Observer le vide de ta place en classe, comme un présage d'orage qu'on sent venir sans voir le gris au loin. Déconcentré, inhabituel, lui si studieux pourtant, mais on avait beau avoir la tête dans les feuilles qu'on tournait encore le regard vers là où tu n'étais pas. On avait beau noircir le papier d'une graphie soignée et penchée qu'on observait encore. Lui qui ne quittait pas, d'habitude, le tableau et le professeur des yeux une seule seconde, se faisait d'un coup fuyant. Il essaye Judas, repousse ton absence loin et pourtant tu reviens toujours t'imposer à lui, coup de fouet qui cingle sa peau et brûle, Isis, depuis que tu ne parles plus.

T'as fui à l'autre bout de vous, loin, très loin, t'as dressée des barrières pour faire de ce nous quelque chose d'individuel, un nous devenu seulement toi il parait. Judas avait bien compris qu'il n'était plus le bienvenu à tes côtés. Sans comprendre pourquoi, il t'avait vu creuser le fossé et du jour au lendemain te faire fantôme. Il aimerait dire qu'il en avait été choqué, la vérité, c'est qu'il avait été profondément lassé. Un sentiment perpétuel de recommencement, on s'attache, tien la main jusqu'au jour où cette dernière glisse et court se fourrer dans celle d'un autre. C'était comme ça, il avait suffisamment essuyé les choix des autres pour ne pas soupirer face au tien. Il voudrait l'accepter, tu sais ? Respecter ta volonté. Parce que ce nous d'autrefois, on l'avait construit sur une confiance mutuelle, sur la certitude que jamais il n'irait bousculer ton monde sans que tu lui demandes Isis. Toujours veiller à respecter tes frontières, à ne pas explorer ton univers sans que tu l'y invites, il t'en avait la promesse il y a longtemps maintenant. Même si ça lui avait coûté, certains soirs, de t'accueillir en silence sans avoir la possibilité de rendre réels les fantasmes fous qui tournaient dans sa tête, il avait donné sa parole, il respectait sa parole Judas. On avait beau porter le nom d'un traite, on était fiable.

Mais toi Isis, t'as beau avoir un joli nom t'en reste pas moins plus traîtresse que la mer. Il avait été fier de pouvoir mettre le mot « amie » sur ton doux visage, il avait été fier de pouvoir te prendre la main et de se dire que, ça, c'était un nous qui n'appartenait qu'à lui, qui n'incluait pas Zephyr. Pourtant, t'as brisé ce nous, tu n'as plus enchanté ses journées de tes sourires, impossible de t'écrire, de te voir, t'as bloqué tout contact Isis. Il voudrait l'accepter, tu sais ? Seulement, il n'y arrive plus. Chaque pas sur la voie de bienveillance lui donne maintenant la nausée. Alors on profite de la fin du cours pour prendre les notes qu'il va te manquer, toc à la porte, appel. Il sait que tu es allongée dans le noir, derrière. Ce n'est pas la première fois. Frappe de nouveau, t'avais sûrement pas prévu de l'entendre dire non.

« Fais pas semblant, je sais que t’es là. »

On aimerait pouvoir te diriger par la voix des fois.

« Ouvre-moi, j’ai tes cours. A moins que t’as décidée de bloquer ta scolarité aussi. »

Acides tes mots, Isis, qui se fracassent contre la porte et brûlent, corrosifs, malgré la distance. On t'a déjà vu comme ça, toi et ta langue de vipère. Une si jolie bouche, mais un vocabulaire d'acier, des épées qui tranchent la chaire, des aiguilles qui s'enfoncent sous l'ongle et triturent les nerfs. Pour briser en mille morceaux tes ennemis, Isis, tes amis aussi parfois. Pour les faire aller au sol et les achever d'un coup de talon. On t'a observé, on aurait pu te faire la morale, mais à quoi bon ? Judas n'était pas monsieur moralité, comment le pourrait-il quand ça rêve d'anarchie parfois, quand en te voyant aussi toxique, aussi dangereuse ça frisonne, mais pas que de dégoût ? Il n'avait pas l'hypocrisie de te juger, de te mettre face à ton reflet si laid dans le miroir, toi et ton si joli visage.

