Promenons-nous dans les bois...

La forêt maudite est une vraie mine d'or pour trouver des pierres précieuses. En regardant bien, on pouvait tomber sur toutes sortes de minerais aux vertus exceptionnelles. Aline aimait beaucoup ces grands espaces. Avec la forêt bleue, c'étaient ses lieux de prédilection pour aller se promener en fin d'après-midi, après les cours. Elle découvrait toujours pleins de bizarreries inexplicables et c'était vraiment amusant.

Pendant que le loup n'y est pas...

Ce jour-là, la blondinette s'était aventurée dans un coin qu'elle n'avait encore jamais exploré. Elle était si excitée à l'idée de mettre la main sur des minéraux insolites qu'elle ne faisait pas attention ni à son chemin, ni à l'endroit où elle mettait les pieds. Au pire, qu'est ce qui pourrait bien lui arriver de grave ?

Dans son petit sac, elle avait déjà pu réunir quelques exemplaires à rajouter dans sa collection mais rien d'extraordinaire. De toute façon le soleil ne s'étant pas encore totalement couché, il lui restait un peu de temps pour dégoter la perle rare. Guillerette, elle gambadait donc à gauche à droite, trébuchant de temps à autre sur une racine ou sur amas rocheux. Elle ne s'en faisait pas pour ça, du moment que personne n'en était impacté, c'était l'essentiel.

Si le loup y était...

Qu'est-ce que c'était que ce bloc brillant là-bas ? Il était si joli, et Aline sentait que beaucoup d'énergie naturelle en émanait. C'était la première fois qu'elle voyait ça. D'habitude ils ne sont chargés qu'un minimum ou pas du tout... pas autant ! La puissance des galets qui en découleraient serait ahurissante !

Elle fonça en direction de l'objet de sa convoitise sans attendre. Il fallait qu'elle le récupère. Il ne lui restait plus que quelques mètres... neufs pas... huit... sept... six...

Avant de se rendre compte qu'il se passait quelque chose, la blondinette se retrouva happée par le sol. Les marécages ?! Non ce n'est pas possible, ils étaient plus loin ! Qu'est-ce qu'il se passe et pourquoi elle entend le vent siffler à ses oreilles ?

Ses questions furent interrompues par une douleur sourde au niveau de sa jambe gauche. Elle atterrit lourdement sur une surface dure et s'écrasa de tout son long. Elle poussa un cri de douleur, tandis que son coeur tambourinait contre sa petite poitrine. Des frissons lui parcoururent tout le corps et très vite des larmes commencèrent à couleur sur ses jours. Avec effroi, elle se rendit compte qu'elle était tombée dans une sorte de puits. Le fond était sec, mais aussi à cinq mètres environ de l'air libre. Paniquée, elle tenta de se lever mais se rendit compte qu'elle pouvait à peine tenir debout à cause de son pied. Elle s'était mal réceptionnée et s'était tordue la cheville. Essayant de forcer, elle s'agrippa aux pavés que constituaient les murs, mais les appuis étaient trop petit. Est-ce qu'elle était coincée ? Elle poussa un hurlement de peur, de détresse et de douleur. Jamais la maladroite ne s'était retrouvée dans une situation pareille. Tremblante, elle sortit son téléphone pour contacter quelqu'un, mais elle ne captait pas. En pleurs, elle appuya tout de même à plusieurs reprises sur la touche appeler à côté du nom de Moïra.

Attendez... est-ce que c'était du sang sur son pouce ? La blondinette hurla de toute ses forces, et ce fut le deuxième d'une longue série.

Il nous mangerait.

Elle s'était cogné la tête en tombant et le sang provenait de son front. Ça ne lui faisait pas mal, sûrement à cause de l'adrénaline, mais voir ce liquide rouge sur ses mains suffisait à la faire céder à la panique. Par le passé, la maladroite s'était entaillée de nombreuses fois, mais jamais elle ne s'était retrouvée au fond d'un trou en même temps. Et si personne ne la découvre avant plusieurs jours ? Est-ce qu'elle pourrait survivre ? Rien que d'y penser, cala la faisait frémir et redoubler de sanglots.

Une ombre recouvra le puits, ce qui fit d'abord encore plus peur à la jeune fille car elle n'avait entendu personne s'approcher. Ce n'est qu'en relevant la tête qu'elle pu apercevoir à travers ses larmes un visage familier qui lui réchauffa immédiatement le coeur.

« Mademoiselle Bradwyr ! s'écria la prisonnière. Mademoiselle Bradwyr vous êtes vraiment là ? Je vous en supplie, sortez-moi de là... »

Sachant que l'infirmière ne pouvait pas lui répondre par la parole, elle tenta de se concentrer sur ses mouvements. Comme à son habitude, la jeune femme était calme et sereine. On pouvait également distinguer de la détermination dans ses yeux. Il semblait clair qu'elle était prête à tout pour sauver son élève de la situation dans laquelle elle venait de se mettre.

En outre, c'est à ce moment-là que le quartz rose rangé dans la poche arrière d'Aline se décida à enfin émettre ses ondes d'apaisement. Petit à petit, les larmes céssèrent et même si mademoiselle Bradwyr disparut, la blondinette ne se laissa pas une nouvelle fois emporter par une vague d'affolement. D'ailleurs sa blessure à la tête commençait aussi à la piquer, cependant elle tenta de rester brave. Dans quelques minutes, elle serait en dehors de ce piège !

