il est loin l'océan le sol tangue plus depuis le retour c'est la terre ferme mais c'est comme si j'étais revenu avec le mal de mer j'évite toutes les vagues de gens
toutes les foules déchaînées j'évite de m'y mêler c'est bien qu'on soit rentré au moment des vacances car ça m'aurait ennuyé d'avoir la nausée jusque dans les salles de classe, j'ai le sentiment que le monde veut pas s'arrêter de tourner j'ai du mal à comprendre
comment on peut avoir envie de valser
dans ces moments-là -
mais je crois que ça fait du bien de se remettre dans le bain. sentir les fragrances de sapin plutôt que l'onguent iodé qui filait des hauts-le-cœur je préfères ces odeurs là et puis tout le monde vit comme s'il ne se passait jamais de drame de l'autre coté des grilles alors c'est plus simple de respirer aux creux des atmosphères festives
même si le costume des collégiens est un peu terne - pour relever le défi je l'ai mis.
et adossé aux murs adjacents l'entrée de la grande salle où l'on afflue pour plonger dans l'effervescence du bal de fin d'année j'attends, les omoplates contre le plâtre c'est comme sur le bateau c'est pour tenir debout sur les deux pieds tandis que ça oscille de tous les cotés
observe les allers-venues - surtout les allers
et se répéter que ça ne fait rien
de pas savoir danser.
apparaît au milieu des flots d'invités
oona !
la voix perce à peine dans le brouhaha c'est pas grave l'avantage d'avoir nos âges c'est qu'on est moins grands que la plupart et comme ceux qui dépassent des foules nous aussi on se retrouve facilement - à la même hauteur
je fais signe avant de baisser les yeux le temps que tu fasses les pas qui sépare
jusque là où l'on peut mieux voir que les bandes de tissus autour du col de la chemise sont pas nouées
l'accueil un peu dépité.
au final c'était nœud papillon cette année.
... j'ai pas dis que je savais les faire non plus.
je savais pas à qui demander de m'apprendre mais
ça te dit on se moque des apparences ? pas besoin des grands on se débrouille sans eux désormais. haussement d'épaules et je relève les yeux, observe un peu
avant d'acquiescer d'un hochement de tête.
t'es cool en vert. ça fait reine de la forêt
ça te va bien.
de toute manière je crois vraiment
que je préfère les bois à la mer finalement.

une fleur dans la poche là où bourgeonne le cœur qui bat - tu es allées en forêt oona ? comment va-t-elle ? ça fait longtemps qu'on n'a peu eu de nouvelles oh tu sais elle me manque elle et ses tapis de feuilles j'espère qu'elle est pas trop rancunière
il faut que j'aille lui dire qu'on est de retour - si elle envoi des fleurs c'est qu'elle n'est pas trop en colère pas vrai ?
je regarde ce que ça donne ça redonne
des couleurs au costume grisâtre
comme si elle avait éclos dans la poussière
après la guerre la nature reprend toujours ses droits.
comment tu sais faire les nœuds papillons..
ça s'apprend pas à l'école ce genre de chose c'est comme tenir la main des filles même au travers des gants sans trop rougir ni balbutier j'ai beau passer tout mon temps à mon pupitre pour réviser c'est un truc qu'on maitrise pas encore. c'est pour ça
c'est pour ça les défis et les bals de fin d'année.
et pourquoi
encore
des masques
tous alignés comme si c'était encore amusant de se déguiser ça rend le regard froid tout à coup et noir comme les sous-bois, envahis par les ronces ça pique jusqu'aux pensées.
jaja mets le miens dans ta poche
moi j'en ai pas
et les cils papillonnent pour voir au travers des bosquets sombres c'est pas l'heure encore et le miens je le prends mais il restera sûrement au fond des poches, le tiens aussi y termine oona même si j'y fais plus attention.
on s'en fiche quand tout le monde devra le mettre on se reconnaîtra grâce aux fleurs.
ce soir on est venu pour avoir nos âges et se lancer des paris et vu qu'on se tient encore c'est comme si on s'était déjà échangé des poignées de main pour dire d'accord alors pas besoin d'attendre pour lancer les hostilités.
ok ! mais pas de valse ou de trucs qui tournent alors !
pour éviter le mal de mer - vite
avant qu'il y en ait plus s'il y en a plus c'est parce que l'un de nous deux aura gagné et c'est à mon tour de guider, entraîne oona au milieu de la foule les trajectoires toutes tracées en direction du buffet
on se repère mieux qu'en forêt, arrive en catimini - la voie est libre.
attends viens, à cette table y en a encore plein !
t'façon les grands vont rien manger ils sont trop occupés à tous se draguer.
si je dois me gaver de quelque chose ce serait du marbré j'ai l'impression que la dernière fois que j'en ai mangé c'était y a au moins la moitié d'une vie.
et devant les parts alignées je lâche la main, évalue la quantité qu'on peut avaler sans être malade je pense quatre morceaux voire cinq ça se joue,
tourne la tête vers toi avant les trois, deux, un.
ok t'es prête oona ? moi j'ai pas déjeuné aujourd'hui exprès alors accroche-toi !