Il est des vœux qu'il faut, parfois, apprendre à taire. Des plaintes du cœur qui feront moins de mal à rester silencieuses, un sacrifice nécessaire.
Personne, cependant, n'est assez humble, assez altruiste pour laisser passer ce genre d'occasion. L'occasion de changer quelque chose, de faire avancer leur propre monde au dépit de celui de tous les autres, un égoïsme exacerbé.
Beaucoup, en ce levant ce matin-là, après avoir veillé les étoiles filantes de la mi-décembre pleine d'espoir, avait subit cet égoïsme. Les professeurs se voulaient rassurant à ce sujet, mais qu'en savaient-ils ?
Après l'annonce officiel d'un danger rôdant dans les couloirs de l'académie et l'instauration d'un couvre-feu encore plus sévère, voilà que certains élèves, loin d'avoir perdu leur alice, s'en retrouvaient doté d'un nouveau.
Qu'en savaient-ils, que tout ça n'allait durer qu'une journée ?
Ce n'était pas une vérité qu'ils pouvaient sortir de leur petit chapeau. Rouge, même séparée de son cerveau, n'était pas dupe à ce point.
Non.
C'était surtout maintenant.
Maintenant qu'elle était séparée de celui qui avait toujours joué le rôle de son cerveau qu'elle s'était réveillée. Rouge est une idiote, une abrutie, une imbécile heureuse qui préfère rire pour pouvoir toujours avancer.
Rouge ne veut pas réfléchir, ne veut pas comprendre, ne veut pas savoir.
Elle avait son côté obscur pour se charger de ça. Elle avait Noir.
Elle avait Noir.
Avant.
Mais Noir n'est plus là, et que ce fut pour un jour ou pour une vie, Rouge était tombée. La panique, la colère, la peur, la solitude. Une pression sur sa poitrine qui lui faisait sentir son absence, la rupture du lien.
Et lui ? Que faisait-il ? Où était-il ? Quelqu'un avait-t-il récupéré son alice ? Quelqu'un l'avait-t-il invoqué ? Était-il tout seul perdu dans l'immensité du monde ?
Ce jour-là, elle avait pleuré, elle avait frappé les murs, elle s'était enfermée dans sa chambre, n'avait rien fait d'autre que d'essayer de taire ses milliers de voix l'agressant sans qu'elle ne sache d'où elles venaient.
Et quand, finalement, après s'être épuisée sur son coussin mouillé de larme, noyée dans ses craintes les plus infondées et cet avenir dont elle ne savait s'il serait mêlé au sien, elle ouvrit les yeux, le soleil se couchait déjà.
Combien de temps durait une journée ?
Lui faudrait-il attendre demain matin, ou l'heure précise où le vœu avait été fait ?
Ou est-ce que l'ultimatum était déjà passé ?
Rouge, alors, s'était mise à courir. Tout droit, parce que c'est tout ce qu'elle savait faire. Tout droit, sous le regard inquiets des animaux qui la croisaient. Tout droit, parce qu'il n'y a qu'en marchant qu'on avance.
Rouge, toute seule, avait suivi les voix. Là où elles se faisaient les plus fortes, les plus assourdissantes. Peut-être que les voix, elles, savaient.
Rouge, perdue, essoufflée, oiseau en cage prisonnière des arbres de la forêt maudite, se tenait digne et droite, et inspira tout l'air que sa respiration saccadée lui permettait encore d'emmagasiner.
« ▬ RENDEZ-LE MOI ! »
Et les voix se turent, choquées.
« halloween »