en sorte qu'il ne t'approche plus jamais, qu'il ne te fasse plus de mal. De quel droit il ose faire un truc pareil ?! finis-tu dans l'éclat de la rancune avant de bien vite te calmer, n'ayant aucune envie de la chambouler avec tes propres sentiments - alors tu rages en dedans.
Faire miroiter cet espoir, se jouer d'elle avec ce qu'elle veut le plus au monde, créer l'illusion de la liberté et s'en moquer avant de la laisser là ici, toute seule, dans les bois, la nuit ?! Il allait payer, payer, payer, Elior - combien même vous étiez en bon terme, il devait payer pour infliger pareil chose à ton entourage.
— Et… Eulalie, tu ne penses pas que tu aurais plus de chance d'y arriver si… si les gens s'alliaient avec toi… je veux dire… c'est éprouvant toute seule, mais ensemble, peut-être qu'on y arriverait plus facilement, non ? chuchote la rébellion.
Je vais le tuer. Je vais le T U E R. Dans tes yeux mourraient déjà l'espoir et la Sainteté. C'était douloureux pour toi d'assister à la déchéance d'Elior, lui qui était d'une pureté sans faille. L'avais-tu corrompu dans ta colère ? Avais-tu été égoïste de le rallier à ta cause, l'invitant toujours et encore à avoir pitié de toi ?
Oui, et alors ? Il fallait que tu arrêtes de penser Eulalie, il fallait que tu arrêtes de ressasser ces énergies négatives qui te bouffaient autant qu'elles s'apprêtaient à dévorer tout ceux autour de toi. Tu étais née avec cet alice. Comme te disait Kendall.. Il pouvait être utiliser pour faire le bien ou pour répandre le mal. C'était au possesseur de choisir. Et Morphée avait fait le mauvais choix.
— « Elior je ne veux pas t'attirer de problèmes. Tu es déjà prisonnier de tes doutes et ... de tes sentiments. Je ne veux pas rajouter de la haine à tout ça... »
Tu rougis un peu, détournant le regard sur l'aveu des secrets que tu avais deviné malgré toi. C'était douloureux d'en parler, car la personne à qui il s'accrochait, c'était celui qui devenait la clé de ton passé. Mais Elior t'arrache rapidement de tes pensées alors qu'il te parle de rebellion, de plans bien montés et d'organisation. Toi qui avait toujours été s o l o ((Punie quand on te vient en aide)) On te nourrie d'un désespoir vain qui n'éteint jamais la flamme qui t'anime.
— « Elior... Elior... A plusieurs on est plus forts. Mais les gens ont peur. Ont peur de s'électrocuter sur ce champ de force. A chaque fois que je tombe de l'échelle j'espère que les gens comprendront... Notre acharnement les irrite profondément. Le fait qu'on ne perde pas espoir, c'est la seule arme qu'on a contre eux. Et notre nombre. Ils ne peuvent pas... tous nous tuer ici. »
Car vous étiez trop précieux pour eux.
— « J'ai besoin de vous. »
Un aveu de faiblesse qui réussit à te tirer tes dernières larmes.
Doutes ? Sentiments ? De quoi parlait-elle la belle Eulalie avec ses suppositions ? Tu n'en avais pas la moindre idée et tu la trouvais légèrement hors propos ; on parlait d'elle, pas de toi et quand bien même tu avais des doutes ou des sentiments pour on-ne-sait-quoi, tu étais toujours là pour lui venir en aide, toujours là pour protéger ceux que tu aimes.
— Et on a besoin de toi. réponds-tu immédiatement, presque instantannément, presque religieusement.
Bien sûr, bien sûr que vous aviez besoin d'elle - où serait l'espoir si Eulalie, la terrible, l'intrépide Eulalie, abandonnait ? Si elle, abandonnait, alors il n'y avait plus le moindre espoir, tu en étais convaincu - elle n'endurait pas ça pour rien, combien même pouvait-elle sûrement penser le contraire ; elle était une source d'inspiration pour beaucoup, beaucoup plus de gens qu'elle ne pouvait le penser et tu étais le premier en ligne de mire à te laisser aller à ses idées ; à son besoin de liberté.
À ton besoin de vengeance.
Mais ça, ce serait pour plus tard.
