((suite de ce rp))

c'est un peu toujours comme ça toi et moi Miel depuis l'implosion de notre univers - big bang au centre de la galaxie famille - à partir de là tout s'éparpille. irrémédiablement les corps célestes s'éloignent et bientôt ce qui sépare la matière ce sont des années-lumières et je ne sais pas. je ne sais pas comment revenir en arrière.

revenir sur mes pas et quitter le self pour tenter de suivre les tiens, c'est tout ce que je peux faire. c'était chasser les rayons de soleil que de chercher tes détails dans les dédales de couloir, les regards qui se posent à peine sur ceux que je croise je les survole car ils ne sont pas toi.
tous des inconnus,
toujours des inconnus. l'estomac se noue - parfois,
parfois lorsque ça fait trop de jours que je ne vous vois pas, Colline, Noël, Teddy et toi, j'ai peur. de l'effroi à imaginer qu'à force d'attendre on oublie comment se reconnaître.
si tu t'éloignes et que tu grandis sans moi, Miel
comment je ferai pour identifier ton visage ?

rencontrer tes images, au détour des salles de classe. la tienne vide encore vu l'heure, ses portes coulissantes grandes ouvertes. les lieux baignent dans la lumière et les blés de tes cheveux absorbent toutes les lueurs - j'ai hésité quelques secondes avant d'y entrer finalement. et ça ne m'étonne pas que ta place soit près de la fenêtre, Miel, mais

la pause déjeuner est loin d'être finie.

tu aurais pu rester au réfectoire.

ça, ça ne sert à rien de le dire alors je me contente de m'arrêter à coté de ton pupitre, sors de ma poche le dessert des une étoile récupéré sur ton plateau un peu plus tôt, pour le déposer devant toi, le regard bas.

... même si tu n'as pas faim, garde-le pour plus tard au moins.

aujourd'hui, demain, c'est toi qui vois Miel.

oui mais tu comprends Miel si c'était fait correctement ce ne serait pas moi. les pas pour te rejoindre pour qu'ils ne soient pas titubant il faut tellement faire attention, forcément qu'on oublie la moitié des choses en chemin.

si tu as l'intention de manger je peux faire demi-tour et aller t'en chercher une.

mais ce n'est pas si important que ça, pas vrai ? après tout tu le dis bien, il y aura le dîner et puis, d'autres repas encore demain, tous les jours suivants même.

je ne suis pas inquiet parce que tu sautes un repas, Miel, à part si ça arrive souvent ? et encore, tu es assez grande, je ne vais pas te surveiller.

on s'y est fait, à l'expansion de nos univers. ils ne se limitent plus aux frontières d'un bel appartement qu'on quittait rien que pour les déménagements. et les matinées du dimanche on s'efforce de s'enfermer dans l'habitude du petit-déjeuner ensemble comme si elle existait encore un peu, cette cage dorée mais, tu voles où tu veux, Miel. j'ai le droit de me poser quand même ?

sans un mot je tire la chaise du pupitre devant le tien, la tourne en biais, le dossier contre la fenêtre, pour venir m'asseoir en face de toi mais pas tout à fait. et accoudé à ta table l'on pose le menton au creux de la paume, observant distraitement le dessert auquel tu ne toucheras sûrement pas.

qu'est-ce qui t'a coupé l'appétit ?

toujours à jouer sur les mots Miel enfin je te comprends, parfois je trouve qu'on s'en échange trop peu et je fais comme toi. j'en garde un ou deux précieusement et je les tords dans mon esprit jusqu'à ce qu'ils ne ressemblent plus à quoi que ce soit, rien qu'à des chimères contre lesquelles je peux avoir des ressentiments et des rancœurs. je crois que c'est ce qu'on fait quand on a des chaos intérieurs - ça fait se sentir vide et affamé, alors comme les charognards on se met à tout ronger même les os.

soupir, les images de la salle déserte disparaissent une seconde derrière le rideau des cils. est-ce que ça t'amuse, tout ça ? tu parles d'un jeu, c'est qu'il doit y avoir des résidus de distraction dans ce qu'on est, Miel. et je fais mine d'être fatigué, au fond je suis fatigué, mais pour un milliard de raisons loin de nous là maintenant. ici c'est presque reposant alors non, je n'ai pas l'intention d'abandonner.

donc c'est qu'il y a quelque chose dont on pourrait parler.

mais ce serait perdre au jeu dont tu parles, Miel, et ça tombe mal car sous-entendre qu'il y a des choses à gagner au creux des silences ça me donne encore plus envie de m'y pencher. les yeux se rouvrent pour lever les regards au plafond et puis, ils s'égarent distrait en direction du ciel, derrière les grandes fenêtres.

