Une demi-heure avant l'agression au balais à chiottes

Toute l'histoire de l'idée - absolument brillante, n'en doutons pas - qui avait amené Dio à venir prendre sa douche dans la chambre de sa camarade prendrait probablement quelques longues et chiante minutes à raconter, donc passons à la partie qui intéresse les lecteurs et lectrices avides de révélations : ce qui se passa quand il fut à l'intérieur et la seconde grande tragédie de la journée : l'absence de shampoing dans sa trousse de toilette et dans la salle de bain empruntée. On était à deux doigts du "non, mais allô quoi !" C'était dire l'ampleur de la crise.

Heureusement, Dio, sale petit fouineur qu'il était à ses heures perdues, finit par découvrir la bouteille providentielle dans l'un des cartons non-déballés qui traînaient dans la pièce principale. Entre autres découvertes dont il n'hésiterait pas à se servir à ses dépens plus tard, notamment une merveilleuse collection de romans dont le simple résumé d'un tome pris au hasard vous donnera le ton (cf matériau de chantage de qualité premium, plus bas).

Enfin sous la douche, Dio put se détendre, laissant l'eau couler sur son corps alors qu'il chantait sans retenue - tous les gens cools chantent sous la douche.

« You say that I'm kinda difficult ♪
But it's always someone else's fault ♪ »

Une bonne dose de savon, un tour sur soi-même en rythme avec les paroles. Parce qu’il était l’être le plus cool du monde à cet instant… dans sa tête, en tout cas.

« You can count on me to misbehave ♪ »

Au tour du shampoing, cette fois. Hm, l’odeur était plutôt agréable, il faudrait qu’il se souvienne de la marque. Il avait juste repéré l’effet 4 en 1, shampouine, fais le café, beurre vos toasts et une autre bêtise qui le dépassait. Rinçage.

« Primadona giiiirl, yeah ! ♪
All I ever wanted was the world ♪ »

Il prit le temps de terminer son incroyable performance musicale (et de profiter de la chaleur, ce n’était pas comme si Fiona payait l’eau) avant d’enfin sortir de la douche, si propre qu’il en brillait presque. Même ses cheveux n’avaient jamais été si doux/soyeux/volumineux/propres/etc.

C’est quelques secondes plus tard, une serviette autour de la taille pour seul vêtement, alors qu’il mettait un dernier coup de brosse à sa coiffure, que la propriétaire des lieux débarqua. Jouant la carte de la situation parfaitement normale, Dio l’accueillit avec bonne humeur.

« Oh salut ! Je te libère la place dans une seconde, si tu veux. L'eau est pile à la bonne température. »

Et ce fut le chaos.

Retour au présent

Dio esquivait du mieux qu’il pouvait tout en tentant de maintenir la serviette en place. Certes, un balai à chiottes n’était pas l’arme la plus impressionnante au monde, mais la fureur avec laquelle Fiona maniait l’instrument lui donnait une forme de menace inédite.

« Fiona ! STOP ! Aïe ! MAIS ARRÊTE !! »

Rien ne semblait pourtant la calmer. Et ce n’était pas une fausse déclaration qui allait le sauver, ce coup-ci. Comble du ridicule, alors qu’il faisait un pas en arrière pour se protéger, son pied encore humide glissa et il partit en arrière avec un « Waaaaah ! » où la surprise se disputait à la peur des conséquences.

Au sol, le souffle coupé, à deux doigts de s’être écrasé le crâne contre la cuvette des wc, Dio était tout de même parvenu à rester décent. Dame Chance en soit remerciée. Un peu calmé, en ce qui le concernait, il leva les yeux vers son agresseuse et, sur un ton plus apaisé, demanda :

« Non, sérieusement, tu ne voudrais pas attendre que je sois habillé ? Ça te fera moins de choses à expliquer quand on viendra récupérer mon corps. »

Puis, c’était la moindre des choses. Et ça l’aurait tuée de frapper avant d’entrer ? D’accord, c’était sa salle de bain, mais bon.

matériau de chantage de qualité premium :

Quand il avait imaginé son plan parfait pour prendre une douche bien chaude au calme, il n'aurait jamais pensé finir dans une situation pareille. C'était peut-être pour ça qu'il ne faisait pas souvent de plan ?

« BOUGE PAS. BOUGE PAS OU JE TIRE. .
- Okay… Je bouge pas. Ne fais rien que tu pourrais regretter. »

...
C'est un balai à chiottes, Dio.

Il resta sagement assis, autant pour récupérer que par crainte de l’arme terrifiante braquée sur lui. Elle venait de sortir son téléphone. Ça n’annonçait rien de bon. Lorsqu’elle lui montra le texte du sms qu’elle venait d’écrire, il ne put s’empêcher d’ajouter son grain de sel. C’était plus fort que lui.

« Alors, techniquement, je ne suis qu’à moitié à poil. »

Et la défense de l’année est accordée à maître Laska dans le procès de la salle de bain. Le jury en reste pantois. On parle déjà de précédents pour de futures affaires du genre.

« Ce que tu sais fort bien, vu l’intensité de ton regard. »

C’était peut-être plus un regard meurtrier qu’autre chose, mais il ne pouvait pas faire le difficile dans cette situation. Puis, de la haine à la passion, il n’y avait qu’un pas, si on en croyait les lectures de Fiona.

Quant à envoyer le message à William, il se demandait encore l’intérêt d’une partie de basket dans la salle de bain. Même en utilisant le panier de linge sale comme… panier ? La partie risquait d’être serrée a plus d’un titre. Le terrain restait des plus limités.

Mais, jamais à court d’idées, elle lui suggéra de faire apparaître son lapin en guise d’otage. Il aurait bien pu dire « lequel ? », mais elle semblait penser qu’il n’y en avait qu’un, alors autant lui laisser cette illusion pour l’instant. Puis, ç’aurait été un petit peu compliqué, juste là.

« J’ai l’air d’avoir un chapeau sur moi ? Les instruments sous ma serviette ne sont pas vraiment de ceux qu’on emploie pour un tour de magie, tu sais ? »

Il sentait confusément que ce n'était pas vraiment le moment pour une blague sur le thème de la « baguette magique ». La vie état pleine d'occasions manquées.

Il y avait bien une solution, mais elle allait refuser. Il en était presque sûr. Elle allait encore lui sortir qu’il la prenait pour une idiote et blablabla. Néanmoins, c’était la seule solution.

« Je dois pouvoir faire quelque chose si tu fermes les yeux ou que tu te retournes. »

Si elle marchait, il avait des parts dans un élevage d’autruches en Alaska à lui vendre.