Les mots, ils les prends, ferment les yeux, laisse salive passer dans la gorge. Judas ne hurle pas, tu sais ? Il ne s'énerve jamais. Prends sur lui, garde chacune des épines de la vie comme le plus précieux des présents. Il pense que c'est son devoir de tout emmagasiner, ce n'est pas lui l'impulsif dans la famille. Froid Judas, qui pourrait partir, parce qu'il comprend bien que ta langue acérée elle est tournée contre lui maintenant, comprend bien que quand tu entames un combat, il faut qu'il soit forcément à mort. On pourrait faire comme tous les autres et te laisser seule dans ta médiocrité. Ce serait sain. Ce serait bien pour lui. Pour toi. Mais voilà, Isis, on n'en a ras le cul d'être raisonnable. Tu le piétines comme vous le faites tous. Zephyr, Juno, Pryam et Lae à devoir caller son monde sur le vôtre parce que vous prenez tellement de place qu'on ne peut exister qu'en respirant à moitié. Subir vos jeux, réparer vos dégâts, quand vous dansez tous dans votre égoïsme, les pires, vous êtes tous plus pires les uns que les autres. On a gentiment baisé les mains, fait des courbettes par amour et toi… Toi Isis, douce Isis, terrible Isis, tu t'y mets aussi. Et toi, Isis, c'est juste trop. Limite de la patience enfin atteinte. Non, Isis, on ne va pas s'incliner devant toi. C'est trop facile, trop simple. On en ras-le-bol, on est épuisé, flingué d'être le dernier à pouvoir designer. C'est fini. Non. On a fini de jouer.

« Comme tu as compris que j’étais con, tu comprendras sans mal que je ne vais pas bouger d’ici jusqu’à ce qu’on parle. »

Viens tapoter la porte du bout du doigt. Un toc toc régulier, rien que pour t'épuiser, Isis. On sait que les sons te sont phobies, on en créer les plus agaçants rien que pour toi. Pour te faire sortir de tes draps gris, pour te faire ouvrir la porte, rageuse Isis, et croiser ton regard pour te dire que cette fois-ci, tu ne gagneras pas la partie.

« Pourtant tu ne viens pas me dire en personne de partir. »

Tu pourrais, ce serait si simple de se lever, d’ouvrir de lui jeter dans le regard toute la haine que tu sembles lui destiner. Ce serait si simple de tourner la poignée et de tout jeter, enfin. Pourtant tu ne fais rien, Isis, perdue dans tes draps. Lui non plus ne fait rien, Judas, debout devant la porte, les feuilles de note toujours en main. Il pourrait partir mais ne le fera pas. On n’a pas envie de te laisser gagner, de te donner ce que tu attends. Pour une fois, on veut avoir la fin qu’on veut avoir, on veut mettre le verbe vouloir au centre de sa réussite et plus seulement le verbe souhaiter. On veut. On veut. On veut tellement. On assume de vouloir, enfin. Il a laissé tellement de choses lui échapper, Judas, c’était comme essayer d’enlacer la brise et il en avait marre de brasser du vent. Il voulait s’accrocher, solide, à ta main parce que c’est celle qu’on chérit depuis longtemps déjà. Seule amie dans le néant, la seule chose qu’on ne lui avait pas encore volé, Isis. Et tu voudrais qu’il te laisse ? Qu’il renonce ? Si tu as peur d’être blessée, lui a peur de ne plus du tout exister. Une ombre elle a besoin de forte lumière pour exister.

« Très bien. Si tu veux jouer à ça. »

Continue de taper à la porte, se met à siffler le plus innocemment du monde, ça veut te sortir de tes gonds, Isis. Judas a la patience pour meilleure amie, habitué à devoir tenir la longueur pour obtenir sa reconnaissance, sa vie était un éternel marathon. On courrait après Zephyr depuis tellement d’année sans avoir perdu le souffle. Penses-tu qu’il le perdrait face à toi ? Maintenant ? Jamais. Alors il tapote Judas. Il siffle Judas. Il s’agite devant la porte pour faire tiquer chacun de tes nerfs parce qu’il veut te voir, Judas. Il veut te voir ouvrir cette porte, il veut te voir tout court. Plonger son regard dans le tien et se confronter à ta vérité. Est-ce que l’acidité était passagère ou non, Isis ?

