Il avait fait chaud cet été et les élèves avaient passé la majorité de leur temps à Central Town. D’autres avaient préféré s’adonner à leurs sports préférés et des plus rares s’étaient objectivement amusé à travailler.
Les rayons du soleil se reflétaient sur le champ de force de la directrice alors que des nouveaux arrivants étaient accueilli au bâtiment administratif… Leurs souffles mêlés à des sanglots angoissaient cet adolescent assis sur une des chaises à l’écart de l’entrée.
Il était seul, ses poings serrés sur ses cuisses. Il tentait de contenir ses émotions partagées mais l’inquiétude et la honte le rongeaient sans relâche. Quelque chose s’était passé et il était incapable de s’expliquer.

Alors que les enfants récemment trouvés par les recruteurs pénétrèrent un à un le bureau de l’accueil, l’adolescent aux cheveux frisés demeurait de plus en plus seul.
Aucun adulte ne semblait lui prêter attention. Il entendait vaguement des chuchotements à l’autre bout de la pièce entre son professeur principal et un autre, qu’il savait le concernant.


▬ Il n’a que 12 ans, cela ne peut pas être une forme d’alice liée à l’enfance. C’est beaucoup trop tôt.
▬ Monsieur… C’est le deuxième depuis cet été. Le deuxième dont l’alice disparaît sans aucune raison.
▬ Mais que doit-on faire ? Est-ce qu’on les renvoie dans leurs familles ? Ces enfants ont toute leur vie ici, et qui ne nous dit pas que l’alice va réapparaitre aussi soudainement qu’il a disparu ?
▬ C’est pour ça qu’il faut pratiquer davantage d’examens avant de prendre cette décision.
▬ Je reste convaincu que ça n’a rien de normal. Deux en si peu de temps. Cela ne peut pas être une coïncidence.
▬ A quoi vous pensez ? A une épidémie ?


Il l’avait entendu, il avait tendu l’oreille pour capter ces quelques mots. Une épidémie ? Son coeur s’accéléra et une goutte de sueur perla lentement de sa tempe pour venir s’écraser entre ses doigts. Il ne voulait pas être malade mais la perspective de retrouver sa famille l’envahissait de sentiments contradictoires.

Son souffle se coupa alors que sa poitrine tambourinait de plus en plus dans sa cage thoracique. Avec tout ce stress, il avait perdu connaissance.

A l’approche de Noël, la tension allait atteindre son comble à l’académie Alice. Alors que les fêtes qui approchaient étaient habituellement synonyme de joie, de magie et de lumière… l’heure ne semblait pas aux festivités.
James Robbins, conseiller d’éducation, jetait un dernier coup d’oeil sur l’état d’urgence et la liste des nouvelles règles qui allaient être mises en vigueur le lendemain, l’air soucieux, préoccupé.


A partir du 25 novembre, l'état d’urgence est instauré. Ces nouvelles règles entrent en vigueur à effet immédiat et toute désobéissance sera sévèrement punie.

• — Le couvre-feu est actif de 21h à 7h30. Aucun élève n’est autorisé à sortir ou se balader en dehors des dortoirs pendant cette période.


• — Les contacts physiques entre les élèves ne sont pas encouragés, sous risque de potentielle contamination.


• — Les colis et lettres entrants dans l’académie seront analysés avec davantage de précaution. Tout colis ou lettre suspects seront confisqués et une enquête sera ouverte.


• — Les visites chez leurs parents des nouveaux promus major sont suspendues jusqu’à nouvel ordre.


• — La prudence sera sollicitée pour chacun, ainsi qu’une responsabilisation personnelle. Si votre alice tend à voir ses effets diminuer, merci d’en informer immédiatement le personnel de l’académie.

▬ Qu’est-ce que c’est que ça ? On doit vraiment l’afficher partout ? ça va juste affoler les élèves.
▬ Apparemment c’est ce qu’ils veulent James. Les rumeurs se confirment. Des nouveaux élèves ont perdu leurs alices de manière inexpliquée.
▬ Mais comment ça inexpliquée ? Il y a toujours une explication ! La forme de leur alice sûrement.. indéterminée à fin de réserve, ou enfance !
▬ Ecoute, James. Les formes enfance se dissipent à l’âge adulte, et il n’y a eu aucun cas d’un élève ayant épuisé sa réserve de pouvoir pendant l’adolescence. Ils pensent à un virus, ou une épidémie. Quelque chose qui pourrait faire disparaître les alices. Une attaque extérieure peut-être ?
▬ On part tout de suite dans un complot, c’est ridicule.