ça ne fait rien, si tu veux on se tait et je reste là sans rien dire. ça tombe bien j'avais littérature cet après-midi et absolument pas envie d'y aller.

et si l'on me demande de sortir lorsque tes professeurs arriveront, ça ne fera toujours rien, j'attendrai dans le couloir. Papa ne m'a pas appelé Caprice pour rien - je suis un presque adulte super chiant, ça aussi c'est un cas extrême.

prend ton temps, Miel, car les secondes vont s'écouler avec une lenteur pas possible, s'étirer comme ton nom. alors d'accord je suis bête, deux fois très bête même, et c'est ce que font les gens bêtes, effectivement

je fais ce que je veux, oui.

toi aussi non ? je veux dire, n'en faire qu'à ta tête. à voir si la réciproque du théorème s'applique.

à notre partie du roi du silence, le reste de ta classe s'invite. perturbe les adversaires que nous sommes avec tout leur remue-ménage, on les avait à peine regardé. ta professeure lorsqu'il avait fallu interrompre le match pour sortir dans le couloir - aujourd'hui je me moque de l'étoile filante piquant les chemises, c'est un temps mort pour nos gamineries.
elles t'attendent dehors
et tu les rejoins finalement -
il y a un partout.

écoute, être un idiot c'est ce qui a l'air de fonctionner alors je vais peut-être continuer.

sans animosité car je crains un peu que tu sois mauvaise perdante. mais lorsque tu me laisses refermer les doigts sur les tiens pour t'accompagner dans tes mensonges, j'ai presque envie de sourire des désobéissances - elles sont attendrissantes quoi que tu en dises.
alors marchons.

ça n'a jamais été aussi paisible d'être partout sauf là où l'on est sensé être et les premiers pas, j'ai envie de dire tout haut que tu devais faire semblant d'être malade plus souvent. mais tu as raison, je suis censé montrer l'exemple - je ne dois pas le faire assez souvent car ça ne t'empêche pas d'espionner mes correspondances.

la sensation que tout le sang dévale brusquement le corps, peut-être pour ça que mon visage est livide tout à coup et j'ai tourné la tête vers toi comme si ça faisait parti du jeu, ta réplique.

... je- ... t'es sérieuse Miel ?

j'attends que tu y ajoutes "je plaisante ! tu verrais ta tête Caprice !" mais non - ça sonne trop vrai. l'embarras fait fuir les œillades et je pousse un soupir exaspéré, préférant regarder devant nous.

tu sais quoi, je vais verrouiller mon phone pour de bon. entre toi et Percy, ça fait deux fois qu'on lit ce que j'écris et c'est terminé. et ne rêve pas : le code ce sera aucune de nos dates de naissance.

et mes doigts ont nerveusement serrés les tiens, ça me tue d'être aussi désemparé tout à coup, j'ai l'impression que tout ce temps passé à sauver les apparences était inutile au possible.

... ça ne te regardait vraiment pas.

je sais que tu le sais, je dis quand même. tu as raison Miel, je suis très très bête,
en tout cas, c'est comme ça que je me sens là maintenant.

ce n'est pas te tenir à l'écart ce que je fais, j'ai envie de te dire jamais de la vie, la vie sans toi. et excuse-moi, excuse-moi Miel d'essayer de ne pas mêler le jour et la nuit, de ne vous laisser voir que la lumière dont je suis fier à toi et puis aux autres. je me doute que je m'y prends mal, que les rares rayons sont trop peu, la preuve, à tes yeux ça ressemble à jamais rien.

la gorge qui se serre, à vouloir faire taire les habituels sermons. je n'ai pas envie de te sortir la fameuse ritournelle, celle qui affirme que tu es trop frêle encore et qu'on voulait t'épargner, Miel - ce serait mentir. ce n'est pas pour ça qu'on fait des secrets, ce n'est pas pour ça qu'on enterre les messages et toutes les toiles tissées qu'ils révèlent.

je n'en ai pas parlé, ni à toi ni à qui que ce soit... je sais que ce n'est pas une excuse...

anxieux, les doigts de la main libre sont venus tirer nerveusement quelques mèches sombres. parce que tu as beau être ma petite sœur Miel, tes regards, je redoute qu'ils changent autant que celui des autres - peut-être même plus encore. à me livrer à cœur ouvert je redoute que ça batte souffrant, que ça semble vulnérable au point que ce soit cette image qui se grave dans les esprits. dans le tien, ce serait une défaite cuisante.

j'avais juste peur que tu n'utilises pas ce mot-là.

