♛ Ses azures - pierres polies d’innocence d’une vie éclosant - se sont ouvertes à Nuneaton, dans le Nord de l’Angleterre. Il n’en connaîtra que les formes et couleurs, la famille déployant ses ailes pour l’Irlande. Tout jeune poupon, le poids du titre reposait déjà sur ses frêles épaules - vierges de toute expérience - ; lui prochaine figure de proue de l’honorable famille Hastings.
♛ Le monarque en devenir reçu dès son plus jeune âge une éducation à la hauteur de son statut. Feuille flânant entre les meilleurs enseignants, luciole dansant aux bals et galas ; faciès pur apprenant les bonnes manières.
♛ On avait peint sur son regard l’avenir d’une grande personne. A l’image de ses géniteurs, épargnés par la malédiction des alices. L’enfant fut introduit aux arts de se tenir. De la parole et du langage - jeune corps attirant les regards à lui - ; présence qu’il faisait sienne peu à peu. Prenant exemple sur ces silhouettes, dignes et grâce de prestance que sont ses parents. L’enfant entretenait avec ceux-ci une relation cordiale - amour désintéressé ; prestance souhaitée -. Ils étaient ses plus grands professeurs et critiques. Formateurs et juges, jamais Earl n’avait vu en eux ces visages tendres et aimants dont tout enfant parlait autour de lui.
♛ Earl était musicien. Earl était battant. Élève modèle à la présence si remarquable derrière cette moue enfantine. Essence s’aiguisant de mieux en mieux, s’emparant des postes à responsabilités. Earl était adulte - enfant lointain, se cachant dans le corps d’un homme - ; jeune dauphin suivant les traces de ses parents. L’enfant savait. L’enfant pensait, réfléchissait. Prenait ce qui l’intéressait pour son avenir. Earl n’était pas cette miniature de ses géniteurs. Earl avait sa volonté. Et ses rêves.
♛ L’enfant prodige n’avait eu cesse de se pencher sur les Alices, ces enfants comme lui - exception d’un pouvoir - dont la société ne voulait point. Il ne comprenait guère, ce qui les rendait si différents. Ils étaient des êtres de chair, des humains - silhouettes aux courbes semblables -. Et quand l’astre s’abandonnait aux bras de Nyx, laissant ses voiles nébuleux bercer l’esprit de l’enfant, il rêvait. Rêvait de pouvoir les aider. D’un jour devenir leur porte-parole - voix unissant les leurs - , sans illusions d’être aveuglé d’un idéalisme enfantin.
♛ Son alice prend vie à sa huitième année. Faits anodins, échos aux sonorités familières. Mots tombant de ses lippes, ordres singuliers qui enrôlaient les âmes environnantes. L’enfant n’en saisissait guère toutes les teneurs sur l’instant, observant - statue de cire au regard impassible - ; son esprit traçant de coups abrupts les hypothèses.
♛ Son arrivée à l’Académie fût tardive, ses géniteurs ayant tenu à terminer son éducation - surveillés par les prunelles implacables du gouvernement - avant de confier l’enfant aux mains de l’imminent Winchester. Alors âgé de dix ans, l’enfant s’intègre sans peine dans le système de l’école. Earl s’implique alors très tôt auprès de ses petits camarades - ses azures percevant son rêve prendre vie - ; se voulant pont entre les adultes et les enfants. Voix de ceux qui ne peuvent être entendus, symbole unissant parias et divins.
♛ L’enfant ne garde que peu de contact avec sa famille - figures quotidiennes sans intérêt - , le coeur vierge de tout ressentiment envers eux pour l’avoir dénoncé au gouvernement son pouvoir à peine déclaré. L’enfant comptait les prendre de cours, formuler de lui-même ce départ. Rêve charmeur tendant ses bras onirique - main éphémère ; tout juste frôlée -.
♛ Un poids s’envolant de son coeur - horloge brillante et timide - , que de pouvoir être cette personne qu’il voulait toujours être. Earl mentait. Portait avec dignité le masque de l’enfant sculpté par les Hastings. Du petit garçon brillant, idole albâtre accomplissant avec grâce et honneur son destin. Idole qui se sentait aussi femme. Et homme.
♛ L’Académie était son unique droit. Porte de sortie pour s’accomplir - sortir de sa chrysalide ; papillon royal - ; empereur au visage duel. Figure double, moquée puis respectée. Élue déléguée, ployant les échelons sous ses semelles. S’attirant les faveurs de tous, architecte lent de cet aqueduc destiné à donner une langue à tous. Une présence et existence. Earl déploie ses ailes, enfonce farouchement ses talons dans l’asphalte meurtrit, porte sa voix aux cieux - bannière métaphorique - ; lanterne pour tous ceux qui sont perdus.
♛ Earl s’illumine, devient étoile - sans en oublier sa place -. Étoile laissant ses rayons au sol - racine de bravoure - ; échelles et passerelles pour les oubliés. Les rejetés. Les êtres humains ; ces silhouettes de carne et de sang ; d’os calcaire qu’ils sont tous. Ils ne sont point différents. Ils sont tous humains. Ils ne sont qu’humains ; pris dans une galaxie les séparant. Earl se fait - se désire - Soleil. Lumière douce et maternelle - déterminée et travailleuse - ; compréhensive et meneuse. Laissant sa trace dans la voûte céleste de l’Académie.