« Je peux faire ça toute la nuit et on sait tous les deux que t’as pas la patience. »

Alors ouvre et parle lui Isis.

Coup de tonnerre contre le bois. Victoire. Sursaut face au bruit sourd, mais ne peut s’empêcher d’être satisfait. On sait qu’on a gagné la première bataille, Isis, et t’arracher une victoire -même incomplète- valait bien un léger sourire. Ta voix à travers la porte, qui menace, insulte, tu cherches à cracher ta frustration et c’est un processus qu’on ne comprend que trop bien. Tant de fois, tu sais, Judas l’a lui aussi fait. En silence. Sur le terrain de sport. On hurlait, comme toi, mais avec notre propre langage. Et il sait, Judas, à quel point il peut être dur de te sortir de tes draps quand ça ronge de l’intérieur, quand tu vrilles au point de ne plus sortir, de baigner dans le noir le jour car la lumière t’agace plus que tout. Il sait, Judas, on n’accueillait pas ta détresse en pleine nuit pour rien. Il sait aussi que tu aurais pu user d’armes ô combien plus redoutables que tes insultes pour le faire partir, Isis. Pourtant tu es là, sortie du lit, prête à ouvrir. Et ton vocabulaire avait beau fleurir de milliard d’épines, on sait qu’on a gagné cette première manche.

« Si tu ouvres, promis. Tu pourras me casser la gueule autant que tu veux si je ne suis pas vite parti. »

Ce qu’il ne t’a pas dit, c’est que la douleur ne fait pas grand bruit chez lui. Des années qu’on danse avec, qu’on la grave dans la chaire pour soulager les autres. Une habitude aussi vieille que le monde, prise depuis le commencement. Il avait appris à valser avec ses nerfs, petits pas de rat d’opéra, précis, rapides. Tu pourrais le griffer jusqu’au sang qu’il tiendrait bon, Judas. Mais ça tu le sais déjà. Cette promesse presque sans conséquence pour lui, tu en as sûrement conscience et pourtant il entend la poignée qui se tourne, la porte qui se tire légèrement. Et il n’attend pas plus longtemps, Judas. Profite de la brèche pour s’engouffrer, pousser la porte pour entrer tout entier, 1m90 qu’on n’arrête pas si facilement, Isis. Claque la porte derrière lui d’un geste du poignet, passe une main dans tes cheveux, enserres ton corps contre le sien. On se prépare d’avance à recevoir les fureurs de tes contre-attaques.

Mais toi contre lui, à te bercer doucement comme une petite fille, il a l’espoir que ce ne soit pas si violent cette fois. On essaye de te ramener au temps de l’enfance où on avait promis qu’il ne t’arriverait jamais rien. Parce qu’on était ami, n’est-ce pas ?

« Essaye de te soustraire à ça si tu peux. Je ne bouge pas tant que tu ne m’as pas expliqué pourquoi tu fais ça. »

Raide Isis, il le sent au creux de ses bras. Corps statique, froid. On a beau t’inonder de chaleur que rien ne fond en toi. Muscles de pierre, Isis, on aurait pu croire que tu en étais devenu un bloc l’espace d’un instant. Et ça l’inquiète, Judas, te berce un peu plus fort, mais ça n’y change rien. Il avait anticipé des hurlements, pas ton silence. Il avait anticipé tes coups, pas ta passivité. Cadavre raidit qu’on essaye de maintenir en vie. Angoisse sourde qui monte à mesure qu’on constate que tu ne bouges pas, Isis. Cette douleur en toi si forte qu’elle paralyse. Il tuerait pour pouvoir te l’enlever, Judas. Malheureusement, il ne peut pas. Il ne pourra jamais. Et si tu savais comment cette impuissance le tue, Isis, alors peut-être que tu commencerais à être satisfaite.