à cause de moi qui ne suis pas bien doué pour choisir les miens, qui ne sais jamais trop comment parler de tout ça. peur que tu ne parles pas d'amour, car on a parfois utilisé des dénominatifs si laids pour évoquer de ce que je fais. peur de dire Perceval, et puis d'autres prénoms. il y a déjà tellement de rumeurs dans les couloirs - et j'ai honte, Miel,
simplement que j'aurais voulu avoir honte tout seul.

peur - panique - quand tu appelles Caprice, il a résonné à tant d'octaves, tant d'arpèges différents ce nom. souvent quand on répète inlassablement le même mot on en déforme le sens et il commence à ne plus vouloir dire grand chose. et il a du apparaître tant de fois dans les messages que tu as lu, Miel - se trouve dans certaines phrases dont je ne suis pas fier - Caprice, c'était peut-être à jeter au précipice.

stop, arrête tout. pas un pas de plus, tu barres la route, Miel, je vois que ça s'agite au fond des prunelles. et je sais qu'elles sont acérées, bien plus que les miennes même. alors tu les couvres, pose le bâillon des doigts sur regard et voix, je me tais. aveugle, j'entends
que tu comprends, peu importe les mots
ça n'a rien à voir avec le fait d'être trop enfants
ou bien pas assez adulte - ce qui importe c'est ce qu'on a dans le sang.
quoi qu'on en dise, on a le même
et l'on connait bien les sentiers qu'il emprunte -
jusqu'au cœur, c'est à l'identique.

ah, Miel - heureusement que tu caches mes yeux
moi je n'ai pas juré que je ne pleurerai pas.

pardon, Miel, pardon excuse-moi..

je ne sais pas trop pourquoi, pour tout et rien à la fois. je n'ai pas envie d'épancher tous les tourments maintenant, on en aurait pour la nuit et il va bien falloir que tu retournes en cours à un moment alors, tes mains sur mon visage je les prends, je les garde au creux des miennes et j'y cache mes regards le temps que ça passe. pardon si je serre un peu fort tes doigts là tout de suite - c'est là où se trouve mon cœur aussi, tu sais bien qu'il est à vous.

les messages, et maintenant ça... vraiment excuse-moi, c'est minable ce que j'ai à montrer ces derniers temps.

mais ça ira, ça va, c'est facile de se reprendre après tes mots alors je finis par abaisser nos mains liées, soupir dépité. lâche l'une d'elles pour en passer le dos sur mes joues.

montrer l'exemple c'est pas encore ça, mais cesser d'être un idiot je vais essayer, promis.

et tu vois, il n'y a rien de grave, déjà je me moque un peu de moi et pousse un souffle amusé.

Miel sans filtres jusqu'à tes répliques - je préfère - tout est suffisamment trouble alors que tes contours soient acérés, tant qu'ils sont nets. je suis nul pour montrer l'exemple, avec toi ça fait deux - c'est ça qui me fait sourire.

pourtant ça m'arrive, tu sais. de me demander "qu'est-ce que Miel aurait fait".

si ça chancèle c'est simplement parce que tu prends le temps d'accorder au pluriel comme si c'était banal au possible. ça, et puis comme tu gardes la tête droite alors qu'elles me semblent lourdes les responsabilités dont tu t'accables. que tu aies le cœur léger, c'est le vœux que j'ai fait aux étoiles filantes. les vraies comme celles épinglées sur le poitrail.

et pardon si le geste infantilise un peu mais tant que tu es devant moi et que tu es plus petite je peux passer les doigts dans tes cheveux soleil pour les éclipser de devant tes yeux. c'est comme ça qu'on se voit le mieux.

ça devrait tellement pas te préoccuper, ce genre de choses...

mais la valse de tes pensées, c'est toi qui dicte le tempo, pas vrai ? et tous mes mots n'en changeront jamais le rythme. alors quand je soupire, c'est mi-dépité mi-amusé, entre deux eaux.

j'ai envie que tu me dises "j'm'en fous d'ta vie Caprice, démerde-toi t'es grand", au moins de temps en temps.

et le bout des mèches blondes, je les ai gardé quelques secondes au creux des paumes avant de lâcher-prise. laisser aller, car tout ne dépend pas de mon bon vouloir malgré tous mes caprices.

mais t'as raison, pour ça il faut que je te raconte ce qu'il s'y passe.

je le ferai, ça fait deux promesses aujourd'hui mais avec toi je peux en sceller à l'infini, ça n'est pas effrayant.

peut-être pas maintenant parce qu'il va bien falloir qu'on retourne en cours un jour.

mais les dimanches matins pourquoi pas.

et j'ai embrassé ton front, avant que tu ne grandisses trop vite.