tons noirs sur noirs, il n'y a que lorsque les yeux sont clos qu'on voit cette non-couleur - les autres ne parviennent pas à se faufiler à travers la persienne des cils - et c'était reposant. noir néant, c'est une nuance qu'on aime, qu'on retrouve volontiers lorsque Camélia vient lire à la fontaine et qu'on pose sa tête sur son épaule, les paupières fermées. noir agaçant - là tout de suite, Cobalt aimerait bien rouvrir les regards.

au moins à moitié - c'est ce qu'il fait. assis de coté sur le banc, devant lui tout un tas de palettes éparpillées. Camélia les tiennes sont différentes de celles qu'il utilise pour peindre et dessiner, mais tout aussi irisées. ça arrive de temps à autre quand tu t'ennuies, c'est un deal que vous faites souvent toi et lui. tu as le droit d'utiliser le visage de Cobalt comme un canevas à colorier, et puis après c'est à son tour, tu l'autorises à te dessiner. ah - encore trop tôt pour avoir les yeux ouverts - tu lui files un coup de pinceau sur le nez.

soupir, les sourcils se froncent. c'est moins pratique à maquiller maintenant, pas vrai ? mais c'est qu'il s'accorde une seconde pour râler. une main se ferme et l'autre la rejoint avant de dérouler des secondes imaginaires.ça l'exaspère le fard à paupières - tant que tu lui en mets il ne peut pas voir ce que tu dis, et c'est le pire des silences.

c'est que c'est trop précis, trop net Camélia. la minutie, Cobalt l'aime au feutre à mine calligraphie - pour ça que l'eye-liner ne lui déplaît pas tant que ça, ce serait pas une galère à rendre symétrique qu'il s'amuserait à en mettre on a regular basis. mais les couleurs c'est plein de vie. et comme la vie, c'est bordélique. tâche à la gouache et éclabousse d'aquarelle - quand il faut teinter, c'est le dessin tout entier, et surtout en dehors des lignes. souviens-toi des coloriages - Cobalt c'était le seul qui aimait quand on dépassait les traits.

et les yeux ouverts, c'est tout de suite plus simple de te déchiffrer. lire sur tes lèvres qu'on ferait mieux d'être docile. soupir rieur, aux nuances railleuses, signe des excuses et l'index et le majeur d'une main viennent mimer les souffles expirés par le nez à deux reprises. affirmer sans ciller qu'on est plaisant à regarder, ça donne envie de se faire laid - faire la grimace le visage froissé. coupe l'herbe sous le pied des compliments en jouant celui qui n'a ni entendu ni lu sur tes lèvres. avant de se trahir, tire la tronche quand tu parles de colorer les siennes.

à quoi ça sert de décorer quelque chose d'inutile, explique-lui ?

laisse-le hésiter sur le coloris, tandis qu'il boit. et une fois la bouteille d'eau refermée reposée, il désigne le moins tape-à-l'œil. rouge aux teintes rosées. celui-là. Cobalt étouffe un rire, les mains libres pour étoffer la décision. encore pire si tu lui mets des faux-cils, Camélia.

à l'entracte il en profite, pour laisser s'esquisser les sourires, faussement dépités plutôt que rassurés comme si tu avais vu clair dans la couleur de ses tableaux les plus secrets. il incline la tête, l'index vient pointer sa propre bouche et puis s'éloigne, au milieu du buste les deux mains dépliées de rejoignent avant de s'écarter comme pour mimer un livre ouvert.après ça, il épelle, m, e, l, c, h, i, o, r, signe vivement, rien que l'index et majeur levés ils s'abaissent, le poing fermé tourne un peu, pour que lorsqu'on relève de nouveau les deux doigts ils pointent vers soi - c'était comme se pointer un revolver dessus pour tirer en plein cœur.celui qui rend le rythme de sommeil chaotique comme tu dis.

et Cobalt se marre car tu dis des bêtises Camélia, évidemment que ce n'est pas pour ça qu'on ferme l'œil beaucoup trop tard soir après soir. les tranchés sombres sous les yeux, c'est un peu depuis toujours - toujours mille pensées à l'esprit, éclipsées le jour par toutes les couleurs, elles reviennent lorsqu'il fait noir.

même avec du rouge sur la bouche, on n'oserait pas dire tout haut. interrompu dans ses gestes par toi qui vient finir la toile qu'il est - on sait très bien que sans la voix ça n'aura pas la juste nuance. et le regard s'abaisse pour observer le pinceau couvert de carmin, et l'on se tait le temps que tu teintes les lèvres bien souvent closes.

la touche finale réalisée, Cobalt se redresse, se retient de passer le dos de la main là où tu as colorié - la sensation étrange, comme si elles avaient été scellée pour de bon - il pioche dans tes affaires une des palettes histoire d'en accaparer le miroir. et en voyant son reflet c'est plus fort que lui - hilare, à se regarder sous tous les angles. tient la petite glace d'une main pour vite signer de l'autre histoire que tu ne te méprennes pasdur de signer au cœur des rires, et l'index qui dévale de la tempe à l'épaule comme pour mimer des anglaises, c'est le signe pour dire belle.Camélia tu as des doigts de fée - sois-en sûre.