Aussi étrange que cela puisse paraître, Jason O'Cesair était en couple.
S'il avait pendant longtemps ignoré la signification d'une telle situation, ce n'est pas seulement le fait même qu'il soit en couple qui pouvait se révéler perturbant mais plutôt la personne avec qui il partageait cette relation.
Juno-Bianca, autrement dit l'une ― ou la, si vous lui demandiez son avis à lui ― des plus belles filles de cette académie.
Nous passerons les détails qui ont débouchés sur les sentiments mutuelles qu'ils s'échangent depuis plusieurs jours ― déjà parce que vous avez qu'à lire les rp si vous êtes pas content et qu'en plus au même moment Fiona frappait quelqu'un avec un balai à chiotte ― le fait est qu'il avait dorénavant lié de presque adulte avec la sienne.
Avec cela arrivait donc les responsabilités qui incombent à quiconque engagé dans une relation : répondre rapidement aux sms, donner des nouvelles et être disponible pour l'autre.
Multipliez ça par le facteur Juno-Bianca, l'impératrice.
Divisez le tout par l'élément Jason, l'inadapté social.
Vous obtiendrez un résultat qui, s'il se révèle plutôt atypique, fonctionne finalement plutôt bien.

De ce fait, lorsque Juno-Bianca avait envoyé un message sur le portable de Jason pour le convoquer au gymnase, 16h30 tapante, c'est prit d'un vent de panique qu'il terminait toutes les activités qu'il avait pu entamer bêtement sans prendre en compte les instructions qu'il pouvait recevoir de sa reine.
Il se précipitait dans les couloirs, en direction du gymnase, pour être à l'heure au rendez-vous.
N'avait pas pour habitude de presser son rythme de vie pour correspondre aux attentes de quelqu'un mais le faisait avec plaisir, si cela signifiait passer un moment en compagnie de sa douce.
Ignorait sur le chemin quiconque pouvait lui adresser la parole, il n'en avait déjà pas grand chose à faire en temps normal, et c'est finalement avec deux minutes d'avance qu'il se présentait sur les lieux du rendez-vous, où l'attendait déjà l'impératrice à la chevelure de feu.

Essoufflé par l'effort ― il était quand même à l'autre bout de l'académie et n'avait pas terminé ses cours au moment du message ― il appuyait ses mains sur ses genoux et se penchait en avant afin de reprendre son souffle.
Mais que cela ne l'empêche pas de saluer la belle.

« ― Je... Je marche... Je marche vite... » dit-il, la parole entrecoupée par de lourdes inspirations et expirations.

Toujours penché en avant, il fouillait dans la poche de sa veste pour en sortir une bouteille d'eau petit format.
Lui tendait la bouteille d'eau, toujours le souffle court.

« ― Ta bouteille d'eau, Juno... »

Relevait la tête un instant, pour lui adresser une œillade joyeuse et un sourire dissimulé derrière le masque.
Certainement qu'elle savait reconnaître ses sourires, maintenant.
Je t'aime, pensait-il à ce moment là.

Lorsqu'elle se saisit de la bouteille pour ensuite partir se changer, Jason se laissait tomber lourdement sur le sol du gymnase, écartant les jambes et s'appuyant sur ses mains pour se pencher en arrière et prendre le temps de respirer.
Au moins il avait été ponctuel, n'avait pas fait attendre Juno-Bianca, c'est tout ce qui compte.
Certainement qu'elle ne lui aurait pas reproché une ou deux minutes de retard, mais il ne voulait pas avoir l'air négligent lorsque ça la concernait.
Peut-être qu'il assimilait un peu trop son rôle de "petit copain" à celui d'un chevalier servant mais il se sentait bien, dans ce rôle.
La reine s'était changée à une vitesse remarquable, au moins tout autant que son accoutrement qu'il détaillait avec un regard plein d'admiration.
Somptueuse, comme à son habitude.
Songeait un instant à trouver un design différent pour son masque, parce que ça risquait de faire un peu tâche lorsqu'il devait s'habiller avec autant d'élégance que elle.
En soirée, par exemple.