Alors que le personnel de l’académie s’efforçait d’afficher le protocole d’urgence un peu partout dans l’école, un mail fut envoyé sur tous les téléphones des étudiants afin de les prévenir à l’avance de la situation. Mais James - employé depuis quelques années à peine - n’était pas un homme d’une faible ambition. Curieux de nature et surtout révolu à avoir des réponses à ses nombreuses questions, s’était dirigé avec assurance vers le bureau du directeur du primaire.

▬ Monsieur Winchester ?

Alvin Winchester se trouvait dans son cagibi, et venait de raccrocher le téléphone. Son visage était livide, et un soupire s’échappa d’entre ses lèvres ridées.

▬ James. En temps normal, j’aurais été ravi de partager du temps avec toi mais je viens tout juste d’avoir un appel du secrétaire d’État. Apparemment, le gouvernement nous menace de s’en mêler.
▬ J’étais justement venu vous parler de ça. J’ai appris ce matin que des élèves étaient placés en quarantaine à l'hôpital pour les examiner. Je ne comprends pas.
▬ Ne vous attendez pas à ce que je comprenne plus que vous. C’est une décision de Melchior, j’y étais opposé.
▬ Monsieur, si des enfants n’ont plus d’alices, il faut les laisser rentrer chez eux. Quel merveilleux cadeau de Noël nous ferions à leur famille.

Alvin tiqua un peu à cette dernière remarque et une expression de profonde tristesse l’envahit aussitôt.

▬ Nous sommes peut-être victimes d’une attaque bactériologique extérieure. Tu sais, l’existence de cette école attire beaucoup de détracteurs.
▬ Ahah, je me demande pourquoi.
▬ Ne sois pas si fermé. Nous nous efforcerons de passer les meilleures fêtes possibles malgré les nouvelles règles en vigueur. Il ne devrait pas tarder à neiger.

▬ Collins a donc réussi. C’est le seul qui ait un véritable pouvoir de décision ici ?
▬ L’école ne nous appartient pas à nous, les directeurs. Nous sommes là pour diriger le bateau, mais nous ne sommes que les instruments d’une institution bien plus grande.
▬ C’est le capitaine du navire qui dirige son bateau. Pas le gouvernement qui lui a donné.
▬ Et il ne peut y avoir qu’un seul capitaine.

La nuit du 15 janvier 2020 avait été mouvementée. L’école fut réveillée en pleine nuit par une alarme assourdissante et sécurisée par les forces armées. Les élèves furent divisés, et certains avaient réussi par des moyens obscurs à atteindre la liberté dont ils rêvaient tant. Mais à quel prix ?
Et quelle était la raison de toute cette folie ?
Certains n’ont rien pu voir, enfermés dans l'hôpital par les militaires… d’autres étaient dehors, jouissant du vent frais du petit matin. Mais ceux qui étaient au centre de tout, dispersés dans l’académie, ont vu Melchior Collins remonter vers l'hôpital, un enfant dans les bras, escorté par des soldats dans sa marche lente. A ce moment là, tout était terminé et la sérénité était retrouvée.

Enfin pas tout à fait. L’armée russe aux portes de l’académie, contrariée de n’avoir pu reprendre possession des deux enfants qui leur avait été enlevés, s’était consolée avec des élèves ramassés en pleine tentative d’évasion.
L’Union Européenne avait tout mis en oeuvre pour les sauver. Quelques jours plus tard, ils avaient été ramenés sain et sauf dans l’enceinte de l’école. Ils avaient quitté une prison pour en retrouver une autre.


Agatha se préparait pour son discours, le visage fatigué et les cernes creux sous les yeux. Mais malgré ses blessures, elle était toujours aussi rayonnante. Sublimée par son habit traditionnel et une coiffure impeccable. Elle susurra quelques mots à l’oreille du directeur du lycée avant de finalement monter sur l’estrade qui avait était installée devant les ruines de son temple. Elle prit la peine d’y jeter un oeil avant de bien se positionner devant le micro et réprima une déglutition.

