C’était toujours à cause de cette inconscience. Ce court instant où il lui arrivait d’oublier parce qu’elle s’amusait terriblement. Une joie enfantine qui s’exprimait malgré elle, mais qui n’amenait que nombreuses problématiques par moment. Mais le problème, ce n’était pas vraiment Heather, ni son manque d’attention certaines fois. Ce n’était pas non plus son jeune âge et cette difficulté grotesque à contrôler un Alice bien trop puissant pour ce petit bout de bonheur. Car les accidents arrivaient toujours, encore plus dans ce genre d’établissement. Non, le problème était plutôt les réactions. Certains qui se considéraient bien plus au-dessus que d’autre, entraînant ainsi une effervescence d’injustice aux yeux des plus complexes.

Alors, il y avait eu cette chute. Ce plateau d’une collégienne qui avait basculé. Plus exactement, qui s’était échappé à l’encontre de ses désirs. Son corps entier qu’elle n’avait plus contrôlé, ça n’avait pour ainsi dire durée qu’une dizaine de secondes, que l’ensemble de ses muscles s’était crispé tandis qu’elle avait continué d’avancer, comme guidée par un esprit trompeur. La vérité ne lui avait pas échappé, à elle et son groupe de copine. Car souvent, parfois. Non pas fréquemment, mais bien assez pour se rendre compte de quoi il s’agissait. Ou plutôt, de qui. Non loin Heather tapotant son stylo sur son cahier. Révisait paisiblement durant sa pause déjeuner. Et une fois encore. Tout partait d’un insignifiant son mal perçu.  

Et bien souvent, c’est incompréhensible. On finit par être bloquée à la sortie des toilettes tandis qu’on avait simplement envie de retourner en cours après cette petite pause grandement mérité. Un geste qui n’a pas été apprécié, l’injustice et comme une naissance d’haine quelconque. Pourquoi donc une primaire pouvait-elle être triple alors que son alice jouait parfois des tours d’inconscience ? Tandis qu’elles, elles étaient là, belle et parfaite avec leur rang simple ou parfois double pour les plus chanceuses. Mais peut-être bien, que si elles n’avaient pas cette mauvaise habitude, cet esprit mauvais, elles auraient plus de chance de progresser aux yeux de l’administration.

Tout se déroule alors très vite, trop vite pour la petite Heather qui n’avait qu’à se laver les mains. Elles étaient là, six collégiennes devant elle. L’une lui avait volé son sac, feintant chercher quelque chose, mais en vérité, éjectait l’ensemble des affaires de la primaire. Alors, il y avait eu l’incompréhension, mais cette fois-ci, de la part d’Heather.

« Mais qu’est-ce que tu fais ? »

L’arcade sourcilière qui s’était élevée, comme si la question était des plus ridicule.

« Ça me paraît assez évident, non ? »

De légers rires que l’on tentait ridiculement de masquer. Heather qui était acculée contre le mur, incapable de sortir – quand bien même, il serait ridicule de tenter de forcer le passage. Et la fête avait continué, dégradant d’instant en instant les lieux pourtant propre d’origine. Deux des demoiselles qui avaient récupéré les livres et cahiers d’Heather, vidant totalement sa trousse sur le carrelage des toilettes. Feuilletant chacune des pages et en arrachant quelques-unes, dès que cela semblait « non intéressant » à leurs yeux. Chacune d’entre elles, tour à tour, tentait de provoquer la primaire, lui susurrant qu’elle n’avait qu’à utiliser son alice après tout, pour partir comme si de rien était.

Mais elle savait. Aussi bien que son Alice, parfois, se déclenchait bien malgré elle. Que ce genre d’accident, tant qu’ils étaient minimes n’était pas très problématique. Mais, utiliser de manière consciente son pouvoir sur un autre élève n’était pas vraiment, autorisé. Et de toute manière, quand bien même Heather souhaitait s’effacer de cet instant, elle n’aimait vraiment pas l’utiliser -puisse encore, qu’il se serait activé dès que le son aurait été émis. Et tout se poursuivit, sans sévices physique bien heureusement. Heather avait pour ainsi dire, perdu l’intégralité de ses notes et une grande partie de ses livres de cours et personnels. Son uniforme était recouvert de papier toilette, notamment pour l’enrouler, cachant ainsi les trois-étoiles qui ornait sa chemise.

L’enfant tentait de retourner ses larmes, de multiples reniflements pour empêcher la moindre chose de s’échapper de ses pores. Elle était grande maintenant, alors Heather n’avait plus le droit de pleurer pour ce genre de chose. D’autant plus, qu’elle avait compris au fil du temps que le genre de personnage se sentait toujours triomphante à l’approche des larmes.