En tout cas, elle marquait un point : la danse n'était pas une compétence qu'il conservait secrètement dans son arsenal de séduction.
Élément complètement absent de sa vie, peut-être même n'avait-il encore jamais participé à un bal avant, ou alors de manière très succincte.
Juno-Bianca était une fille organisée, précautionneuse, pas étonnant qu'elle se projette suffisamment loin pour s'inquiéter de l'image qu'ils auraient tous les deux au prochain bal de l'académie.
Ou alors se projetait-elle dans d'autres circonstances ?
Peu importe, Jason quant à lui relevait avec amusement et satisfaction qu'elle parvenait à se projeter de façon durable en sa compagnie et il y avait de quoi se féliciter.
Jason se relevait donc, se mit en direction de la superbe rousse.
Se débarrassait de sa veste pendant qu'il parcourait la distance entre eux.
S'approchait.
De plus en plus proche.
Jusqu'à être suffisamment proche d'elle pour lui attraper les bras et la plaquer contre lui, quelques instants.

« ― Tu sais, j'ai toujours trouvé ta volonté d'être toujours parfaite aussi admirable que charmante. Mais là, tu t'engages dans une cause perdue. »

Il haussait les épaules, s'autorisait un rire léger et reprit, les yeux dans les yeux.

« ― J'ai bien peur que la coordination entre le haut et le bas de mon corps ne se limite qu'à ce dont je me limite dans le club de baseball. Entre autre. »

Pourtant, l'idée de danser avec une fille aussi belle que Juno-Bianca avait de quoi séduire.

Une répartie jamais en panne.
L'interdiction de se rabaisser, pas devant Juno-Bianca.
Encore moins lorsqu'on se tenait à ses côtés.
Jason avait bien comprit que partager son quotidien avec l'impératrice signifiait une dévotion sans faille et des efforts constant.
C'est bien à ça qu'il aspirait, d'ailleurs.
Devenir meilleur, sous sa tutelle.
Au diable sa liberté, elle ne lui avait pour l'instant jamais apporté autre chose qu'une vie aussi terne et inhumaine que la voix déformée qui s'échappait de son masque.
Et lorsqu'elle évoquait l'idée d'une danse avec un autre, même s'il savait que c'était un humour auquel Juno-Bianca aimait s'adonner, ses yeux s'animèrent d'une détermination et d'une force bien rare pour le jeune homme.
Un regard qui ne laisserait place ni au doute ni à l'angoisse, il avait offert son monde à Juno-Bianca et il ferait en sorte qu'il soit suffisamment à sa hauteur pour qu'elle n'envisage aucun autre voyage.

Elle embrassait son masque et avec ça, faisait disparaître sa laideur aux yeux de Jason.
La difformité mécanique qu'il affichait sur son visage n'était pas seulement invisible aux yeux de Juno-Bianca, il s'imaginait même l'espace d'un instant qu'elle puisse le trouver séduisant même affublé de cette monstruosité.
Il essayait d'imiter les mouvements, de s'en tenir au rythme.
Quatre temps.
Cela aurait été stupide de nier l'évidence, il avait un mal de chien à s'y accorder.
S'il avait tendance à être bon dans la plupart des activités qu'il entreprenait, c'est tout simplement car il ne s'attardait pas sur celles qui ne l'intéressaient pas.
En temps normal, s'il avait été dans un cours de danse de l'académie, certainement aurait-il simplement haussé les épaules pour ensuite prendre congé.
Quatre temps.
Se serait trouvé ridicule, dans cette position qui ne lui convenait que très peu.
Seulement voilà : il n'avait d'yeux que pour la femme en face de lui et ne saurait abandonner quoi que ce soit devant elle.
Voulait la rendre fière.
De lui.
De eux.
Quatre temps.

Alors il apprendrait à danser.
A suivre le rythme.
Car cette danse ressemblait à sa vie, actuellement : des tentatives maladroites, parfois ridicules.
Mais des tentatives.
Pour aller mieux, réapprendre à vivre sans son masque, sans avoir honte de sa voix robotique ou de ses yeux inexpressifs.
Comme dans cette danse, réapprendre à marcher.
Quatre temps.

Plongeait son regard dans le sien.
Ne saurait exister autrement que par son prisme.

« — Tu es magnifique. »

Tout autre adjectif aurait été inutile.
Il ne se perdait pas dans des palabres, des comptines interminables.
Simplement ses sentiments, de manière brute.
Ne perdrait pas son temps à essayer d'envelopper ses paroles de velours pour paraître plus éloquent.
Juno-Bianca savait déjà qui elle avait en face d'elle.

« — Je ne suis pas très bon, pour l'instant. Mais j'apprends vite. »

Se fendait d'un rire sincèrement amusé.

« — Tu penses que j'ai un avenir dans cette discipline ? »

Quatre temps.