▬ Bonjour à tous. Chers élèves, cher corps professoral, et cher personnel de l’académie. Si je vous ai réunis en ce jour devant moi, c’était pour m’exprimer au nom de la direction sur les évènements d’une nuit difficile, qui a eu lieu il y a quelques jours. Je sais que nombreux d’entre vous sont encore traumatisés. Certains ont eu un comportement exemplaire, d’autres ont suivi leur instinct dans le but de survivre et de se protéger.

J’aimerais vous remercier, tous, d’avoir pris soin les uns et des autres.

Elle jeta un regard en direction des deux autres directeurs, et étira un sourire un peu précieux, mais tout de même nerveux.

▬ Je suis particulièrement affligée par le drame qui s’est déroulé en notre académie. Mes remerciements vont tout droit à Mr. Collins, sans qui je n’en serais pas sortie vivante. Concernant le temple des fleurs, il mettra du temps à être reconstruit mais je promets qu’il renaîtra de ses cendres.


Les élèves étaient restés circonspects face à cette fin de déclaration toutefois originale. Ils avaient applaudi, par mimétisme de ceux qui se sentaient le plus concernés, sans grande conviction. Un homme inconnu de la plupart traversa la foule pour se hisser à son tour sur l’estrade improvisée.
C’était le président irlandais Mr. Higgins, que Mechior torpilla du regard.

▬ Merci Miss Windsor, pour ce discours… émouvant et éclairé. Il n’avait pas du tout la même allure, il était un peu fermé et beaucoup plus sérieux. On sentait qu’il voulait aller droit au but sans créer la discorde ou la confusion.

▬ Le gouvernement se sent concerné par les failles observées dans l’école. Nous n’avons pas été assez vigilants, ni préparés, en nous reposant entièrement sur le champ de force de Miss Windsor et sur l’organisation au préalable confiée à la direction. Il avait ce genre de tic au visage qu’on ne pouvait pas ne pas remarquer. Vous voulez savoir ce qu’il s’est passé, je le comprends. Sachez seulement que ces conflits politiques n’auraient jamais du vous atteindre. Nous regrettons que cela se soit produit, et prendrons les mesures pour que ça n’arrive plus à l’avenir. Les deux enfants vont bien et ont perdu leur alice. Ils ont donc été rendus à leur famille, et ont été placés sous la protection de l’Irlande.

Dans la foule face à lui, il reconnut sa fille au premier rang et lui fit un sourire chaleureux avant de reprendre une expression dénuée d’émotions.

▬ Des élèves se sont mis en danger, et ont mis en danger des camarades à eux en ne respectant pas les règles. Si des lois existent, c’est pour qu’elles soient respectées. Je veux que vous ayez tous en tête ce proverbe et que vous méditiez là-dessus. En attendant, je suis fier de vous annoncer que le gouvernement a décidé de mettre en place l’opération NOVA. Afin de vous responsabiliser et de récompenser les plus méritants, une section disciplinaire dirigée par un membre de l’armée sera mise en place. Des élèves seront invités à la rejoindre, mais je vous encourage à candidater. Rappelez-vous, que l’ordre prévaut.


Le président ne s’était pas prononcé sur la perte des alices, et sur le fameux virus qui alarmait tout le monde depuis début décembre. Les élèves sans alice avaient juste été hospitalisés dès le lendemain matin, avec tous ceux déjà touchés par ce mystérieux mal.

Le lendemain matin, ils avaient tous retrouvé leur alice, sans que les médecins aient pu se l’expliquer. Les enfants les ayant définitivement perdus depuis avant Noël furent renvoyés chez leurs parents. C’était un départ émouvant car même s’ils allaient bientôt retrouver leur famille, ils devaient être forts pour dire Adieu à celle qui l’était devenue ici, à l’Académie Alice.