Et la porte fini par s’ouvrir, laissant place à une septième fille dans la pièce qui commençait à être ridiculement petite. La première, celle qui avait récupéré son sac, celle qui avait fait tomber son plateau et qui n’avait pas pu manger ce midi, se retourna. Bombant la poitrine à l’approche de cette brunette pourtant plus grande qu’elle.

« T’as pas vue la panneau de nettoyage devant ?

Sa tête s’était inclinée sur le côté, après tout, quand bien même elle pouvait être plus âgée qu’elles. Elles étaient six et elle ? Seule.

« Donc tu vas gentillement tourner les talons, on a pas besoin de tes conseils. Crois moi. »

La jeune enfant restait dans son coin, près du mur. Bien trop effrayée pour faire la moindre action. Elle aurait aimé que des mots traversent de ses lèvres, mais seuls les divers reniflements existaient dans sa personne. La nouvelle arrivante, sa sauveuse, elle l’espérait, semblait avoir bien assez de répondant. Peut-être même un peu trop, la grande brune était en désavantage numérique, et en tant normal, retourner sur ses pas aurait été une réaction normale.

Celle qui avait été victime de l’alice de la primaire, tenait toujours physiquement tête à la nouvelle arrivante. Elle n’était pas du genre à perdre son calme pour ce genre de chose, et encore moins fuir face à une unique personnalité. Alors elle restait là, le dos bien droit tandis qu’une de ses mains, légèrement recourbées sur elle-même s’était élevée jusqu’à son propre faciès. Un faible rire, à peine audible, qui avait prit forme.

« Allons bon, t’as seule capacité et de t’attaquer à mon physique ? Tu t’imagines quoi ? Cette fois-ci, son rire était bien plus réel. Coupant sa phrase d’un éclat de rire. Qu’on a peur de ta poitrine ? »

Bien que le nombre y était, entre ces murs, il était bien difficile de juger un adversaire. Sans doute que la cheffe avait prit confiance en regardant l’uniforme de la brunette, orné d’absolument… rien. Pourtant, dans le fond, un peu plus près d’Heather, la collégienne qui tenait son sac s’approcha de sa compère pour lui susurrer quelques mots à l’oreille. Une courte conversation qui réussit à faire tressaillir la réceptrice. À croire que la nouvelle n’était pas spécialement bonne, au point même que le livre qu’elle détenait s’échappa de sa prise.

Un troisième se retourna, le regard glacial, mais qui se voulait tout autant interrogateur. Tandis que la cinquième s’avança, rejoignant son ami. Une confiance aveuglante qui émanait d’elle au point d’être, à son tour, provocante.

« Comme on te l’a déjà dit, c’est surtout toi qui vas dégager. »

Heather avait tendu l’oreille, espérant entendre la discussion qu’il y avait entre les deux collégiens qui se trouvaient à ses côtés. Sans grand succès cependant, la jeune primaire dont le cerveau n’avait comme seul désir de courir se mettre en boule dans sa couette pour retrouver ses peluches. Et c’est de là, que sans même s’en rendre compte son corps avait glissé le long du mur, Heather avait alors totalement disparu, à sa place n’était qu’une boule qui se recroquevillait sur elle-même. Michel, toujours le regard posé sur ses deux camarades remarqua ce geste et s’apprêtait à lui demander de se relever lorsqu’elle se rendit compte, aux regards effrayés de Bob et JP, que le problème était ailleurs.

Un léger cri de souffrance l’avait fait sursauté, replongeant son regard au côté de la nouvelle arrivante. La cheffe et Georgette, les cheveux tirés ne touchaient même plus le sol. Toutes deux t’entant d’en un premier temps de toucher le sol avec la pointe de leur pied, sans le moindre succès. Alors, très rapidement la cheffe -toujours en braillant-, s’arma de courage pour lui donner des coups de pied à multiples reprises. Quant à Georgette, ses mains s’étaient refermés sur celle qui lui tirait ses cheveux, essayant d’amortir la douleur sans même esquisser un mouvement inutile. Du moins, c’était ce que l’on pouvait s’imaginer.

En vérité, juste derrière la brunette qui dominait la scène, une seconde Georgette avait fait son apparition et fonça dans l’étudiante. Peut-être que son plan était de la déstabiliser, qu’elle lâche prise afin que le groupe de collégienne puisse se mettre en position.

« C’est vraiment elle ! »

Lâcha JP, qui avait auparavant fait tomber le livre de la primaire. La peur qui s’était fait ressentir plutôt avait réussi à prendre le dessus et ses mains s’étaient élevées pour bloquer sa bouche. Consciente qu’elle avait peut-être mieux fait de se taire. À côté, Bob semblait se positionner en défense, le bras qui tenait le sac d’Heather était en hauteur, près à être balancé.

Quant à Michel. Elle semblait toujours autant perdue, son regard naviguant entre l’étudiante et ses deux camarades au fond.

