poings qui frappent et dents qui claquent, les percussions des cœurs qui craquent,
résonnent et percutent tous les murs ça monte ça monte
jusqu'à mourir en murmures sous les combles

Noël
on entend parler de tes exploits jusqu'au grenier
tu savais ?

y a des on-dit qui rampent sous les toits
Noël Devray poète maudit à la prose en aquarelle
gouache tristement le cœur des demoiselles
et ça plaît pas aux frangins
droite ou revers j'en sais rien ce genre de détails ça porte pas aussi loin tout ce que je sais
c'est qu'tu t'en es pris une.

j'ai pas rigolé
je sais que ça fait mal
j'ai pas serré les dents non plus
j'aurais cogné si c'était ma sœur dans l'histoire

impassibilité impartiale je l'ai appris j'ai eu aucune expression faciale, pas de grandes indignations, quand il est question de faire des guerres c'est rien que les miennes que je mène et pas celles des autres
j'ai pas quitté le grenier.

mais je sais que tu sais, que j'ai nulle part d'autre où aller,
il y en a qui me cherchent et c'est un refus catégorique mais toi tu peux venir me trouver quand tu veux, parce que t'es un frère,
le frère d'autres, à tenir au creux des paumes l'équilibre bancale de la plus petite des familles, sans adultes par dessus l'épaule pour dicter ce qu'il faut faire je me doute
que tu fais d'ton mieux
c'est un truc pour lequel j'ai beaucoup d'estime chez toi
on serait frère toi et moi j'serais fier
alors monte, entre
tant que j'suis dans les parages la porte sera toujours ouverte et tu verras bien, si j'occupe encore les lieux
si ma valise traine encore dans un coin c'est que j'ai pas rendu ma chambre impeccable sans aucune trace de passage
comme toujours avant les départs des hôtels.

y avait même pas besoin de toquer mais t'es le plus poli de nous deux

dans un coin de la pièce à la lueur d'une lampe de bureau alors qu'y aura jamais la place pour une pupitre ici, en tailleurs sur le lit un bouquin sur les genoux et le cendrier sur la commode à coté
à passer le temps des escales
je lève la tête et réponds à la porte pour commencer

vas-y Noël rentre fais pas des manières !

pas de ça entre nous,
sourire, coupé par le filtre porté aux lèvres j'inspire, observe la porte s'entrouvrir je guette ton entrée, expire
des volutes de fumées
et au travers une fois que c'est dissipé je distingue les traits qui parlent en premier, ça dit à ta place
que t'as morflé

ahh merde... mec

il t'a pas raté.

fais pas cette tête ça te va bien,
ça te donne du chien.

je souris aussi mais moi c'est pour de vrai - de ceux un peu volatiles que je m'efforce d'esquisser tant qu'on est encore là - pas un pour la façade
pas comme toi Noël.
t'as cette risette, je la connais,
y a un temps je la forçais tout le temps et puis on s'y fait ça devient presque inné,
c'est le rictus qui veut dire "je sais encore taper des smiles
mais putain
ça fait mal"
c'est la grimace pour rester fort alors qu'en dedans tu sais pas
t'hésites entre hurler des horreurs cogner des gueules ou pleurer comme un dingue
ou bien t'éteindre tout simplement
ravive la flamme pour le style.

oh la vie c'est qu'une chienne Noël alors pour elle c'est toujours mérité,
mais c'est bien de pas la contredire, moins compliqué, prend des raccourcis la pilule sera plus simple à avaler.

et pour pas cendrer mon lit je tiens la cigarette au dessus du cendrier lorsque tu t'affales sur le matelas, en profite pour poser mon livre de toute manière maintenant que t'es là la poésie m'intéresse plus,
en tailleur contre le mur et toi en travers des couvertures.
respire, t'es au grenier,
à l'étage des oubliés rien peut nous atteindre
et tu pousses des soupirs, tu sais pas trop.

t'as grave merdé mec
parce que t'as fait ce que t'as fait et parce qu'en plus de ça tu l'as fait à Cassandre, le pire des bails vu son frangin.

tu te serais passé des manières de gentleman ça aurait été la même, on t'aurait fracassé tout aussi fort.
et de plus près je peux mieux voir, toi allongé sous mes yeux je porte le filtre à mes lèvres et me penche pour vérifier, les mains libres j'appuie là où ça fait mal,
avec les mots et puis du bout des doigts aussi, comme pour checker si les bleus que Cassidy t'as refilé au coin de la face sont bien vrais,
- ouais, tu t'es pas fait arnaquer.

t'aurais du venir direct, j't'aurais raccommodé en deux deux.

je sais bien panser les plaies, je m'occupe toujours des miennes moi-même.

t'inquiète, je juge pas - je foire tout tout l'temps aussi,
toi t'es juste pas un joker infaillible pour qu'on oublie que t'as merdé.

