à tisser des liens et tendre des fils d'argent, qu'on ne s'étonne pas s'ils s'entrelacent et forment des nœuds - des clusters à problèmes là où l'on n'a pas suffisamment posé les yeux. Caprice bienheureux, piégé dans sa propre toile, aveugle paisible il n'est au courant
ni des messages interceptés,
ni des trajectoires empruntées
(alors qu'il est sensé être celui qui voit le mieux).

alors forcément qu'on est insouciant et volatile aujourd'hui encore - dans l'esprit de Caprice les univers existent à part entière sans qu'on n'imagine que tout cela s'imbrique et cohabite, que tous les corps se frôlent et que
les collisions, ça arrive.

ça se dessine
détail après détail tandis qu'il avait levé le nez de l'écran de son téléphone pour passer les portes du self, lisant à l'instant le dernier sms envoyé par Perceval - les premières esquisses. surplombant la majorité, les cheveux blancs rétro-éclairés captent aussitôt lumière et regard. il était midi et c'était logique que celui qui lui avait écrit se trouve là en cet instant - alors on dévie, zappe l'étape self-service pour aller voir directement.

ça se concrétise
à mesure que Caprice s'avance, les mèches couleur des blés et puis un éclat au creux d'une main qui se tend - des reflets de Miel
on reconnaît elle et lui
leurs images apprises par cœur réunies
font s'accélérer le cœur de tempos dissonants -
c'était sur le point de se percuter de plein fouet

et si ça s'emmêlait pour de bon ça pourrait trancher net ce qui relie aux deux à la fois
alors on s'en mêle -

n'y touche pas ! résonnant de craintes à l'intention de Percy, elles électrisent jusqu'au bout des doigts de Caprice - vifs, ils saisissent ceux de Miel renfermant le grigris. ce geste qu'on a interrompu, on le connait bien. pourtant à l'instant, on ne le comprend pas.
Miel...
qu'est-ce que tu fais ?
et la prise se resserre instinctive - car ce n'est pas le genre de Miel d'agir sans raison - et puisque Miel était la sœur de Caprice, celui-ci songe d'abord à une bonne action. les airs froissés tout à coup, tandis qu'il reporte son attention sur Perceval.
le message que tu m'as envoyé c'était une métaphore barrée pour me dire de venir te voir l'embêter ou quoi ?
ah - ce qu'on est injuste
lorsqu'on ne sait pas.

toujours une question de non-dits et d'entre les lignes, de voix qui sonnent faux au cœur des grands silences ; des vacarmes qui ne font pas sens. les collisions évitées et ça y est, déjà tout s'éparpille.
on rassemble comme on peut.
rattrape au vol les mots de Perceval qui affirme qu'on chasse le mauvais oiseau, que c'était Miel qui s'était posée là pour ce qui s'apparentait à des prises de bec - Caprice en tient toujours le bout des ailes au bout des doigts.

et les détails de Percy ne mentent pas - encore heureux que tu l'aimes bien. ce sont ceux de Miel qui s'échappent,
qui s'éclipsent de l'emprise de Caprice,
il ne saisit plus que le vide tout à coup.

les bras retombent contre le corps car il n'y a pas grand chose auquel on peut se raccrocher - l'innocence limpide dans les yeux de Percy, des banquises hostiles dans ceux de Miel, même sur les regards ça glisse. ça m'étonne que vous ne vous entendiez pas tous les deux - vous avez le coté "contradiction ambulante" en commun. celui qui fait pousser des soupirs et se demander pourquoi. pour quoi les coups bas et les troubles, plutôt que des contours bien nets.

Miel, pourquoi ? faire tout et son contraire au nom de la famille factice - elle n'a jamais été aussi vraie qu'aujourd'hui alors pourquoi douter qu'elle tienne bon ? repousser la moindre menace, et pourtant, tu lui tends la clé pour qu'elle ne s'éloigne plus jamais. qu'est-ce que tu as vu, dont on n'est pas au courant ? c'est ça que Caprice cherche à comprendre tandis qu'il te dévisage. tu ne l'apprécies pas, tu as le droit, Miel... alors il faudrait utiliser ces mots aiguisés dont tu es capable parfois, tu sais, ceux qui tranchent tout sauf nous.

mais ce n'est pas ce que tu fais - non
tu fais comme avant quand il fallait éviter les départs à tout prix, rongée de la méfiance inculquée. tu trouves vraiment qu'il ressemble à ceux à qui tu devais offrir ce que tu as dans la main ? ceux qui ne seraient jamais revenu auprès de nous sans ça.

suspendu au point d'interrogation, il avait tourné la tête vers Perceval le temps d'un songe, et puis, les regards s'inclinent.
moi j'ai l'impression que non.

mais peut-être que je me trompe, vu que c'est inutile de m'expliquer.
et ses mains sont peut-être froides mais elles craignent plus que tout qu'un jour il n'y aie plus personne pour le constater. comme toi, Miel.
alors d'accord, on lâche prise.
tend la tienne Percy.
on n'a pas envie que les mauvais sorts échouent dans sa paume à lui mais c'est que Miel semble apercevoir des choses qui lui sont invisibles.
tu peux lui donner si tu veux.
sans la quitter des yeux car on la voit
aussi bien qu'on voit Perceval,
et Caprice a beau discerner le monde à sa façon
il voudrait croire aujourd'hui qu'il a vu juste.

tu fais si peu confiance à ses regards, Miel ?

un, deux, trois, Miel qui s'en va, malgré tous les mots et les mains tendues, encore une fois file entre les doigts. refermés dans le vide je tiens les poings le long du corps, regard à ta place, ici c'était ta place Miel et tu t'es levée comme s'il fallait être ailleurs à tout prix, je ne comprends pas. c'est pas les tirades qui épuisent, c'est les silences, et les tiens ce sont les plus dissonants - ils font réaliser
qu'on a beau tenir impeccable sur le fil
on reste maladroit au possible.

mais quel imbécile, vraiment...

les rumeurs de la tête qui s'inclinent, les paupières s'abaissent une seconde le temps de diluer la frustration dans un soupir. mais je ne suis pas sûr
que fermer les yeux soit la solution.

alors on les rouvre et ils reviennent à Perceval. qui a compté un, deux, trois, et ça n'a pas servi à rien, je t'assure.

c'est moi l'imbécile.

pas toi - toi, tes mots sonnent justes, Percy. ça me gêne que tu assistes à nos querelles tu ne sais pas dans quoi tu t'embarques à signer des contrats avec nous. le dessert jamais déballé sur le plateau de Miel, je le récupère pour le glisser dans la poche de mon manteau.

elle a rien mangé... je peux pas la laisser passer le reste de la journée le ventre vide.

tu comprends ? ça ne peut pas s'arrêter là. l'expression un peu contrariée, on défroisse le visage comme on peut et à défaut de remplir les deux premières conditions, la troisième on l'exauce. dépose le bout des lèvres au coin de celles de Percy.

on se voit plus tard.

et je tourne les talons pour emprunter les mêmes sentiers qu'elle - car il fallait que ce soit aujourd'hui.