Les faibles rayons hiémaux nimbaient les rayonnages désordonnés de la bibliothèque en cette fin d'année anxiogène. La quiétude qui y régnait permettaient aux âmes de vagabonder le long des étagères pleines à craquer d’œuvres aussi récentes qu'anciennes. Ceux qui parcouraient les tablettes rencontraient ainsi toutes sortes de reliefs et de textures à mesure que défilait sous la pulpe de leurs doigts la quintessence de l'érudition. Ce savoir éteint ne prenait vie qu'à l'ouverture des écrits endormis, lorsque l'odeur immémoriale de l'encre et du papier embaumait l'air d'un parfum tant entêtant qu'enivrant.

Le balais des étudiants allait bon train dans ce temple sacré du savoir à l'approche des examens. Les plus studieux trouvaient refuge et réconfort entre les lignes d'ouvrages de références et autres manuels scolaires alors que l'on savait les plus frivoles affairés à l'oisiveté, aux plaisirs hivernaux et notamment à la préparation des festivités de fin d'année, bien que certains se trouvaient être tout à fait capable de concilier les deux.

Ce n'était pas le cas d'Adamant, chez qui une concentration profonde et de tous les instants était requise pour ne pas dévier de son objectif : gravir les échelons de l'Académie qu'il considérait avoir bien trop longtemps négligée. Cela expliquait sans doute en partie la véhémence et la sévérité dont il faisait preuve à ce sujet auprès de son entourage et particulièrement d'un de ses amis d'enfance. Ami qui l'avait une fois de plus laissé sur le carreau pour s'adonner à on ne sait quoi avec on ne sait qui.

Le garçon avait pourtant attendu durant de longues minutes à l'entrée de la bibliothèque de l'Académie que son profil se dessine à l'horizon. Non sans un certain empressement teinté d'appréhension, il guettait au loin les étincelles chaleureuses de sa chevelure, comme un feu d'artifices dans le paysage moribond de la saison froide annonciateur de son arrivée imminente. Ses yeux cernés d'un sommeil sans repos scrutaient ainsi le lointain dans l'espoir d'y apercevoir ce fragment de soleil que représentait Loukas à ses yeux ; une confidence à l'évidence gardée bien jalousement secrète dans les méandres d'un cœur exsangue.

En vain. Patientant le cœur gonflé d'un espoir réprimé durant de longues minutes, un avant goût d'éternité, dans le froid mordant d'un hiver bien trop persistant à son goût, il n'avait pu qu'accueillir à contrecœur le vide que balayait les quelques fugaces bourrasques à l'entrée de la bibliothèque. Malicieux, le vent affligeait à sa chair frigorifiée une morsure si profonde qu'il ne pouvait contenir les frémissements de ses os fourbus. Malgré tout il valait mieux ça, pensait-il. Se concentrer sur la brûlure glaciale qui ravivait le rouge de ses joues engourdies et qui le secouait tout entier. Mieux ça que de songer à ce qui pouvait le retenir ailleurs. À ceux qui pouvaient le retenir loin de lui. À la joie qu'il pouvait tirer partout sauf avec lui qui, sous prétexte d'un statut dont seul Evan pouvait se vanter d'être également, l'assujettissait sans doute contre son gré. S'il ne s'était pas fait vocal à ce sujet, tout en Loukas exsudait sa non appétence en matière d'études, ce qu'Adamant pour son propre intérêt choisissait pertinemment d'oblitérer. La douloureuse culpabilité qui naissait et nouait ses entrailles à ces pensées, il la haïssait bien plus que le ciel cotonneux qui apportait l'hiver dans son sillage. Alors, pour endiguer le flot de ces pensées qui commençaient à lui tordre l'estomac et à grignoter son humeur, Adamant fit le choix de pénétrer seul dans le bâtiment sans ne serait-ce jeter un coup d’œil par-dessus son épaule.

Attablé seul dans un recoin de la bibliothèque, il se plongea dans la lecture de ses manuels formant une montagne à l'allure branlante. Il se força a faire et répéter des exercices afin de parfaitement les maîtriser. La frustration de l'échec brisait parfois la mine de son crayon usé qu'il taillait avec d'autant plus d'acharnement à chaque fois qu'elle cédait sous la pression. Du revers de la main, il chassait les miettes de ses erreurs sous forme de débris de gomme noircie puis retournait avec une hargne nouvelle s'affairer à son problème. L'excessive concentration qui le prenait lui peignait un masque d'austérité qu'il paraissait difficile à estomper. Ses sourcils froncés marquaient un pli entre ses deux sourcils et trahissait la tension qui l'habitait.