Il ne ferait donc pas carrière dans la danse.
Peu importe, au moins, il convenait à Juno-Bianca.
Suffisant.
Très bien.
Elle se collait à lui, déposait ses pieds sur les siens, le ballet devait continuer.
Interdiction de s'arrêter.
Jamais n'aurait voulu que cela s'arrête, de toute manière.
N'existait aucun gymnase, aucune académie, aucune étoile.
Aucun alice.
Les doigts entremêlés.
Ses lèvres contre la peau de son cou.
Quatre temps.
Depuis le début de cette relation, Jason s'était demandé s'il méritait vraiment le bonheur qu'elle lui accordait, la manière dont elle le comblait.
Bien sûr, elle ne faisait pas cela par charité, il appréciait l'idée que les sentiments soient mutuels.
Mais n'était-ce pas là un rêve trop beau pour être vrai ?
Le destin allait-il lui reprendre ce qu'elle lui avait offert ?
Pourtant, cette pensée ne soulevait aucune angoisse chez le jeune homme.
Aucune peur.
Si le destin venait s'opposer à son bonheur, il le balayerait de la même manière qu'il se débarrasserait des barrières de Juno-Bianca.
Pour finir contre ses lèvres.

Ses bras enlaçaient la belle, la maintenait contre lui, alors que son corps basculait toujours au rythme de ses lèvres contre sa nuque.
Quatre temps.
Ne lâchait pas prise, conservait jalouse son bonheur, prêt à affronter quiconque se mettrait en travers de sa route.
Ou en travers de la route de Juno-Bianca.
Pour qu'elle s'imprègne de ses sentiments, de son odeur.
N'abandonnerait pas.

Il relevait son menton, dévorait son visage des yeux.
Le rose de ses joues, le rouge de ses lèvres.
Un sourire invisible.

« — Je n'irais nul part. »

Nul part car il avait déjà trouvé sa place, auprès d'elle.
S'arrêtait de danser, immobile.
Faisait glisser ses doigts le long de son dos, caressait sa hanche.
Je t'aime, pensait-il de nouveau.
Inavouable et pourtant bien présent, il en était conscient.
Plaquait son front contre le sien, dans un élan d'affection qu'il ne saurait exprimer de ses lèvres scellées.

« — Juno-Bianca. Tu as vu ce qu'il s'est passé au festival, n'est-ce pas ? Avec mes parents. Alors je veux savoir une chose. J'en ai envie. »

Émotion intense, malgré son regard d'apparence inexpressive, une larme venait naître au coin de ses yeux.

« — Qu'est-ce que tu vois, quand tu me regarde ? »

Les mots de Juno-Bianca résonnaient en lui, avaient un effet curatif.
C'était ça, toute la force de l'impératrice.
Elle pouvait aussi bien détruire par ses mots qu'elle pouvait reconstruire.
Rebâtir la confiance de Jason, l'aider à s'ouvrir un peu plus.
Pas au monde, uniquement à elle.
Et Jason acceptait cela, acceptait de ne s'offrir qu'à elle et uniquement à elle.
Que son univers gravite autour de sa chevelure flamboyante, de ses courbes parfaites, de sa grandeur onirique.
Peut-être qu'elle avançait à l'aveugle, mais elle décrivait avec exactitude ce qu'il pouvait ressentir.
Une lumière nouvelle, tendre, fragile, indestructible.
Parce que s'il n'avait rien d'un chevalier en armure, il était sûr d'une chose : il ne laisserait personne se mettre en travers de sa relation avec Juno-Bianca, même s'il devait finalement devenir monstre pour ça.
Elle lui apportait bien plus que ce qu'elle pouvait vraiment imaginer.
Et si cela avait en plus le mérite de la rendre heureuse, il ne ferait rien pour changer cette situation.

« — Je ne suis plus seul. »

Plus maintenant.
Simplement.
Jason pinçait la peau de sa hanche du bout des doigts, remontait le long de sa silhouette, marque d'affection qu'il était incapable de contenir.
Le cœur au bord des lèvres, il aurait aimé l'embrasser, mais ce fichu masque avait le talent de se mettre en travers de ses envies.
Malgré tout il se permettait de laisser balader ses doigts sur son corps.
Parce qu'elle était un peu à elle finalement, non ?

« — J'ai une autre question, Juno-Bianca... »

Son regard plongeait dans le sien.
Mais si l'intensité de son amour pour elle était toujours palpable dans la manière dont il se baignait dans ses yeux, son visage était maintenant moins crispé, moins en demande de quelque chose.
Peut-être était-ce simplement pour rendre l'atmosphère plus légère ?
Ou simplement parce qu'il n'était pas capable de passer trop de temps sans raconter n'importe quoi, avec elle.
Parce qu'il avait maintenant l'habitude de lui dire tout ce qu'il lui passe par la tête.
C'est donc d'un air un peu simplet qu'il reprit.

