« Qui es-tu ? »
« Je suis un démon venu des enfers pour te tourmenter. Et toi ? »
« Je suis Rouge. »
« […] Au risque de te décevoir, je te dirais plutôt rose pâle. »
« Rouge, c'est mon prénom, et je serai bientôt une super-héroïne, alors je n'ai pas peur des démons. »
« Ton prénom ? Tes parents ne t'aimaient pas ? »
« C'est méchant ça. »
« Les démons ne sont pas fait pour être gentil. »
« C'est quoi ton prénom à toi alors ? »
« Je n'en ai pas. »
« Alors je vais t'appeler... Noir. »
« T'es débile ? »
« Tu as des habits noirs, des oreilles noires, un masque noir, donc tu es Noir. »
« Tes parents ont eu la même réflexion lorsque tu es née ? Elle est pleine de sang, elle est Rouge. »
« Tu n'es pas un bon ami imaginaire. Va t-en. »
« Hoho. Non. Je vais rester juste pour t'embêter. Les démons embêtent les gens après tout. »
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Je vais vous raconter une histoire.
Il était une fois, car toutes les bonnes histoires commencent ainsi, une petite fille. Une petite fille qui, sûrement, avait dû naître couverte de sang, car ses parents décidèrent de la nommer de par cette couleur : Rouge. Les faits nous raconte qu'ils l'avaient en réalité nommée comme ça car le rouge était la couleur préférée de sa mère devenue aveugle durant la grossesse.
Mais la version du nouveau né couvert de sang étant plus family-friendly, nous garderons cette version.
Un beau jour, cette jeune petite eu un premier ami imaginaire. Elle l'avait astucieusement appelé Bleu puisqu'il était bleu. Pour un esprit de l'eau, rien de plus linéaire. Bleu n'était pas resté très longtemps son ami, il craignait le tempérament très volcanique de la jeune fille. Pour un esprit de l'eau toujours, rien de plus linéaire. Alors il s'en alla, au plus grand dam de la petite.
Elle n'avait que six ans et avait déjà connu sa première peine de cœur.
Pas le cœur brisé bien sûr, mais papa travaillant beaucoup et maman n'était plus tout à fait apte à être maman, la jeune fille se sentait toute seule. Bleu avait été son premier ami. La première personne a rester à ses côtés. Bleu ne parlait pas, ne s'intéressait pas et ne la suivait pas partout. Mais c'était son ami à elle, et à personne d'autre.
Malheureusement, Bleu continua sa route et Rouge rongea sa tristesse.
Sa tristesse, heureusement, ne s'éternisa pas. Elle fit rapidement la connaissance de Blanc, une ancienne habitante de leur maison qui, en plus d'être vêtue d'une robe blanche, avait apparemment un attrait particulier pour le lait. Son prénom fut donc rapidement trouvé.
Blanc malgré tout ne resta pas bien longtemps à ses côtés. S'étant emparée momentanément du corps de l'enfant, elle avait pu goûter à nouveau des joies de la vie, et son esprit apaisé s'en alla rejoindre les siens.
Happy End pour Blanc.
Deuxième peine de cœur pour Rouge.
Ce qu'on ne savait pas pourtant, c'est que cette expérience avait aussi brisé son corps et puisé dans ses ressources vitales, mais ça, ça viendra plus tard.
Ce sont sur ces bonnes paroles que votre serviteur vient faire ses premiers pas dans la vie de la petite. Elle souffle ses huit bougies peu de temps auparavant lorsqu'elle fait appel à lui. Et, contrairement à ces deux précédents compagnons qui n'étaient pas resté bien longtemps dans sa vie, elle avait cette fois à ces côtés un esprit un brin plus insistant -et autrement plus sexy.
Bien sûr, son géniteur put alors remarquer que son ami imaginaire n'était pas qu'un simple ami imaginaire. Il y avait quelque chose de plus, quelque chose d'au dessus. Il n'en fallut pas bien plus pour que l'Académie arrive à son tour dans sa vie.
Ce qu'un être humain ne ferait pas pour de l'argent.
Ou bien pour se débarrasser de la chose qui a rendu malade l'amour de votre vie. On ne saurait dire. Mais cette histoire étant toujours family-friendly, nous garderons l'hypothèse de l'appel de l'argent.
La jeune fille fit alors ces débuts dans la cour des Alices. «
Tout est de ta faute », «
Je te déteste. », «
Si tu n'étais jamais venu, je serai encore avec papa et maman. ». Tous ces reproches qu'elle adressait à son ami Noir se firent, avec le temps, toujours plus véhéments et toujours plus agressifs. Les enfants apprennent tellement de mots grossiers à cet âge.
On peut se le dire : elle le détestait cordialement.
Lui, qu'elle seule semblait voir.
Lui, à cause de qui elle avait été séparé de sa famille.
Lui, avec son costume de chat bizarre.
Lui, et ses horribles cheveux blonds décolorés -gageons qu'il s'agit d'un blond tout à fait naturel.
Lui, toujours entrain de l'embêter.
Lui, toujours là, peu importe qu'elle le rejette, qu'elle l'insulte, qu'elle lui balance des choses au visage.
Lui, forcé d'écouter ses problèmes, de prendre sa défense lorsqu'elle était en mauvaise posture, de la consoler dans ses moments de tristesse, de la rassurer durant ses cauchemars, de se réjouir de ses joies et ses réussites.
Lui qui l'avait vu grandir, évoluer, s'étoffer, maturer, prendre confiance en elle.
Lui qui était le pire ami qu'elle aurait pu vouloir.
Lui qui ne voulait partir.
A quatorze ans, la petite fille qui n'est plus tant une petite fille que ça subit virement total de sa personnalité. Un trois-cent soixante no scope de la personnalité, si nous pouvons nous permettre. C'est à cette époque qu'elle comprend qu'elle n'a plus le temps de se morfondre.
Le petit papillon sort alors de sa chrysalide, et la sage petite se mue en une adolescente un peu sale gosse, mais qui fait de son mieux malgré tout. Les cours et les études ne la passionne plus, car elle a un rêve et un but, et ce n'est pas derrière un bureau qu'elle pourra les réaliser.
Après tout, elle a des pouvoirs. De supers-pouvoirs. Qu'est ce qui pourrait alors l’empêcher de devenir célèbre, d'utiliser ce don qu'on lui avait offert à cet escient. «
Je deviendrai une héroïne. Je sauverai les gens tristes, j'emprisonnerai les méchants et quand je mourrai, tout le monde se souviendra de mon nom. »
C'est avec des larmes aux yeux qu'elle avait fait cette déclaration à Noir, l'esprit qui n'était jamais parti, car l'enfant avait comprit que tant qu'elle continuerai à utiliser son don, alors son espérance de vie ne ferait que se réduire.
Mais elle préférait ça que de devoir vivre tout en sachant qu'elle l'avait abandonné.
Alors, avançant à travers la vie à coup de poing, peu lui important qu'elle fut courte ou longue, elle continua à présenter au monde son sourire radieux et ses rêves chimériques, accompagnée de son ami en costume de chat qu'elle seule semblait voir.