Le soleil et la chaleur dominaient le ciel de l'Académie Alice. Pour beaucoup cela n’avait rien d’aussi attrayant que les étés précédents. Il s’en était passé des choses durant cette année scolaire, et certains élèves voyaient leur tolérance envers les grandes instances de l’école arriver doucement à saturation.
Deux groupes aux idées opposées étaient nés des différentes tensions installées après le festival sportif : la brigade NOVA défendant l’ordre, la sécurité et le système de l’académie contre les rebelles avides de liberté et de rêves d’indépendance. L’un s’organisait depuis maintenant des semaines pour déjouer les plans de l’autre, et vice versa.

Parmi ces insoumis, un nom revenait sur toutes les lèvres : Asmodée Yi.
Assis sur un vieux matelas dans une chambre inoccupée du grenier, il était entouré par des têtes connues de l’académie, par ceux qui avaient fait le plus parler d’eux durant les évènements de janvier et du festival sportif. S’il était aussi admiré c’était pour son inflexibilité face aux ordres malgré son insertion forcée dans la classe dangereuse et les différentes punitions qu’il cumulait depuis des années. Celle de lui octroyer une étoile avait d’ailleurs fait parler d’elle dans toute l’école.
Depuis janvier, la connaissance du passage secret sous l'hôpital avait nourri les espoirs des plus optimistes. Le fait que des parents avaient réussi à forcer l’entrée de l’académie avait provoqué l’incendie dans leurs coeurs. Une question revenait dans les esprits depuis : était-ce une option viable de pouvoir s’enfuir d’ici ?
C’était ce pourquoi Asmodée les avait convoqués : la dernière ligne droite vers la liberté.


Peu d’élèves restaient insensibles à ce qui se jouait en ce moment-même. Des NOVA remirent en question leur position jusqu’à rendre leur badge pour certains, et la division entre les élèves n’avait jamais été si prononcée. Des conversations avaient été surprises dans des couloirs et les secrets de l’académie commençaient doucement à se propager partout dans le silence. Galène Weber, princesse fleur déchue de son statut après avoir voulu se rendre aux sous-sols du temple des fleurs, était elle-même convaincue que des réponses s’y trouvaient. Il grandissait dans l’esprit de beaucoup d’élèves une pensée très claire : et si toute cette histoire ne se jouait qu’au travers de secrets bien gardés dans des endroits défendus ?
Le bureau de Melchior, les sous-sols d’Agatha, les archives de l’hôpital, …

Asmodée Yi, entouré de tous les élèves qui en avaient assez, avait lancé un appel. Ils prendraient tous le chemin de la grande allée et se rendraient au portail pour exiger qu’on leur ouvre.


▬ Quelque-chose me tracasse Ava.

Installé à la table dans la chambre de sa fille, le président Higgins buvait du thé en sa compagnie. Les élections de septembre approchaient et jamais les sondages n’avaient annoncé une cote de popularité aussi basse.
Ava avait remarqué l’air un peu évasif qui collait aux traits de son père, bien qu’il faisait tout pour sourire et la rassurer. Il vivait peut-être son dernier mandat en tant que président de l’Irlande et Ava perdrait sûrement les privilèges qu’elle avait acquis ici grâce à sa position.
L’idée de ne peut-être plus pouvoir voir sa fille le plaçait dans une position inconfortable.

▬ Nous avons dû réagir de la manière la plus forte possible pour éteindre tout espoir de rébellion chez les élèves. Tes camarades ne sont pas tous en âge de comprendre, ils sont immatures et par conséquent instables. Le gouvernement ne peut pas laisser des alices aussi fragiles émotionnellement dans la nature, sans garantie qu’ils ne soient pas un danger pour les autres, ou eux-même.
▬ Tu m’as déjà dit tout ça, père. Où veux-tu en venir ?
▬ Je suis égoïste Ava. Collins me tient la jambe depuis des années pour que tu intègres la classe dangereuse, mais je me refuse à ce que tu sois utilisée. La classe dangereuse est en réalité un programme militaires ou les élèves effectuent des missions secrètes pour le compte du gouvernement. Je le savais, les états membres de l’UE m’ont fait signer un contrat de responsabilité. Mais.. Comment puis-je encore prétendre défendre mes concitoyens si je ne les traite pas de la même manière que je traite ma propre fille ?
▬ Égoïste est un euphémisme. Et si tu veux mon avis le plus franc le voici : tu es responsable. On a tiré sur des élèves, on a incendié le temple des fleurs, on a instauré une milice graciée au quota de sanctions distribuées, on a laissé des parents introduire des armes. Dans une école, Père. Une école. Tu n’avais qu’un rôle et c’était celui de nous protéger. Tu n’en as pas été capable. Alors... Non, en effet, comment le peuple peut-il te faire confiance si tu ne protèges pas ses enfants ? On utilise des... des gamins de dix ans à des fins gouvernementales, et toi tu tiens ta fille à l’écart parce que ça te plaît mieux comme ça. Si ç’avait été mon frère à ma place, aurais-tu agi de la même façon ? Peu importe... Trouve un moyen de te racheter. Parce que tes erreurs, on en fait les frais aussi. J’en fais les frais. Les excuses ne suffiront pas à redorer ton image. Les actes, eux, peut-être.

