la signature incertaine je change tout le temps la mienne, jamais bien certain de la forme que ça doit prendre j'en sais rien - si je dois dessiner un chaos de traits qui ressemble à rien ou alors simplement écrire jasmin -
je sais jamais
j'ai hésité
j'ai mis mon nom en entier.

on m'a énoncé le règlement comme on lirait le mode d'emploi quand on ouvre pour la première fois la boîte d'un nouveau jeu de société j'ai acquiescé malgré le fait que j'ai compris la moitié des conditions je crois qu'ils font exprès que ce soit trouble pour que personne voit comme il faut au travers. mais c'est fait -
c'est fait, pas de retour en arrière.
un premier pas dans la cour des grands.
titubant incertain suivi de sentiers qu'on suit chancelant, hésitant sur la marche à suivre en attendant les départs. après les cours même si le soir tombe vite et que j'aime pas rentrer dans le noir je traîne toujours un peu je commence mes devoirs dans le couloir ou bien dans les escaliers dans le quartier de ceux qui ont la couleur du danger. et puis ça commence à virer ennuyeux d'encrer les cahiers je cherche les semblables, c'est comme si les autres teintes manquaient trop d'éclat pour rivaliser avec celui du rouge.
le sac sur le dos j'erre dans les dédales et guette les sorties des salles de classe de ceux qui finissent plus tard
aussi tard que maintenant je repère les salles où c'est encore allumé et attend
attend
attend
jusqu'à ce que les portes s'ouvrent sur des visages familiers
comme une seconde famille
avec qui on fait le chemin du retour
(souvent je rentre tout seul mais depuis la signature j'ose moins)
robin !
j'appelle au milieu des élèves, celui qui accompagne jusqu'au dîner ça dépend des jours
aujourd'hui c'est le seul dont on voit suivre les pas, bouffée d'air pour inspirer un peu de courage et je m'avance, tenant les lanières du cartable entre les doigts
comme d'habitude - rien n'a changé tout va bien.
on va ensemble au self robin je pourrai m'assoir à votre table dis ??
rien n'a changé tu vois bien.

à mal creuser les fossettes
les sourires ne fleurissent pas comme il faut, des corolles timides de se lever au soleil des regards moi j'observe attentif mais même si on vient aux jardins de robin comme tous les autres jours avant aujourd'hui
ça ne se dévoile pas vraiment.
c'est pas en train de faner déjà hein
robin dis-moi
que tu ne dépéris pas tout de suite,
on est encore bien vivant ! pour un moment encore, pas vrai ?
le cœur bat juste un peu plus rapidement sous les mailles de coton - c'est parce qu'il se tient prêt pour les grandes occasions,
pour ça qu'il cherche rien qu'un peu d'accalmie auprès des grands comme toi avant d'être trop saisi d'effroi. rien qu'une petite place entre deux chaises tu dis ça en rigolant et moi je ronchonne une seconde mais en vrai ça m'ira je prends pas beaucoup d'espace je fais pas beaucoup de bruit
je grommelle mais c'est pour la forme et c'est coupé au sourire.
dis pas n'importe quoi robin j'ai pas l'âge de payer des impôts.
retrouve des souffles rieurs après les heures d'apnées, ça manquait le volatile, j'ai envie de te raconter
les leçons et les exercices mais
en y pensant je me rends compte que c'est des coups de vent dans l'esprit qui n'ont fait que balayer le sol immuable des craintes sans vraiment s'inscrire dans la mémoire
alors je hausse les épaules pour chasser ce qui reste.
ça va, c'était long les cours aujourd'hui
je suis sûr t'as trouvé ça long aussi j'ai vu la tête que tu tirais quand t'es sorti de classe.
de six pieds de longs même sept ou huit et le regard qui descend encore plus bas, plus bas encore et tu trébuchais dessus robin mens pas j'ai tout vu.
c'est pas un reproche tu vois bien que c'est pour me moquer gentiment
tandis qu'on s'avance vers la sortie du bâtiment des dangereux - il y a du chemin jusqu'au réfectoire, on étudie loin des curieux alors qu'on veut faire de mal à personne.
au cœur des couloirs j'observe les autres aux couleurs d'uniforme identiques qui s'éparpillent, nous on s'attend on cale nos pas au rythme de l'autre
un peu plus sur le tempo des miens parce qu'ils ne vont pas aussi loin que toi robin, mais quand on fait le chemin ensemble je marche toujours un peu plus vite. ça fait carburer l'esprit, je fixe mes pieds et réfléchis.
si tu veux mon dessert pour prendre des forces avant la prochaine mission à la limite...
avant de relever le nez lorsqu'on s'approche des portes menant à l'extérieur, ralentis
le temps que je lève les yeux vers toi.
je sais que tu y vas.
je sais que tu sais mais je demande quand même ne m'en veux pas je crois que je guette tout ce qui pourrait s'esquisser sur ton visage car les expressions saisies au vol sont parfois plus parlantes
et que je cherche des états d'âme sur lesquels me calquer.
deux, trois secondes pas plus, avant de tourner la tête pour voir où l'on va, je nous ouvre la porte sans trop me presser
inspire les premières bouffées d'air frais.
j'ai vu ton nom sur la liste.
j'ai écris le miens juste en dessous.