Malgré la vision bloquée de sa longue chevelure dorée, Heather tente d’observer la scène. La tête qui monte un peu, les yeux qui ne sont que de vulgaire billes au-dessus de ses genoux. Mais un sursaut immédiat, indélicat. Son cerveau qui réagit guidant son corps, ses bras qui viennent serrer un peu plus ses genoux repliés.

« Putain mais c’est qui ?! »

Brailla Michel à l’égard de ses deux compères qui commençaient un peu trop à ne faire qu’un avec le mur. Bob avait lâché le sac, le regard paniquait qui glissait entre la brunette et la cabine cassée.

« C’est Pressman, j’en suis certaine. »

Et les mots tombent, comme s'il s’agissait d’une réelle bombe. Heather ne connaissait pas ce nom, mais l’effroi qui l’entourait soudainement lui fit comprendre, même dans son aveuglement de l’instant, qu’elle n’était pas le genre de personne avec qui on aimait se battre. Et ses yeux s’écarquillent, Michel qui comprend parce qu’elle se souvient de ce nom. Plusieurs fois, elle en avait entendu parlé pour des histoires de casses. Voir parfois même, d’hôpital.

Comme des susurres entre les trois. De toute évidence, aucune d’elles ne souhaitait avoir des problèmes avec Pressman. Alors, lorsque leurs deux camarades furent projetées contre les portes des cabines, il y avait eu un sursaut commun. Celui entre les trois assaillantes encore debout, mais aussi avec Heather recroquevillée.

« Eh ! »

Le courage incertain, la voix tremblante alors qu’il ne s’agissait que d’une simple syllabe. Michel toujours dans sa neutralité avait opté pour récupérer l’attention de la brunette. Quand bien même elles souhaiteraient mettre une fin à cette histoire de façon à ce qu’elles puissent en sortir triomphante, les rumeurs qui englobaient l’existence de Pressman était tellement dures qu’aucune des trois n’avaient envie de tenter le coup.


« Écoute désolée, elle a utilisé son Alice sur l’une des notres alors-. »

Au sol, cheffe et Georgette grognaient de douleur. Elles ne l’avoueraient pas, mais l’envie de s’enfuir était bien présente. Bien que leur ego leur hurlait de se lever, leur corps tout entier leur disait de disparaître le plus vite possible.

« Mais on ne veut pas de problème. »

Bien qu’il était sans doute trop tard pour cela. Mais Michel était sérieuse compte tenu de l’état de peur qui englobait ses deux camarades du fond.

Le temps lui paraître être une éternité et pourtant, tout s’enchaîne avec une si grande rapidité. Mais seule, dans son coin, la petite n’en a pas vraiment conscience. Elle tente juste, espère se faire oublier et que plus jamais elle se retrouvera acculée comme aujourd’hui dans les toilettes du réfectoire. Alors, elle en vient à penser, qu’au fond, son Alice n’est peut-être pas pour elle. Qu’elle ne comprend pas pourquoi papa et maman le lui on donner alors qu’elle n’arrête pas de faire des bêtises d’inconscience tout au long de son existence. Parce que quand bien même elle essaye encore et toujours, elle n’y arrive jamais. Comme s'il décidait de s’échapper, armé de sa propre moralité.

Et c’est qu’elle entend, non loin d’elle du bout des oreilles les talons qui claquent. Les pas qui s’éloignent légèrement, des grognements pour certaines. Le silence pourtant qui existe dans les mots, malgré le brouhaha de ce départ abrupt. Pour au final, exister dans son intégralité. Alors lorsque toute cette brise, d’un soufflement et d’un soupir, s’en suivit de cette voix qui s’élève, affirmant que le danger avait été écartée.

Heather reste là, en boule comme si elle n’en était pas certaine. Un court instant d’hésitation pour que sa tête finisse par se lever très légèrement, par étapes. Comme si la jeune enfant avait besoin de vérifier bout à bout pour ne pas être trop brusquée par les événements qui venaient de se produire. Après tout, seul son ouït l’avait guidé dans le suivi de cette altercation.

« J… Je-. »

La voix qui se coupe, qui tente, mais qui rate. Un reniflement bruyant, bien plus qu’auparavant. Parce que tous ces sentiments avaient besoin de s’échapper. Malgré l’envie de pleurer, elle renifle de plus bel, encore plus bruyamment pour se remettre, finalement, de ses émotions.

« Merci beaucoup je. Oui, ça va. »

Le regard mouillé, qui observe les toilettes de droite à gauche. De toute évidence, elle n’y comprenait pas grand-chose. Si ce n’était que ses notes étaient toujours dans un bien triste état.

« Grâce à toi. »

Rempli de sincérité. Car elle ignorait combien de temps, elle aurait pu rester là, autrement.