— Oui, les gens ont peurs... mais écoute... et si... et si on abandonnait l'idée du champ de force ? Et si tu te battais dans le mauvais sens, Eulalie ? demandes-tu sans la moindre condescendance, tu exposais seulement ton avis dans le besoin d'entendre le sien Et si, on changeait les choses de l'intérieur ? Et si... et si on arrivait à se souder pour monter quelque chose qui puisse... qu'on puisse se révolter ? Toute cette académie Eulalie, elle fonctionne parce que tout le monde se laisse engrainer par cet établissement, par les règles, les rangs, la séparation des gens... Ils nous séparent, Eulalie. Et si on faisait en sortes, de se rallier ? Si les gens arrêtait d'écouter des instructions et des règles qu'ils nous imposent comme s'ils avaient tout les droits sur nous ? Tu penses vraiment que l'académie fonctionnerait toujours si plus personne ne suivait leurs idéaux ?
Il t'était difficile de dialoguer correctement tant tu étais encore à moitié délirante. Tu nourrissais à Elior une fois sur deux des inepties sans le vouloir. Dans tes yeux se reflétait encore parfois le soleil... les pavés d'or! Son visage! Ce souvenir te grignotait peu à peu, tant bien que mal tu essayais de te concentrer sur ce que tu confiais Elior. Heureusement, la passion exprimée dans la tonalité de sa voix te raccrochait à la douce réalité, celle ou tu pouvais compter sur un ami, et sur ses mots d'encouragements.
Beaucoup te trouvaient stupides de t'acharner ainsi. Certains se moquaient de toi. Mais Elior n'avait jamais ri. Il t'avait toujours souri au détour d'un couloir. Si bien que tu avais commencé à l'observer, silencieuse, tu devinais ses regards portés sur un autre. Car pendant des années, tu avais eu les mêmes.
Oh Elior... Tu espérais que toi, tu y arriverais. Ton rêve était tout autre maintenant. Il s'animait sous forme de bonheur à l'état pur, auprès de tes parents, des moutons dans les prés.. Loin de cette prison aux barreaux méchants.
— « Je... Je ne sais pas. »
Tes yeux cherchaient avec illumination les siens. Deux perles bleus pures comme la mer, comme l'océan. Et alors dans les éloquences lunatiques d'un traumatisme encore bien ancré, tu réponds comme solution à son énigme bien perchée.
— « La mer... Nous sommes l'océan et eux la falaise. Si l'on.. frappe, cogne, encore et encore. Les vagues creuseront dans leurs vieilles pierres. Et la falaise... »
Tu t'effondres au sol, vidée de toute énergie. Tu t'écrases dans la poussière comme une fleur d'automne.
La métaphore t'étonne au point de grincer des dents - tu t'étais peut-être emballé, tandis qu'elle avait sûrement du mal à suivre la conversation. Tu paniques un instant à son état, tu n'oses pas la toucher - tu détestes imposer des gestes aux gens sans leur consentement ; mais dépité par ton inaction, tu finis pas t'animer.
Tant pis, tant pis, elle n'avait de toute façon aucune chance de rentrer à pied à l'académie, dans l'état où elle était. Alors, alors tu vins glisser une main autour de sa taille et ta jumelle sous ses genoux pour la soulever et la caler entre tes bras - bien qu'elle soit légère, le poids te fait tanguer un instant sur tes pieds, tu étais loin de faire ce genre de chose habituellement.
— Pardon Eulalie, on va rentrer, okay ? Je te promet que ça va aller… Tu es trop secouée. souffles-tu, avant de faire demi tour en marchant le plus vite possible pour sortir de ces bois en reprenant exactement le même chemin linéaire que tu avais pris pour venir ici.
Que faire, Elior ? L'amener à l'infirmerie ? À cette heure ? Elle allait avoir des ennuies et toi aussi - tu ne pouvais te le permettre. Tu ne pouvais pas non plus, avec toute la discrétion du monde, l'emmener dans sa piètre chambre, froide, miteuse et mal isolée alors qu'elle était déjà morte de froid et déboussolée. Alors quoi, l'emmener dans ta chambre ? Tu y penses un instant, le coeur battant à force de te dépêcher mais, une fois arrivé aux abords de la forêt tu t'arrêtes subitement.