Mr. Higgins étira un faible sourire. Il était fier d’elle et des valeurs qu’il lui avait inculqué.

▬ Tu parles bien ma fille. Je pense que tu as raison sur toute la ligne. Ce pays a bien moins besoin d’un dirigeant comme moi que d’espoir désormais. Tout comme ces enfants ont besoin de décider pour eux-mêmes. Je crois qu’il est temps que nous comptions sur vous pour la suite.

Il soupira et posa sa tasse de thé.
Il avait songé à lui annoncer sa retraite, au fil de la discussion. Il s’y était préparé et pourtant Ava lui avait redonné le sens des responsabilités. Il ne pouvait pas partir maintenant alors qu’il était le seul à pouvoir faire changer les choses.

▬ J’ai compris.


▬ Vous êtes sûr de ce que vous avancez, Carrington ? Si ce que vous nous dites est vrai, nous devons en informer Mr. Higgins.

Au même moment, un autre maillon de la chaîne se prêtait au jeu des confidences et des révélations. James Carrington avait été envoyé depuis janvier à l’Académie Alice pour surveiller les agissements des trois directeurs, en particulier Melchior Collins et Agatha Windsor. Le chef de la section NOVA prenait la température depuis tout ce temps, commandant à l’armée présente sur place de faire attention aux faits et gestes de tous. Il n’était pas seulement les yeux du gouvernement, mais également le lien reliant les élèves aux grandes instances.

Au téléphone dans ses appartements, il avait été tenu au courant des tenants et aboutissants de la dernière mission de la classe dangereuse. En effet, une créature mystérieuse avait été identifiée sur les lieux : un dénommé Valrand, semi-homme dont la peau pourrissante lui conférait une apparence de reptile et dont l’intelligence était pourtant très développée. Il avait été confié à James que Valrand nourrissait une haine à l’égard de Collins, lui reprochant de l’avoir mis dans cet état. Toutes les recherches sur les Alices avaient été récupérées par l’armée. Valrand avait développé dans son laboratoire des colliers permettant d’annuler ou d’amplifier les alices à distance.

Tout s’était recoupé dans l’esprit de James.

▬ Cela tombe bien, le président est de passage dans l’école pour rendre visite à sa fille.
▬ Attendez, Carrington, ne nous précipitons pas. Si vous avez des preuves, nous serions plus à l’aise que vous les partagiez au quartier général, aux côtés du chef de l’État. Vous comprenez bien que nous ne serions pas à même d’être tenu au courant de la nature de votre échange si vous vous entretenez avec lui là-bas… Organisons une réunion cet été.
▬ Entendu. Je resterai sur place en attendant la date afin de préparer mon dossier.

La discussion s’était terminée ainsi.
Et pourtant au détour d’un couloir sombre (encore !) un dossier avait été échangé en secret.
Et le président avait souri pour le remercier.

Il était temps de choisir son chemin.

Les cris de joie résonnaient dans l’air alors que les élèves ayant passé le portail serraient leurs parents dans leurs bras. Certains pleuraient, d’autres étaient encore trop choqués pour réellement réagir. L’hélicoptère de l’armée s’était posé non loin, à l’extérieur des remparts, mais les soldats eurent pour ordre de ne pas agir : ils essuyaient déjà trop de pertes et la situation pouvait déraper de nouveau.