Alors elle observe attentivement le visage de sa sauveuse, une bien plus grande à la longue chevelure auburn. C’était bien la première fois qu’elle croisait son regard et plus encore, son chemin. Pourtant, aussi, vite, s’était-elle approchée qu’elle était revenue en arrière. Une minute, un bruit de pas mouillé. L’observation à ce moment-là, que de l’eau ruisselle dans les toilettes. Certaines de ses pages déchirées, tentaient d’absorber l’eau comme si leur vie en dépendait. Et la plus grand fini par revenir, les mains tenant du papier toilette qu’elle vient tendre à la jeune primaire.

« Mici. »

C’est timidement que la jeune enfant récupère le papier toilette qu’on lui tendait gentillement. Pour finalement s’y moucher plusieurs fois, en faisant inconsciemment attention que les sons ne s’enchaînent pas, pour ne pas créer de mélodie quelconque. Puis de sa manche, qu’elle passa sur ses yeux pour sécher l’essence d’humidité qui y prenait forme.

« He… Heather, c’est Heather. »

Il n’y avait même pas eu le patronyme habituel, encore moins la fierté d’avoir attrapé la dizaine depuis quelque temps maintenant. Elle était presque molle, Heather, et ce n’était pas vraiment dans ses habitudes. Elle qui était si joviale lors de toute première rencontre. Et elle finie par glisser légèrement en avant, donnant l’impression que son corps la faisait plonger. Mais tout était souhaité, le besoin de s’accrocher à quelques choses. Heather qui, depuis toujours avait besoin de ce côté humain, de ce côté tactile. Alors elle s’agrippe à Alexis. Un câlin maladroit, parce qu’elle en avait besoin. De cette chaleur humaine. Ses petites mains qui viennent serrer très fort le haut de l’étudiante.

C’est le compliment qui vient sur son prénom, celui qui fait naître un début de sourire. Heather en était très fière de son prénom, parce que c’était papa qui l’avait choisi. Alors, savoir que quelqu’un d’autre le trouvait très joli arrivait à la combler de joie, quand bien même les événements passés.

« C’est papa qui l’a choisi. »

Qu’elle se sent obligé de révéler. Son papa qui n’était plus là depuis toujours, mais qui viendrait la chercher bientôt, un jour. Peut-être lorsqu’elle aurait fini l’école, mais elle savait que ce jour arriverait avant même qu’elle ne s’en rendre vraiment compte ! Et sa tête vacille de haut en bas, entre les bras d’Alexis, comme pour acquiescer. Après tout, ça avait toujours une fin lorsque ça se produisait. Lorsqu’on venait l’embêter pour diverses raisons. Parfois, des inconnus pour lesquels elle avait été inconsciemment déplaisante. Parfois, des camarades de classe qu’on ne nomme jamais lorsqu’on questionne. Parce que Chandra par exemple, on s’imagine bien qu’il existe des raisons derrière ses gestes. Bien que jamais, on arrive à y mettre les mots.

Et les mots se taisent, et son corps se calme, apaisé par la chaleur de la plus grande. Une respiration qui revient bien plus a la normale, parce que oui. C’est fini. Et sans doute que l’effroi qu’avait ressentit, les collégiennes, mettaient un point à de potentielles représailles. Après tout, dans cette académie, on ne sait jamais quel genre de personne peut vous venir à la rescousse -ou plus encore, qui peut être responsable de vos maux.

Alors que l’égard se creuse sans que tu n’en aies immédiatement conscience. Le regard dont le reste est mouillé, d’un coup de manche tout fini par disparaître. Parce que c’est une main qui vient s’afficher, face à ses yeux séchés. Une main qui se tend vers elle, pour laquelle Heather ne réfléchit même pas. L’attrape pour se relever, mais sans pour autant s’en séparer lorsqu’elle est de nouveau sur pied.

« Oui. »

Murmurer tout bas lorsqu’elle observe enfin plus en détail les toilettes. Comprends pourquoi l’eau commençait à couler, pourquoi ce psssht semblait être infini. Alors, elle se rend compte. Non pas que ses affaires sont pour la plus part hors d’usage, mais bien qu’autour d’elle, c’est un genre de désastre.

« Tu vas être punie ? »

Par sa faute. Qu’elle été prête à offrir une étoile si ça pouvait lui empêcher de se faire gronder. Parce que depuis toujours, on lui apprend qu’il faut être responsable. Car Heather comprend que si elle n’avait pas été là, rien aurait été cassé. Rien n’aurait été mouillé et seul ses affaires auraient été accidenté aujourd’hui.

« Je ne veux pas que tu aies des problèmes à cause de moi. »

Car autrement, ça en ferait tout de même deux aujourd’hui. Et sur ses mots, c'est bien sa main qui vient se crisper bien plus encore au creux de la sienne.