Tu la laisserais dormir dans ton lit et tu pouvais très bien te poser au pied de celui-ci, pour ne pas la mettre mal à l'aise - mais que se passerait-il si vous vous faisiez chopper ? Dans l'état où elle était, ça serait une situation compliquée. Si Elyas l'apprenait, en voudrait-il à Eulalie ? Te regarderai-t-il étrangement ? Au risque de perdre tes étoiles pour elle et, de ce fait, de lui faire du tort à lui ? Elyas ou Eulalie ? Eulalie ou Elyas ? En d'autres circonstances la question ne se poserait pas, mais à cet instant, Eulalie est ton amie et elle a besoin de toi.
Tu te remets à marcher après cet instant égaré - Elyas ne te jugerai jamais sur tes choix, qu'importe ce que tu ferais, il ne dirait rien, tu le savais.
— Eh... ça te va si j'arrive à nous ramener dans ma chambre, juste pour cette nuit ? Je pense que tu auras encore plus d'ennuies si tu vas à l'infirmerie… à mon avis, tu as surtout besoin de sommeil. dis-tu, tout bas la regardant, baissant le pas pour te faire plus discret, plus secret.
— Et ne t'en fais pas, pour Morphée, je m'en occupe.
Tes yeux se ferment doucement alors qu'Elior te rassure. Tu sens ton corps se soulever et instinctivement et en manque d'amour, tu entoures tes bras autour de son cou pour te lover contre son torse. C'était agréable, d'une tendresse naive tu profitais de la chaleur de ses bras. Tu revivais, que quelqu'un fasse attention à toi, et prennent des risques tout comme tu en prenais. D'une petite voix lasse et à moitié assoupie, tu lui murmures alors qu'il traversait la forêt face au vent.
— « Merci. Tu es comme mon ami. »
Idiote Eulalie, illégitime même quand la personne se dévoue corps et âme. Sur qui d'autres croyais-tu pouvoir compter, à part Gabrielle ? Elyas viendrait te sauver, si tu étais en danger ? Non, il était encore prisonnier de ses barrières et des ramparts. Non en fait, personne ne viendrait à ton secours, et ainsi peut-être mourras-tu en martyr. Le Paradis était sûrement un endroit chaleureux, ou tous le monde est libre.
***
Tu avais somnolé un peu, rêvant des anges et des parents. Ouvrant les yeux, tu reconnus la façade du lycée au loin. Tu fixes son visage, un peu gênée d'être portée comme une enfant mais encore vaporeuse pour prendre l'initiative de descendre et marcher. En fait tu étais éteinte.
— « C'est gentil de ta part... Je dirais pas non à un lit avec un vrai matelas. » A sa dernière phrase, tu fermes les yeux, et tu ajoutes dans un souffle. « Je te fais confiance. »
Tu trouves tout de même la force de lui indiquer du doigt de passer par derrière, les surveillants surveillaient à cette heure-ci l'entrée de l'école pour surprendre tout ceux qui essayaient de sortir. « Je connais un chemin qu'on utilise pour aller au grenier, on descendra ensuite.. »
***
Une fois arrivé devant sa chambre, tu te laisses glisser au sol, les jambes tanguantes.
Une fois la porte de ta chambre discrètement fermée, ayant suivit les indications précises d'Eulalie pour vous permettre de vous glisser en toute discrétion, tu te laissais aller à un soupir de soulagement qui te fit presque défaillir - mieux valait que personne ne vous ai vu, vous seriez dans de beaux draps au vu de son état.
À l'entente de ses mots, tu ne pus qu'esquisser un faible sourire un peu contrit ; un sentiment de culpabilité fugace faisait son apparition - tes belles paroles de rébellion semblaient risibles à présent, puisque tu étais de ceux qui faisaient fonctionner toute cette machination. Malheureusement, tu ne pouvais faire autrement et, tu le pensais vraiment, Eulalie était de celle qui pouvait sûrement le comprendre - tu ne faisais pas ça pour toi, tu le faisais pour lui.
— Merci... Fais comme chez-toi surtout, je peux te passer des vêtements pour la nuit et tu peux dormir ici et on verra demain matin si tu as besoin de passer à l'infirmerie. fis-tu en l'observant, les mains déjà dans ton armoire pour lui donner un t-shirt et un pantalon - vous n'étiez tout deux pas bien grands, mais sa petite carrure allait sûrement la faire flotter dedans ; et, pendant une demi-seconde, tu te demandes si ce genre de chose ne devrait pas plaire à un garçon de ton âge, mais tu balaies l'idée, très peu l'envie de te flageller à cette soirée déjà bien trop compliquée.