L'échéance des examens de fin d'année lui faisait ainsi l'effet d'une épée de Damoclès suspendu au-dessus de lui et prête à tout instant à lui fondre dessus. Au-delà de la sensation de légitimité que procure l'excellence et des quelques avantages en nature qu'elle amenait, étudier lui permettait de jeter au néant tout le superflu pour ne plus se concentrer que sur sa propre personne. Sur les petits soucis qui avalaient les plus gros, une satanée machine bien huilée et pourtant si bancale. Car les fuir revenait inéluctablement à se les prendre en pleine face à l'instar d'une bonne claque.

C'est à peu de choses près la sensation qui le prit lorsque le son d'une voix qu'il aurait reconnue entre mille le tira de ses réflexions. Sans pouvoir réprimer un sursaut qui l'avait tendu tout entier, Adamant considéra une fraction de seconde le doigt qui s'écrasait contre le bois où jonchait son ouvrage. D'un mouvement, il lui fit volte-face le visage d'abord transis par l'ébahissement, mais qui bien vite se mua en une expression de contrariété qui trouvait son origine dans une multitude de sources. Mécontent de ne pas l'avoir vu venir, déçu par son retard, fâché par son air détaché… Mais plus que tout, irrité d'avoir cette envie de tout absoudre lorsque ses yeux hypnotiques d'un simple regard le réchauffait tout entier, comme si le froid n'avait jamais existé. Lorsque son sourire, son foutu sourire, allumait un feu de bengale qui agitait péniblement son palpitant. Encore plus en devinant ce qu'il l'avait retenu. Une bien simple déduction rendue possible par la terre qui avait entaché le col de sa chemise. Alors il se sentait idiot, Ada. Idiot d'avoir jalousé un carré de terre et encore plus de combattre son désir de s'attendrir à son contact.

─ Salut.

Le regard sombre accompagnait la parole sèche qui brisait le silence qui avait suivis l'installation bruyante de Loukas. Ses yeux roulèrent dans leurs orbites avant de se pencher à nouveau sur le bouquin qu'il étudiait jusqu'à lors, tentative désespérée de créer de la distance et lutter pour maintenir sa colère licite. Alors il pouffa. D'un rire mauvais, acide, lorsque ses excuses virent lui chatouiller les oreilles. Un sourire acerbe se dessina sur ses lèvres mordue par le froid et reportant son attention sur lui, il le gratifia d'une formule désagréable par sa véracité et son entrain en plus d'être superflue.

─ Comme j'y suis bien habitué et que je n'en attends pas moins de toi, pas la peine de t'inquiéter !

La mâchoire serrée, un profond soupir tomba de ses lèvres. Le crayon qu'il tenait fermement entre son pouce et son index chuta sur le papier de son brouillon et roula à quelques centimètres de là pour joncher sur le bois du bureau. Le sourire s'effaça, la vivacité forcée également et Adamant se fit plus sage, moins belliqueux lorsqu'il ajouta pour alléger la culpabilité qui l'avait assailli à l'instant où sa phrase était morte :

─ Tu sais, si tu avais mieux à faire que ça tu aurais simplement dû me le dire et je ne t'aurais pas forcé la main pour me rejoindre aujourd'hui. C'est pas parce que je suis un ami d'enfance que tu dois te plier à ma bonne volonté.

Ces paroles étaient étonnement douloureuses à expirer tant sa gorge s'était serrée. De l'index, il massa superficiellement sa glabelle afin de défroisser ses sourcils et se détendre. Pour atténuer la sensation de douche froide que venait sans doute de subir son ami, Adamant préféra ajouter d'un ton infiniment calme, ne serait-ce que pour un peu le rassurer :

─ Enfin bon, c'est pas grave.