Ricanement gelé qui le fait frissonner, l’impression d’avoir une étrangère entre les bras. Un monstre qui porte ton visage. On cherche dans ton regard qui glace le sang un peu de toi. Du pétillement passé, comme ce soir-là. On cherche tes étoiles mais on ne voit plus que le néant. Le néant et ça. Cette étincelle qui meurtrit, fait hérisser ses poils. Ce feu de folie qui gronde là, derrière le noir. Cette lueur désespoir qui veut dire qu’on va faire mal, qu’on va briser et piétiner ce qui s’est construit là, tous ces soirs à te caresser le dos pour t’encourager à retrouver le sommeil, toutes ces fois où l’on s’est promis d’être là en respectant ton espace, même si ton souffle contre sa nuque faisait tordre le corps de l’adolescent maladroit qu’il était. Déglutis d’avance, Judas, et quand les premiers mots tombent, la guillotine aussi. Coupe d’un coup nette les illusions. Et face à ton regard on voit une démente. Tu n’es plus jolie du tout, Isis. T’es dégoûtante.

Il aurait préféré les coups, Judas. Il aurait préféré s’écrouler sous la force de tes poings que faire face à ça. Ton regard, l’acidité de ta voix, tes mots, qui lacèrent la chaire, déchiquette son esprit, ça broie le cœur qu’on ne sait plus quoi faire, Isis. Hypnotisé par ton venin l’espace de quelques instants on est aussi statique que toi. Immobile alors que ça résonne, fait craquer les os, torture au plus profond de lui-même. Ça brûle dans la gorge, ça fait tambouriner le cœur, des milliards d’aiguilles plantées à chaque battement. Et tu rigoles. Et il frisonne. On te voit déjà courir au loin, petite silhouette qui disparaît dans les cendres de ce qu’elle vient de brûler. T’as aucune idée. Incapable de parler, Judas, parce que ça s’étrangle trop de l’intérieur, ça suffoque. Pas toi, Isis. Pas toi. Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu tortures avec autant de hargne ? T’es si monstrueuse en cet instant. Tu fais si peur. Tu fais trembler tout et pas dans le bon sens. Tu l’assassines et le pire reste à venir.

C’est ton sourire qui fait tout vriller. On l’a vu des centaines de fois ce sourire-là.
On se rend enfin compte que c’est bien toi.
Dans le pire du pire.
Au summum de ton art lubrique et malsain.
Frisonne de dégoût, d’excitation aussi malsaine que la tienne aussi. T’as aucune putain d’idée, Isis. On avait rêvé de tes lèvres d’une fois. Désirer en silence tes courbes. Première fille dans son lit, quatorze piges, un événement. Pourtant, on avait respecté les accords tacites passés la première fois. De la douceur, mais pas de la bestialité. De la passion, mais pas de brûlure pour te marquer. Sage Judas qui avait toujours veillé. Fait passer les désirs élémentaires de l’homme en devenir pour protéger la petite fille, parce qu’on était encore des mômes à l’époque et que ça n’avait pas changé depuis. Et toi, tu susurres, traîtresse, des choses qui ébranlent ses fondements, Judas.

Et tout vrille. Et on ne sait pas si c’est de colère contre lui ou colère contre toi. On ne sait pas si c’est de peur de rompre les promesses ou par volonté de te ramener de là où tu t’étais enfermée. Mais pour la première fois, tu le fais hurler.

« ÇA SUFFIT. »

Saisit tes épaules pour te repousser plus violemment qui le n’aurait voulu. Mais à bout de souffle, Judas, cœur au bord des lèvres tellement ça tourne à en faire mal. Ça brûle sous ses paumes d’être en contact avec ta peau.

« ARRETE ÇA PUTAIN ARRETE ÇA ! »

Envie de vomir Judas.

« Tu me donne envie de dégueuler tellement t’es immonde quand tu t’y mets ! Arrête ça putain, ça a aucun intérêt merde ! Tu gagnes quoi ? Tu déchires tout puis t’es toute seule comme une conne ? C’est ça ton plan ? Putain de merde Isis, tu peux jouer les allumeuses, branler n’importe quel mec pour le faire fuir j’en ai putain de rien à foutre mais tu me fais pas ça à moi ! C’est pas toi qui décide ok ? T’as pas le droit de décider pour moi, merde j’suis pas ton chien ! »

Pas toi, Isis.
Pas toi.

« Je reste alors vas-y essaye. Essaye de me toucher pour voir, essaye de te faire du mal pour que je me casse et je te jure que ça va devenir sale. »

La nausée tellement il est pas bien, Judas. Lâche tes épaules. On n’avait jamais autant crié. Découvre que la colère on peut l’exprimer. Te toise furieusement alors que ça lâche tes épaules.

