Comme d’habitude, Elliot sait qu’on ne posera les questions qu’après. Comme d’habitude, Elliot sait qu’on laisse passer la tempête. Avec le temps, on avait appris à gérer tes intempéries, Cosmos. On avait appris à gérer le cœur qui manque de se décrocher, les cris aigues qui font trembler les murs et les sueurs froides qui trempe le corps. Entrer en frappant tu ne savais pas faire, de même que tu ne savais pas bousculer son quotidien avec délicatesse. Entre toi et Valéry, on avait appris à s’y faire. Aujourd’hui, les portes qui claquent ça ne fait plus aussi sursauter qu’avant (attends de voir les militaires dans ta chambres coco l’asticot tu vas voir si tu vas pas bondir de ton lit).

Alors on accueil ta venue dans un haussement de sourcil en comprenant bien qu’on n’aura pas de réponse dans l’immédiat. Alors on accueil ton baisé avec un léger sourire, un geste de la main pour dire « ok », parce qu’au final c’est pas la première fois que tu campes dans le placard Cosmos. A force, on s’était peut-être dit que Narnia ce n’était peut-être pas des conneries… Quand on avait tâté le bois au fond de l’armoire on a été déçu.

Il ne faut pas longtemps pour entendre les bruits de pas précipités dans le couloir. Il fronce les sourcils, Papa Elliot, tu sais qu’il n’aime pas spécialement te voir te fourrer dans des emmerdes plus grandes que toi. Il espère que ce n’est qu’un jeu qui a mal tourné, comme ça l’est parfois. Il se lève, Papa Elliot, toc à la porte du placard comme à celle d’une chambre et attend patiemment que tu ouvres, Cosmos.

Pas de mot sur le carnet.
Pas de stylo dans la main.
Juste deux gros yeux de poisson rouge mi-inquiet mi-interrogatifs.
Des yeux qui disent : « Je dois paniquer ou pas ? »

Au milieu de l’océan de tissus, de manteaux et autres linges, il y a toi. T’as toujours été grande, Cosmos, c’est même la première chose qu’il a pensé de toi. On aurait aimé être, tu sais, aussi grand que ça. Tu as le profil des protagonistes, de ceux qui réussissent ici-bas et abattent des montagnes. Lui, il aurait plus tendance à dire qu’il est de la caste des personnages secondaires, Elliot. De ceux qui ne font pas grands choses, mais en font un peu quand même. Ça lui suffit, il a accepté l’idée de n’être jamais grand, jamais fort comme toi. C’est peut-être parce qu’il a tellement bien assimilé ça, qu’il veille à raviver ta flamme avec le peu de feu qui lui reste. Peut-être que, dans le fond, il se dit qu’il y a peu de lui, un peu de nous, dans ce je qui est tien et que, ça, ça fait toute la différence, que, ça, ça vaut la peine de se battre.

Tu insinues que ce n’est rien, lui, il insinue qu’il ne te croit pas. Hausse un sourcil, avec un léger sourire, le sourire qui veut dire que tu peux bien arrêter de nager dans le flou avec lui. On n'est pas ton père, on est personne pour te reprocher quoi que ce soit, et de toute façon Elliot n’aime pas avoir à reprocher quoi que ce soit. Alors tel un frère qui observe et constate avec passivité, il t’invite à sortir.

S’approprie le papier et la plume, la commissure des lèvres toujours relevée, pour glisser les premiers mots qu’il te doit.

« Puis d’un placard. »

T’offres le papier avec un léger rire avant de se poser sur le lit, toujours souriant et l’air un peu rêveur, Elliot.T’offres le papier avec un léger rire avant de se poser sur le lit, toujours souriant et l’air un peu rêveur, Elliot.

« T-tu a-a p-p-pas pe-peur d-des r-re-pr-présails ? »

Il s’est toujours demandé, tu sais, comment tu faisais pour prendre autant de risques la tête haute, comme si tu te riais du danger, comme si tu te riais des conséquences. On s’est souvent demandé comment tu faisais pour rire autant.