et je me redresse, récupère le bâtonnet empoisonné entre le pouce et l'index, la tête bascule en arrière et les poumons exhalent un geyser de fumée en direction du plafond,
alors les omoplates peuvent revenir se caler contre le mur derrière moi.

mais vas-y développe. tu t'y es pris comment exactement ? et j'te dirai si t'es juste maladroit ou si t'as carrément tout niqué n'importe comment.

c'est dans le sang c'est dans l'âme c'est normal Noël, que les cœurs d'une fratrie battent diapason - brise celui de la sœur de quelqu'un et on viendra te casser les dents
principe d'échange équivalent
rien ne se perd tout se transforme
les larmes de Cassandre se changent en poings dans tes canines c'est un peu comme un cycle perpétuel
fais pleurer ma sœur
et j'te renvoie l'ascenseur.

c'est un frère quoi. va pas me dire que t'irais pas cogner quelqu'un qui fait des misères à l'une de tes frangines.

je ricane mais c'est pas pour me moquer tu vois bien
c'est une manière de dire qu'on se ressemble
je suis "un peu pareil" aussi - la colère universelle.
et Noël tu te demandes si c'est bien justifié d'avoir aussi mal tu cherches dans mes yeux voir si les réponses s'y trouvent pas et moi j'écoute tes mots hésitants
titubant de trouver du sens à tout ça.

c'est toujours cool au début.

tente de discerner un fil rouge à suivre dans les nœuds de l'esprit de Cassandre tu dis que c'est torturé et que tu sentais bien que t'étais pas la bonne personne pour démêler
les barbelés, t'as failli t'y faire prendre et en s'extirpant on s'écorche toujours
c'est comme ça quand on s'enlace d'étreintes étouffantes - elles emprisonnent.

si t'avais attendu le bal tu serais tellement mort aujourd'hui Noël, j'te jure je suis sûr Cassidy ça l'aurait fait vriller de ouf.

ça ou bien
à céder et dire "oui" une fois
t'aurais peut-être plus été capable de dire "non" de nouveau.

j'ai envie de te parler de cages et de cellules Noël
j'ai envie de te dire que tu l'as échappé belle,
que sinon les évasions c'est une galère et que plus t'attend plus tu cours le risque de les manquer - rattrapé en plein vol oublie l'idée de t'évader un jour si tu laisses les grilles se refermer pour de bon
elles coupent les ailes.
ça doit se lire dans le regard
ce que je pense de tout ça.
pas de jolies choses mais rien à voir
rien à voir avec toi et tes histoires,
parce qu'elles sont légères encore - loupent gentiment le coche et manquent de se rendre aux bals de fin d'année et c'est des mains liées qui t'attendaient
pas des menottes aux poignets.

ça va, j'trouve que t'as été plutôt gentleman.

je récupère les œillades, t'as pas besoin d'y chercher quoi que ce soit je crois qu'au creux d'elles y a rien que des grands vides, des trucs pas forcément réjouissants que quelqu'un comme toi mérite pas,
Noël tu mérites pas que je te dise
que c'est jamais des comédies qu'on joue,
plutôt des tragédies qu'on subit - c'est rien que mon avis.

j'inspire pour trouver l'inspiration, rumeurs de la tête posées contre le mur sur lequel y a aucune photo d'accrochée je lève les yeux au plafond voir si les réponses s'y trouveraient pas - on a cherché partout alors pourquoi pas ici.
on va sauter le passage où j'te fais tout un speech pour t'expliquer que "naaan t'es un mec génial, c'est elle qui était pas assez bien pour toi t'es juste pas tombé sur la bonne bro et bla bla bla" genre ce serait juste faux-cul. puis c'est pas la question. t'es pas parfait, et Cassandre elle est pas parfaite non plus - tous les deux vous êtes chiants à votre manière et tu pouvais juste plus saquer la façon qu'elle avait de te saouler c'est tout.

...
j'sais pas quoi te dire Noël.
les expirations ont des airs de soupirs - je cherche je cherche
laisse les iris s'égarer au dessus de nous sans jamais trouver j'essaye pourtant tu sais, mais non - pas d'indices là-haut non plus.

tout c'que j'sais c'est qu'on devrait jamais s'forcer à faire semblant. si tu sens que t'as rien à faire quelque part t'as pas à t'obliger à rester, et t'as pas à t'excuser de partir.

t'as pas merdé, c'était juste pas ta place et fallait te barrer.
et les poings dans la gueule c'est rien
ça fait mal parce que t'as été un peu un connard cinq minutes
mais ça veut pas dire que t'en es un à vie tu vois.

tu vois ? dis-moi que tu vois
car je suis pas sûr de voir moi-même Noël
je t'avoue que je reste jamais suffisamment longtemps pour me prendre des retours de frappe - je pars toujours avant les revers et les droites.
mais je me dis que c'est comme ça que ça marche
quand on a pas moyen d'effacer on met des points à la fin des phrases. point à la ligne
jamais final
j'imagine - ma prose à moi manque trop de ponctuation pour te répondre des affirmations,
excuse-moi.