Lorsque la corde arriva à son niveau, elle l'acceullit comme le messie. Ni une ni deux elle s'en saisit et se releva pour finalement s'écrouler. Il lui était impossible de prendre appui sur sa cheville ! Comment allait-elle faire pour monter ?!

« Je... je ne peux pas grimper. Je me suis fait mal à mon pied et j'arrive pas à tenir debout, cria la petite. Comment est-ce que je fais ? Je ne veux pas rester coincée ici mademoiselle Bradwyr, implora-t-elle. »

Son rythme cardiaque recommençait à s'emballer. D'autant plus qu'elle remarqua pour la première fois divers insectes peu ragoûtants se promener par terre. Une chatouille au niveau de sa jambe attira son attention et elle découvrit avec horreur qu'une espèce de mille-pattes s'y promenait. Criant une énième fois, elle s'ébroua tout en gesticulant dans tous les sens. Maintenant elle avait l'impression qu'une centaine de petites bestioles se baladaient partout sur son corps.

Il faut réfléchir Aline. Tu n'es pas seule alors s'il te plaît concentre-toi.

La jeune fille lança un regard implorant à l'adulte au-dessus d'elle. En échange, elle fut étonnamment enveloppée par un flot de sérénité. L'infirmière veillait sur elle, et transmettait une puissante énergie positive à travers ses expressions. Pour la blondinette, le message était clair. De la voix qu'elle lui avait attribuée dans son imagination, elle entendit la muette lui murmurer doucement : Je sais que tu peux le faire ma puce, et quand tu seras remontée, je te soignerai. Elle pouvait très bien se tromper, mais préféra se laisser bercer par cette illusion presque maternelle.

Courageusement, l'adolescente s'entoura du cordage et fit un noeud solide lorsqu'il n'y en avait plus assez. Elle s'était attachée et espérait que mademoiselle Bradwyr puisse la tirer hors de ce pétrin.

« Est-ce que vous pensez pouvoir me hisser ? Je vais essayer de m'accrocher aux parois au fur et à mesure de la montée. J'ai peur... »

La montée fut interminable pour Aline. Mademoiselle Bradwyr l'avait hissée hors du puits, et afin de soulager au maximum cette dernière, la jeune fille prenait appui sur tout ce qu'elle trouvait. Évitant d'utiliser son pied bléssé, elle ne put s'empêcher de heurter à maintes reprises les parois avec force ce qui lui arrachait des petits cris à chaque fois. De plus, la blondinette commit l'erreur de regarder vers le bas à un moment. Jamais elle n'aurait cru avoir autant peur de son existence. Une seconde chute lui vaudrait des douleurs insupportable.

Après ce qui lui parut être une éternité, l'élève émergea enfin. N'y croyant pas elle-même, celle-ci bougea à peine une fois à l'air libre. L'infirmière, elle, ne tarda pas à venir l'enlacer avant de commencer à la soigner. Tout semblait se dérouler dans un brouillard opaque ce qui poussait l'adolescente à rester impassible. Elle sentait la main de l'adulte effleurer ses blessures mais ne réalisait pas encore que cela la soulageait peu à peu. L'intense tension qu'elle avait accumulée ne voulait pas la quitter. Elle semblait bloquée dans sa gorge et déterminée à ne pas en sortir.

Toujours confuse au plus haut point, Aline put voir que celle qui l'avait tirée de cette mauvaise passe écrivait sur son téléphone. À quoi est-ce que tout cela rimait ? Hébétée, elle continua à fixer la jeune femme jusqu'à avoir l'écran de son smartphone sous le nez. Un texte y était écrit cependant les lettres se mélangeaient entre elles et rien de ce que la blondinette pouvait lire ne faisait sens. Tentant de se concentrer, elle fronça les sourcils. ...blessures internes... crâne.... Ces mots firent l'effet d'un électrochoc à l'adolescente et elle se redressa d'un coup.

Comme venant de se réveiller d'un mauvais rêve, elle regarda à droite à gauche puis fixa sa sauveuse. C'est à ce moment-là que les digues cédèrent. Aline poussa un long cri déchirant avant de se réfugier dans le cou de l'infirmière. De ses bras, elle la serrait du plus fort qu'elle le pouvait comme si ça vie en dépendait. Des flots de larmes noyèrent très vite son visage tandis que son petit corps secoué de spasme n'arrêtait pas de trembler.

« Mad... Mademoiselle Br... adwyr... M... merci... parvint-elle à prononcer entre deux sanglots. »

Sans l'adulte, elle serait encore restée coincée pendant Dieu sait combien de temps. Non seulement elle avait eu de la chance qu'on la trouve, mais le fait que ce soit la guérisseuse de l'académie qui l'ait découverte relève du miracle. À présent elle était prête à se laisser ausculter sous toutes les coutures s'il le fallait.

Quelques minutes plus tard, la jeune fille commençait enfin à se calmer. Elle se souvint même de la raison pour laquelle elle était tombée dans ce puits et tourna la tête vers le fameux rocher qui avait tant attiré son attention. À son grand étonnement, il n'y était plus. Quelqu'un se serait approché et l'aurait pris alors qu'elle hurlait juste à côté ? Pourquoi ne l'avait-il pas aidée ? Une chose est sûre, elle n'avait pas rêvé en voyant le minéral. Elle pouvait même encore sentir son énergie émaner de l'endroit où il était supposé être.

Aline secoua la tête afin de chasser sa stupeur. De toute manière il y avait plus urgent à faire. Encore tremblante, elle se leva et se concentra de nouveau sur l'infirmière.

« Du moment que ça ne fait pas mal, je suis d'accord, dit-elle d'une petite voix. »