Avec toute la pénibilité du monde, Adamant déglutis, psalmodiant dans la foulée une fugace prière pour que le froissement du papier sous le dard implacable des plumes en étouffe le son. Étrangement, la réponse de son ami était à des années lumières de ce qu'il aurait voulu entendre. Il aurait mieux valu qu'il en rit fort, gauchement et se laisse aller à broder une futile évasion comme lui seul en a le secret, quitte à se faire reprendre par les caboches absorbées dans leurs révisions et dérangées par l'incantation subite de quelques décibels interdits. Les épaules secouées par un éclat de rire sincère et détaché qui entraînerait dans son sillage la filouterie d'une plaisanterie coutumière, Adamant aurait eu ainsi tout le luxe de dévisager froidement son désinvolte vis-à-vis afin de lui passer l'envie de futures récidives. Mais rien de tout ça. Rien si ce n'était la blessure invisible de paroles affreusement douces et douloureuses. Pour chaque parole, c'était autant de poignards affûtés plantés dans un cœur que l'on peinait à s'imaginer battre et qui pourtant palpitait à cet instant comme le cœur d'un oiseau qui meurt.

Poings serrés sur ses cuisses, Adamant ne se résignait pas à le défier du regard par peur qu'il ne sache lire sur son visage tout l'effet que lui faisaient ses quelques mots et toute la culpabilité qui en découlait. À l'évidence, s'il y avait bien un piètre ami d'enfance parmi eux, il s'agissait assurément de lui. On lui pardonnait sa mesquinerie, son insensibilité et sa rudesse car l'étiquette de sa qualité d'ami d'enfance lui collait à la peau. Peut-être que certains se seraient enivrés de ce rang et ainsi profiter des souplesses qui lui sont dues de tout leur saoul. Aux yeux couleurs d'amandes d'Adamant ce titre n'était toutefois nul autre qu'un fardeau, un maléfice qui gravait sur sa peau la morsure maudite d'une avarice gorgée de culpabilité.

La suite de son propos eu pour effet de subtilement rediriger l'attention du plus flegmatique au détour d'une invitation inespérée. Ada tiqua et tourna la tête pour enfin le gratifier d'une œillade son camarade, bien que vite distraite par l'habilité avec laquelle il faisait fièrement tournoyer le stylo entre ses doigts.

─ Mmh, fit-il d'abord tandis que sa concentration se focalisait sur l'exercice périlleux du stylo. Non, c'est vrai je ne suis jamais venu.

Pas qu'il n'y soit jamais vraiment passé, en réalité. Lors d'errances crépusculaires imprévues, il lui était arrivé d'échouer non loin du hameau des jardiniers en herbe. Au travers des vitres d'où l'on observait un océan de verdure à profusion, le taciturne adolescent cherchait vainement la chevelure chaleureuse et le minois familier de son ami, parfaitement conscient que même si par mégarde il savait déceler sa silhouette parmi la foule, il ne serait tout de même jamais allé à sa rencontre. Adamant subissait à son insu un paradoxal magnétisme qui parfois l'attirait inéluctablement à Loukas pour qu'au dernier instant, tout son être finisse par violemment le repousser. Cette dualité engendrait en lui une bataille intrinsèque sans fin, esseulante et éreintante. Sans doute que cette lutte n'était nulle autre que le reflet douloureux d'une peur viscérale : celle de s'intoxiquer, de s'enivrer davantage d'un amour stérile et fatalement voué à l'échec.

Cet aparté toutefois, eu pour effet d'alléger le cœur et l'humeur du garçon, car elle ôta d'une simplicité déconcertante l'idée que Loukas l'avait mis de côté au point d'en oublier jusqu'à leur rendez-vous, car il préférait à sa compagnie austère celle d'un autre individu. Son immatérielle jalousie se dissipait comme un mauvais rêve à l'aube venue dès lors qu'il réalisa qu'il n'y avait rien à envier aux plantes et de fait, pas de quoi lui faire payer un léger retard.

─ S'il n'y a que ça pour te faire plaisir… Adamant repris sur un ton de plaisanterie après s’être adoucis, se laissant retomber contre le dossier de sa chaise dans le même temps. D'accord, la prochaine fois on fera comme ça. On verra s'il y a de quoi excuser tes milliards de retards, je te prends au mot.

Sur une note plus légère, une esquisse de sourire habilla les lèvres rosies par le froid ambiant auquel il était bien plus sensible que la moyenne. Rictus d'autant plus amplifié par la manière impromptue qu'eut le stylo à subitement fendre l'air et qui fut également alimenté par l'attitude mutine de Loukas des suites de cet évènement. Quand bien même le plus jeune possédait cette envie irrépressible de le mater au moindre faux pas et d'ancrer en lui les règles de bienséances et de sérieux attendues des petites têtes blondes, Adamant ne l'aimait jamais autant que lorsqu'il arborait cette moue malicieusement enfantine empreinte de fierté du méfait accompli.