— Enfin, tu fais comme tu veux, je t'oblige à rien et je te laisse le lit, t'inquiète pas. Si j'avais une étoile en plus je t'aurai bien proposé une douche pour te faire du bien, mais bon... et tu ris jaune - un peu exaspéré.
Tu te sentais comme un poids. Tu lui causais du tracas et même si tu savais son sacrifice sincère, tu gardais cet air morne et vide sur le visage. Les paupières tombantes, les joues rouges à cause des bouffées de chaleur et surtout aucun sourire. Tu le regardais avec pitié, comme pour anticiper qu'il puisse faire de même. Tu t'excusais silencieusement d'être là, mais tu n'avais pas la force de briser ce moment en le prononçant à voix haute.
— « Merci beaucoup, pour tout ça. Je vais me tourner attends.. »
Tu te tournes dos à lui, enlevant petit à petit tes vêtements. Le souffle court, tu espérais ((tu lui faisais confiance)) qu'il s'était lui même placé de dos, et qu'il attendait ton signal. Rapidement pour ne pas prolonger le malaise, tu avais enfilé la tenue qu'il t'avait gentiment pressé et tu t'empresses de balbutier.
— « J'irais à la laverie te les laver... Désolée. Et encore merci pour le lit. »
Tu roules en boule ton uniforme et vient le fourrer dans ton sac, avant gigoter bizarrement sur place. Portant tes doigts à ta bouche, tu hésitais à lui laisser quand même son lit et à dormir par terre. Tu te rends compte au dernier moment que cela serait irrespectueux envers son dévouement alors à contre coeur tu t'installes dans ses draps. Qui ont son odeur. Ça te gêne tellement mais il est si confortable. Rassurée d'être en présence de quelqu'un qui tenait assez à toi pour prendre des risques, tu attend qu'il éteigne la lumière pour pleurer silencieusement et pudiquement. Avant d'ajouter une fois que tu fus sure que tes sanglots ne soient pas discernables à l'ouïe.
— « Est-ce qu'il y a des choses, que tu regrettes ? »
Des regrets ? Tes deux orbes s'élèvent au plafond, assis sur le sol, le dos contre le lit, tu ne te plaignais pas de la nuit que tu passerais - tu n'avais jamais été une personne dont le confort était un style de vie, tu n'y avais pris que légèrement goût depuis ton ascension dans le classement immonde auquel procédait l'académie. Tu étais de ces gens dont le minimum suffisait sans jamais t'en plaindre car tu avais rudement appris qu'il fallait se contenter de ce qu'on avait et, plus encore, l'apprécier.
Tu te pelotonnes un peu plus dans ton sweat que tu avais troqué pendant qu'elle se changeait et tes paupières se font un peu lourdes - sans pour autant accuser le sommeil, le coupable semblait plutôt s'associer à la lassitude.
Des choses que tu regrettes, Elior ? Cette question te semble absurde : évidemment qu'il y a des choses que tu regrettes, comme tout à chacun - mais tu te doutes qu'elle ne veut pas poser le doigt sur une question abstraite, mais bien plus profonde, plus concrète, peut-être pour en faire une comparaison avec son propre poids sur ses épaules - tu n'en sais rien. Mais toi, Elior, ce n'est pas un poids, ce sont des entailles. Tes regrets ne peuvent être délaissés ou allégés, ils sont inscrits dans ton être jusque sous ta peau ; parce que tu devais vivre avec et, sûrement, peut-être, parce qu'ils forgeaient l'homme que tu étais.