« — T'as vraiment besoin de toutes ces crèmes et toutes ces chaussures ? Parce que ça va être vachement lourd quand je vais devoir monter tous tes cartons dans ma chambre. Je suis pas un déménageur, tu sais. »

Éclatait d'un petit rire.
Mais la proposition d'habiter dans sa chambre était bien réelle, elle.

C'est dans un moment aussi simple que celui qu'ils partageaient actuellement que Jason se sentait vraiment libre.
Heureux, il n'avait pas besoin de s'imposer la moindre restriction en sa présence, que ce soit son temps de parole ou son comportement qui pouvait sembler étrange pour les non initiés.
Même le fait de pouvoir ôter son masque sans éveiller le moindre danger en elle était une forme de délivrance.
Alors il appréciait le rôle du petit ami, mémorisait toutes ses instructions concernant le déménagement de ses affaires dans sa chambre, jusqu'à la couleur sur laquelle elle semblait insister.
Ses ongles qui parcouraient son dos lui arrachèrent un frisson qui traversait tout son corps, marionnette au bout des doigts de l'impératrice.
Elle annonçait la tragédie qui se déroulerait s'il ne parvenait pas à danser avant la fin de l'année et Jason le vivait comme un véritable défi, qu'il était prêt à relever.
Lui promettre l'amour par les yeux c'était bien, le prouver par les actions c'était mieux.
Ses mains s'arrêtèrent sur ses hanches, dévorait avec poigne.
Il aurait aimé être dans la chambre plutôt que dans un gymnase.
Faible pour Juno-Bianca.

Son regard déviait du sien, il haussait les épaules comme pour imiter un désintérêt.

« — J'ai compris, maîtresse. Avant la fin de l'année.
Je note. »

Son regard retombait sur elle.
Bien sûr qu'il irait jusqu'au bout de sa formation de danse, si ça avait de l'importance pour elle.
Ça en avait aussi pour lui, après tout.
S'abaissait un instant pour placer ses bras sous ses fesses et la porter jusqu'aux gradins du gymnase, la déposait sur l'un des bancs avant de repartir en arrière pour aller chercher ses talons.
De nouveau jusqu'à elle, se mettait à genoux devant la reine pour lui faire enfiler ses chaussures, son regard toujours rivé sur elle.
Il souriait.

« — Je peux espérer te voir ce soir, du coup ? Pour le déménagement. »

Et pour autre chose, si le cœur lui en dit.

Ses doigts parcouraient ses cheveux, le contact de ses ongles contre son crâne l'apaisait.
Devant tant de tendresse, devant Juno-Bianca, Jason était incapable de lutter.
Elle pouvait lui demander tout ce qu'il désirait, le corbeau aurait remué ciel et terre pour le lui apporter.
Et elle ne réclamait rien de plus que son silence, ce qu'il pouvait deviner être une référence à ses lèvres.
Si cela était nécessaire, il déposerait son masque à ses pieds, maintenant.
Mais l'endroit ne s'y désignait pas et il avait peur de ne pouvoir contrôler l’effervescence que provoquerait les lèvres de Juno-Bianca contre les siennes.
Ses doigts caressaient ses chevilles et remontaient lentement le long de ses jambes, jusqu'à ses cuisses, alors qu'il lui offrait un regard emprunt d'admiration.
Épris de sa reine.

« — Je te promet ça et bien plus encore. »

N'avait pas besoin d'être plus explicite dans sa déclaration, son regard était suffisant significatif pour ne pas s'épandre.
Il aurait aimé la gracier d'un baiser avant son départ, mais il devrait reporter la marque d'amour à plus tard.
Non seulement Jason avait un déménagement à commencer mais en plus, il devait se préparer à la recevoir convenablement.
C'est avec une tristesse qu'il dissimulait avec difficulté que ses doigts quittèrent ses jambes et qu'il se relevait, décidément bien plus à l'aise à genoux devant elle que debout mais loin de Juno-Bianca.
S'écartait péniblement, agitant sa main vaguement pour la saluer.

« — Tu peux laisser la porte de ta chambre ouverte ? Je m'occuperais du déménagement. »

Se retournait, pour quitter le gymnase.
Je t'aime, encore une fois.