─ Ah ! Commença-t-il par pouffer pris d'une espièglerie visiblement contagieuse. Ils auraient raison d'essayer et je pense qu'au bout du compte, je les aiderais sûrement à le faire… Mais c'est bon, tu ne crains pas grand-chose va. D'autres font pire que toi.

Toujours malicieux car bêtement délivré par un sourire solaire de ces tracas passés, Adamant souleva de quelques centimètres sa chaise afin de la reculer sans bruit et de se lever. À la manière d'un félin nonchalant, le garçon s'étira de tout son long avant d'étouffer un bâillement au creux de sa main.

─ Mhmh, oui j'ai déjà commencé. J'ai mes fiches de révision de prêtes pour réviser le soir et là je m'entraine plutôt sur des exercices. Et toi je présume que tu ne les as pas bien reprises depuis la dernière fois ? Reste-là, je vais te chercher ton manuel, je le trouverais toujours plus vite que toi et ça t'évitera de te perdre dans les rayons.

Le temps qu'une moue moqueuse s'équisse sur son visage, Adamant avait déjà disparu au détour d'un rayonnage, croisant sur son chemin d'autres étudiants en quête de savoir qu'il prenait soin de sciemment ignorer. Il ne lui fallu qu'un court instant pour se retrouver d'ores et déjà face aux étagères étonnamment familières pour un simple lycéen d'ouvrages de sciences politiques. Quelques minutes de plus pour se saisir des manuels de référence correspondant à l'année d'études de Loukas et enfin quelques secondes pour réapparaître comme par enchantement dans son champ de vision, deux trois bouquins sous le bras.

─ Voilà ta livraison. D'ailleurs ça me fait penser… Adamant repris sa place tout en souplesse et en délicatesse après avoir disposé les livres sur la table. Pourquoi est-ce que tu as choisi cette spé à l'université ? Ça m'a toujours surpris ce choix, je pensais que tu irais en spé scientifique bio ou quelque chose dans l'idée.

Plus d'une fois la question avait fusé dans son esprit sans qu'il ne parvienne à trouver l'occasion de la formuler. Maintenant, il était résolu à apprendre la raison du pourquoi du comment du choix de cette carrière si éloignée des intérêts connus de Loukas.

À la mine dont la surprise dessinée était à l'évidence un tantinet factice une fois sa course accomplie, le plus jeune répondit en froissant le bout du nez et en secouant la tête de gauche à droite, balançant du même mouvement les mèches qui encadraient son visage de sombres cascades. Inconsciemment, il leva les yeux une fraction de seconde à la cime des montagnes de papier érudites avant de pouffer d'un rire dont on sentait poindre une bonne once de sarcasme. En réalité, il ignorait comment réagir aux taquineries itératives de son ami à l'air mutin dont la chevelure qui, contrairement à la sienne, paraissait se gorger des derniers rayons du soleil filtrant à travers les fenêtres et faisait miroiter l'aura du magma dans son reflet. Encore moins quand, effectivement, ce dernier avait visé juste. Adamant avait en effet en prévision de ces séances de révisions effectué quelques recherches sur le cursus du plus âgé. D'abord parce que Loukas aurait de la peine à savoir lui-même où il était supposé en être, il le savait et ensuite parce que cela l'intéressait franchement. Son appétence n'avait de limites que celles de l'horizon : un vaste panorama s'étendant à perte de vue dont on ne saurait définir le terme. Cela se valait à l'évidence dans tous les sujets académiques et en matière d'études, que ces dits sujets soient son forte ou bien au contraire des faiblesses, Adamant demeurait curieux en tout et de tout.

─ Eh bien sois flatté, il n'empêche qu'il faut bien que l'un de nous soit informé. Et comme mon petit doigt me disait que tu allais sans doute venir les mains dans les poches... J'ai préféré prendre les devants. Avec raison, pas vrai ?