Tu regrettes ne pas avoir arraché le pénis de ton paternel. Tu regrettes ne pas avoir été capable de lui porter bien plus que malheur dans la folie de ta colère. Tu regrettes ne pas t'être interposé contre lui et ta propre mère. Tu regrettes d'être né et d'avoir vécu. Tu regrettes de faire fonctionner une école par ta propre implication. Tu regrettes d'utiliser ton alice simplement dans le vice de disparaître plus vite. Tu regrettes tes pensées obscènes pour tes camarades masculin. Tu regrettes ton comportement et tes agissements quand tu venais tout juste d'arriver, cassé, brisé et esseulé. Malgré toi, tu regrettes tes propres actions ou paroles d'enfants qui ont blessés énormément de gens. Tu regrettes chaque fois que tu fais un faux pas et que tu croises le regard d'Elyas qui pourtant ne t'en veux pas. Tu regrettes d'avoir promis, juré, craché à Blanche et d'avoir disparu du jour au lendemain. Tu regrettes, bien malgré toi, ses sentiments. Tu regrettes ta relation avec Agnès, sans ne l'avoir jamais avoué. Tu regrettes tellement de choses, Elior, que tu ne peux pas lui dire tout ça, ça serait interminable, incompréhensible pour elle et, plus que tout, tu n'as pas dans l'envie d'une conversation égocentrée sur toi et ta putain de vie qui te rit au nez à chaque fois qu'elle se prend le plaisir de te faire payer.
Tu préfères rester seul avec tes pensées, parfois égoïste, parfois trop pleines de bons sentiments, parfois pitoyablement mélodrames - c'est elle qui avait besoin de toi, pas l'inverse.
— ... Des regrets ? J'ai l'alice parfait pour être accablé de regrets.
C'est faux - tu ne regrettes jamais ce que tu infliges et c'est peut-être ça le pire, peut-être ça, le plus déroutant quand on ne connaissait que ton amour pour les gens.
— Mais je n'ai pas toute la vie, pour les regrets.
Et peut-être est-ce parce que tu n'en as pas le temps, que tu arrives si facilement à te débrouiller seul dans ta propre existence ; il y avait des choses bien plus importantes que les regrets.
— Je sais que tu en as aussi… tu sais, tu sais Elior, tu sais pour elle et Elyas et il faut croire qu'il fallait remercier la jeunesse, pour qu'elle soit en droit d'être là, ce soir, à tes côtés - tu n'avais pas eu l'occasion de lui en vouloir et tu n'en avais, à présent, plus de raison pour le faire.
Mais Eulalie, comme tout le monde, avait une ribambelle de regrets à la clef.
— ... Mais si on s'y attarde trop longtemps… je pense qu'on arrête de vivre.
qu'on a l'impression de mourir
Eulalie A. Murphy
jaisu krist & cornetto waifu ♡
Messages : 1002 Age : 28 Classe : E.
Sujet: Re: (end) discernement – eulalie † elior Mer 30 Oct - 12:49
discernement
eulalie&elior
❝ maybe i was ready all along ❞
Ta question n'était pas une question facile. Déjà au delà de lui poser à lui, tu te la posais à toi même. Pendant qu'il réfléchissait aux siens dans ce silence parfumé de compassion, tu ressassais les tiens. Les mêmes qui t'obsédaient depuis des années, qui t'empêchaient de pouvoir dormir. Des regrets de ne pas avoir pu dire à tes parents à quel point tu les aimais, des regrets de jamais avoir réussi à t'échapper pour t'excuser auprès de ceux d'Elyas, des regrets de ne jamais avoir trouvé les mots pour te faire pardonner de lui-même. Et tant d'autres choses. Presque d'exister, même, tant tu ne faisais pas la différence auprès de tout ceux que tu aimais. Rejetée ou convoitée, c'était toujours la même chose : la cause de cet alice qui te détruisait en même temps qu'il te donnait le pouvoir.
Mais sa réponse t'arrête net dans ton flot de pensées. Il n'a pas toute la vie pour les regrets. Et toi Eulalie, tu l'as toute la vie pour les regrets ?
— « Tu as raison. »
Il t'a coupé le sifflet. Et il en rajoute. Tu te sens mal Lalie.. Il a sûrement plus de raisons que toi d'être malheureux. Tu as l'instinct, pour saisir l'essence même des traumatismes. Tu sais reconnaitre dans le regard éteint et dans le sourire clair la tristesse cachée. Parce que tu uses des mêmes artifices.
— « J'ai accordé trop de temps à mes regrets. Je les ai nourris en pensant qu'ils me définissaient. »
Tu ne dis plus rien, t'enveloppant un peu plus dans sa couette à ses odeurs enivrantes.
— « Pardon pour cette question Elior. Merci pour tout, bonne nuit. »
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Sujet: (end) discernement – eulalie † elior 