La nouvelle concernant l’arrestation de Melchior se répandit comme une traînée de poudre. Les révélations d’Agatha également et ce fut d’ailleurs elle qui fut encouragée à témoigner la première contre son fils, à son grand regret. Désormais, on ne parlait plus de Melchior Collins mais d’Alastair Windsor, l’enfant caché de la directrice. Le gouvernement retourna sa veste, et les preuves que James Carrington avait amassées furent utilisées pour faire porter l’entière responsabilité des dérives de l’école sur le directeur du lycée et le professeur des dangereux.
Le gouvernement devait garder la tête haute et préférait sacrifier une partie de la vérité en échange d’une légitimité à réformer l’école.

Alastair Windsor avait volé l’identité de Melchior Collins, l’ancien directeur du lycée et avait modifié les souvenirs de tous ceux le connaissant afin d'asseoir son pouvoir sur l’école. Son alice de vol d’alices fut révélé et la collection de cristaux d’alices saisie. Les noms inscrits sur les bocaux furent étudiés et les personnes encore vivantes purent retrouver leur alice.


Au bout de quelques jours, le président d’Irlande s’exprima publiquement devant l’école à l’intention des élèves. Les portes avaient été refermées et des équipes compétentes reçurent pour mission de faire appliquer les nouvelles mesures :


▬ Au vu de toutes les dérives et de tous les abus physiques et mentaux qu’ont enduré les élèves de cette école depuis des décennies, le gouvernement de l’union européenne a décidé ce matin-même de faire marche arrière sur le règlement intérieur. A partir de ce jour, tous les élèves de plus de seize ans pourront sortir de l’école, à condition de porter un bracelet électronique à la cheville qui leur sera retiré à leurs vingt ans. Ils auront le choix entre rester à l’école et sortir à tout moment pour rejoindre leurs familles ou vivre dans l’indépendance que leur procure leur majorité légale.
Avant seize ans, le recrutement des enfants ne se fera plus par la force mais sous divers entretiens et la garantie que les élèves pourront retourner dans leur famille durant les vacances scolaires. La classe dangereuse est dissoute en ce jour mais les alices jugés trop dangereux devront rejoindre la classe d’élite. L’armée irlandaise s’excuse profondément auprès des familles concernant les missions secrètes qu’Alastair Windsor imposait à ses élèves dans le dos de l’Union Européenne qui dément totalement une quelconque association.
Le rang sans-étoile a été supprimé, tous ceux qui vivaient au grenier seront installés au premier étage avec les simples. L’argent de poche et la qualité des repas verront une homogénéisation pour limiter les écarts et les injustices trop prononcées.

Enfin, chers élèves, chères familles, l’académie Alice sera toujours un lieu d’accueil pour les enfants ayant besoin d’apprendre à contrôler leurs pouvoirs.




Le nouveau système mis en place lors de la révolte de 2020 est devenu pérenne, même si il y eut besoin au cours du temps de faire quelques ajustements. Le gouvernement a toujours du mal à lâcher leur main mise sur l’école mais les trois nouveaux directeurs veillent à les tenir à l’écart.
En remplacement à Ezio Valente qui du prendre la relève après le renvoi immédiat d’Alastair Windsor/Melchior Collins, ce fut Orion Lindberg qui récupéra la direction du lycée.
Tout naturellement, Agatha avait confié la suite à celle qui en était devenue la plus digne : et ce fut donc Saada Radjah qui devint directrice du collège. Agatha lui légua son temple des fleurs. Elle demanda à Saada de l’accompagner, sous accord du gouvernement, voir Alastair dans sa cellule : sans l’alice de vitalité, il avait beaucoup vieilli. Elle l’obligea à lui voler son alice du champ de force pour l’offrir à Saada. Elle disparut par la suite et ne donna plus jamais de nouvelles.
Enfin, ce fut Elyas Crawley qui prit la succession d’Alvin Winchester, celui-ci ayant décidé qu’il était temps d’enfin réaliser son rêve : ouvrir une ferme à la campagne. Elyas devint le directeur du primaire et le dernier membre du nouveau trio.

Et tout le monde se souviendra encore de cette année mouvementée d’il y a dix ans, comme celle qui a permis de tout changer.