L'un des sourcils du plus studieux se dressa et traça un arc implacable complimentant bien joliment la risette narquoise et le regard dardé qu'il lui adressa. Quant à la suite de l'échange, Adamant demeura interdit. Sans détour, il plongea son regard aux froides notes noisettes dans celui de son ami pour y trouver on ne sait quoi. Car à l'évidence ses lèvres, bien plus habiles qu'on ne le penserait au premier regard, mentaient avec l'allégresse de l'inconscience. Ou plutôt que mentir, omettaient et détournaient l'attention d'une manière des plus astucieuses.

Ignare à bien des égards en matière et interactions sociales et bien que son absence ait creusé un fossé difficile à traverser, Adamant, sans aucun mal, parvenait à déceler le petit jeu auquel s'adonnait son ami à la mine indolente sans pourtant parvenir à savoir s'il lui fallait sortir de ses gonds ou laisser glisser la conversation comme il l'entendait.

L'espace d'un instant, juste d'un court instant, juste assez pour se laisser embarquer dans une escapade onirique en plein jour, Adamant eu envie de tout envoyer valser. Les stylos, les livres et les feuilles gribouillées, pour que rien ne les entourent plus qu'une pluie d'encre et de papier. Que le temps s'arrête là, seulement là, pour qu'ils puissent retracer l'un comme l'autre tout ce que le destin leur avait fait manquer. Tout ce que le destin leur avait volé. Pour peut-être retrouver la confiance aveugle et complices qu'ils avaient oublié et qui, à l'aube de leurs jeunes années leur avaient permis de tout se confier.

Un ange passe sans que ne soit né le courage de la confrontation. Délogeant son regard du visage de Loukas pour le reporter sur sa copie, Adamant, accompagné d'un silence épais qui contrastait nettement avec la vivacité qu'il employait d'aventure pour répliquer, demeurait réservé et enfermé dans le mutisme. Mutisme qui, sans doute aucun, faisait les affaires de son ami qui en profitait pour embrayer avec habileté sur une pente moins périlleuse sur laquelle toutefois Adamant ne paraissait pas dans l'immédiat vouloir s'embourber.

L'occasion toute trouvée de s'en dépêtrée se présenta en la remarque de matériel manquant. Sans un mot, Adamant se pencha à son tour pour pêcher dans une poche intérieure de son sac le bien faisant défaut à son cancre d'ami. Il fallait faire fort pour oublier l'outil principal de révisions réussies, pensa Adamant en lui-même sans que cela ne transparaisse à l'extérieur. Cela, toutefois, confortait ce dernier dans l'idée que les études de Loukas étaient vraiment le cadet de ses soucis.

─ Tiens. Souffla Adamant d'un flegme saisissant sans lui adresser un regard tandis qu'il lui tendait un bic à l'encre noire, le tout. Puis, d'on sait où, s'arma du peu de courage qu'il parvint à amasser pour laisser son opinion s'exprimer. Pour être honnête, non. Je trouve que ça ne te va pas. Il saisit le coin du bas de page de son manuel pour avancer dans son exercice avant de reprendre à mesure qu'il lisait la suite de la consigne, une distraction comme une autre. Je pense que tu serais bien plus épanouis en biologie et que... Il se ravisa, par peur de trop en dire, racla le fond de sa gorge pour l’éclaircir et poursuivis. Enfin, ça n'a pas d'importance. J'espère que tu as raison et que je me trompe. Que tout est du pareil au même. Quant à moi, il rajouta promptement pour ne pas lui laisser le temps de rétorquer sur le sujet ce qui arrangerait indubitablement Loukas, j'irai dans une spécialité scientifique j'imagine. J'aimerais étudier le ciel, les étoiles et l'espace. J'aimerais découvrir des choses, mieux les comprendre. J'arriverais peut-être quelque chose à faire de ma vie et lui donnerait un tant soit peu de sens. J'ai rien à faire ici-bas alors, peut-être qu'en regardant là-haut je trouverais quelque chose.

Comme happé par son propre récit, Adamant laissa son regard d’un pâle noisette se perdre dans le ciel par-delà les fenêtres.

─ Ah ! Et ! Il attrapa le premier manuel sous sa main et le fit s’écraser sans délicatesse sur le front de Loukas. T’avises pas de dire que tu veux redoubler, abruti ! Tu crois que j’ai pas entendu ce que t’as dit ? Tu vas passer ton année et toutes celles à venir haut la main, alors mets toi au travail si tu veux pas me faire mentir !

Il s’exclama dans un murmure éclatant, comme pour ne pas terminer sur une note trop lourde et dont il serait difficile de revenir.