« Tu veux jouer au plus con, pas de soucis. Devines quoi tu me fous tellement en rogne que t’as déjà perdue. »

C’était si peu habituel qu’il avait cru que ça ne venait pas de lui la première fois. Pourtant, Isis, on ne te cachera pas qu’on en a eu envie plus d’une fois. D’hurler. De retourner les tables. Laisser la colère, la seule, l’unique, s’exprimer enfin. Parce qu’au final, il était plus douloureux de tout contenir en dedans, de laisser l’émotion vive lacérer le ventre, brûler de l’intérieur le cœur. On s’était tendu à se faire des crampes tant on s’était retenu. On avait mordu au sang ses lèvres pour s’éviter de dire les mots de trop, ceux qui résonnent à s’en fracasser le crâne contre un mur, ceux qu’on craint tellement qu’on préfère s’exploser la gueule que de le voir sortir un jour. Oh oui, Isis, on avait tellement eu l’envie d’hurler. Mais on ne l’a jamais fait, sais-tu pourquoi ? Parce que ce n’était pas bien, parce que ce n’était pas notre rôle. Judas on lui a dit « quel petit garçon calme ! », « quel enfant sage ! ». Et ça faisait tellement sourire les parents, ça faisait tellement plaisir aux grands qu’on avait poursuit. Petit ça avait cousu sa bouche au fil de fer, censuré ses moindres accès de hargne et de jalousie. Parce qu’il fallait continuer d’être sage, parce qu’il fallait cesser d’être laid. Alors on avait contenu, encore et encore, et c’était peut-être assez peu impressionnant, au final, de voir que c’était face à toi qu’on perdait pour la première fois son calme. Toi, Fidèle, y avait vraiment que vous pour faire partir la machinerie en couille.

Repoussé ton corps loin de lui, un frisson de dégoût envers soi-même, une profonde culpabilité de ne plus supporter t’avoir dans ses bras. Furieux que, toi aussi, tu ne lui laisses pas le choix. Furieux que, toi aussi, tu ne laisses pas prendre la place qu’il souhaite auprès de toi. Tous pareil, à parler de rejet, de tracer son chemin quand on veut tracer le sien mais seulement si ça implique de marcher dans vos pas. Était-ce si difficile à comprendre et appréhender, cette douce et malsaine aspiration contraire ? Cette envie inverse ? Vouloir être avec vous, tout en étant seul. Vouloir être un je ainsi qu’un nous. Peut-être que ce n’était pas sain, peut-être que c’était lui le problème dans le fond. Qui sait ? Judas n’en sait rien, lui. Il ne veut pas savoir. Pour le moment on est juste furieux contre toi, Isis.

Ta voix tremble, t’essayes de mordre une dernière fois mais ta mâchoire a perdue de sa puissance. Le regard qui dérive sur ton visage, l’envie de te répondre qu’on pourrait bien devenir violent si ça pouvait t’arrêter de malmener le cœur des gens. Mais on ne le dit pas. Parce qu’on sait qu’on ne le fera pas. Dans le fond, Judas le sait bien : même ignoble et laide il continuera de te trouver belle. Tu pourrais le poignarder à mort qu’il t’aimerait encore, Judas. Parce qu’on s’est promis d’être toujours là, d’être amis, n’est-ce pas ?

Alors ça te regarde baisser la armes, princesse frustrée qui retourne se cacher dans ses draps. Soupir, Judas, alors qu’il tire ta chaise de bureau et s’y assoit.

« Je fais ce que je veux, ouais. »

Campe, plus par égo mal placé et esprit de contradiction que pour le reste. L’envie de te montrer que ce soir on gagne, qu’on est plus con, plus stupide, plus risible que toi. Isis tu te piques aux ronces, nous on s’y enfonce. Faire sienne tes épines. Plonger pour peut-être ne jamais remonter. Prendre le risque de te donner l’opportunité de détruire l’homme qu’on est devenu. Prendre le risque de laisser ton poison putréfié le peu qu’on a avec les autres. Ça s’entrechoquera sûrement quand il y aura les lèvres d’Oxana, l’affection de Juno. Mais on reste quand même. Voilà quel genre de con on est.