Tu seras sage mon enfant. Tu seras sage et deviendras reine. Point de faiblesse, point de doute, mon enfant, ta tête restera haute et de toute ta splendeur tu règneras toute puissante, femme inhumaine, délicate et forte, diplomate et féroce. Tu seras l’animal parfait, la création absolue.
Chair de ma chair, venges-moi, moi qui fut bafouée, humiliée et salie. Venges-moi, bats-toi, mon lionceau, plante tes griffes délicates dans la nuque des traîtres. Hisse-toi au sommet et arrache ce que je n’ai pu saisir. Couvres tes mains du sang de ton labeur et assassine tout ce qui faible.
Puisque mon enfant, tu es l’être suprême qui gouvernera les sots.  


Les mains s’agrippaient, les sourires jaillissaient. Toujours elle courait à sa suite, toujours, elle aimait ce frère venu de nulle part. Fils d’un père volage, frère de l’héritière qui marchait toujours à ses côtés. Théodora, elle était devenue l’ombre de Léonard . Fière, si fière de ce frère qui connaissait l’extérieur. Elle s’asseyait à ses côtés, demandait encore qu’il lui raconte comment le monde était.

« Dis-moi, dis-moi tout Leo, dis-moi comment c’est ! »

La petite fille était animée d’une joie hors du commun lorsque Leonard était là. Elle vivait comme une enfant normale, oubliait le poids de son rang qu’elle ne comprenait pas du haut de ses maigres années. Elle connaissait l’amour d’une famille avec lui. Là, la tête blonde contre l’épaule de ce frère qui ne lui ressemblait pas, ses yeux brillaient d’admiration plus que jamais.
Les pieds dans l’herbe, un livre à la main, ils marchaient dans le parc et Théodora souriait. Elle avançait, un bras enroulé à son jumeau de cœur, savourant chaque seconde qu’ils volaient au destin. Parce que le destin arrivait. Le destin allait leur tomber dessus, cruel avenir, et ils ne pouvaient même pas le savoir. Alors ils marchaient, bras dessus, bras dessous, plein d’une innocence qui les quitterait si vite.
Elle fut privée de son bonheur. Une simple lettre, de simples mots qui furent encrés en elle au fer chaud. Leonard était un bâtard. Un fils indigne, un être qui lui avait volé son père. Les paroles âcres, la main dure d’une mère aigrie et avide. Théodora les écouta. Elle écouta ses mots, comme l’enfant bien sage qu’elle était. Parce que Théodora, jamais tu ne voudrais décevoir mère, non ?

« Maman dit que t’es un bâtard et il faut pas parler aux bâtards. Elle dit que c’est à cause de toi que papa nous aime pas. »

Des mots froids dans la bouche de l’enfant. Des mots répétés, des mots qui annoncent ce qu’il faut être. Théodora, tu seras régente, Théodora, tu auras le monde. Alors abandonne la vie, porte ce fardeau la tête bien haute et fière. Sois la princesse parfaite. Elle l’a réalisé. C’est ce qu’elle sera, qu’importe ses souhaits.
A l’instant où Leonard sera abandonné, Théodora perdra son innocence. Oh, lourde malédiction ! L’enfant disparaît pour devenir pantin, l’enfant abandonne, l’enfant se meurt et se mue en une cruelle rose pleine d’épines.
Théodora, tu seras la splendide lumière, la perfection de mère. Alors mues-toi et abandonne ce sang impur dans la boue.

Et elle le fit.

en résumé :