Imaginez le comme elle fait.

T-shirt blanc près du corps. Blouson noir jeté avec désinvolture sur l’épaule. Lunette de soleil sur le bout du nez. Démarche rythmée et sûre. Il pourrait porter un cuir sur le cul ou un simple jean sombre que ça aurait le même effet sur certaines filles qui ne se privent pas de le reluquer.
Vous avez un peu de bave juste là.

Personne n’y peut rien si Noël dégage cette aura si rock’n’roll. Bon, du côté de la soeur, y a le côté sexy en moins, et le charisme badass en plus. Ça a son petit effet. Et elle a la risette fière parce qu’il fait des émules -une caractéristique Devray peut-être bien ?
Elle ne lui a jamais avoué, mais elle le verrait très bien en bête de scène à déchaîner des foules sur des sons trop rock pour assurer une quelconque survie de l’humanité. Ok ça serait un peu trop cool pour la famille.

Raclement de gorge gêné. Le bout du nez qui chatouille. Elle chasse ses pensées farfelues dans une gestuelle dont elle retient la nervosité absurde. Mais en même temps, ça fait un bail qu’ils ne se sont pas retrouvés rien que tous les deux. Faut qu’elle soit cool.

Elle s’en souvient comme si c’était hier de leurs séances de air guitare à se la jouer rockstars... malgré les mélodies à la Mozart dans la pièce d’à côté. Quand elle lui avouait qu’elle aimerait bien apprendre à conduire, monter dans une voiture sans rétroviseur, et juste pour partir. Elle en rêve encore.

Tout le monde n’est pas à l’aise pour partager, Teddy la première. Mais dans ces moments-là, c’est autre chose qu’ils échangent. Le frère ne s’en rend probablement pas compte. Et elle, elle peut seulement espérer... essayer d’être là avec lui, pour distraire, repriser les sentiments, effacer les pensées, oublier les détails, instant présent avant tout.

Elle aime les gens comme Noël qui écoute leur coeur se balancer. Ceux qui disent puis qui se contredisent, mais sans se dénoncer. À chaque fois, elle espère lui ressembler un peu plus.

– T’as vu ? À son approche, elle écarte les bras, tournoie sur elle-même. Il me va encore.

Elle aussi elle a sorti son cuir. Cadeau du bro qui date un peu. Le perfecto qui tombe à pic sur le caraco noir, et tranche avec la jupe légère, poudreuse rosée.

– Prêt ? Je te préviens, même si on tombe sur un groupe merdique, il est hors de question que je rentre pour le couvre-feu. Elle veut finir sur un nuit qui ressemble à un matin. Les règles d’une autorité qu’elle accepte de moins en moins, elle s’en fout. Et elle sait qu’il ne faudra pas le prier pour qu’il la rejoigne dans l’aventure nocturne.

– Tu paries combien que si le chanteur est un mec, il finit torse-nu, t-shirt déchiré parce qu’il s’y croit trop ?

Et ça va être comme ça tout le trajet jusqu’au concert. Théories fumeuses et paris inutiles sur ce qu’ils vont voir de plus clichés sur scène. C'est leur rituel, amuse-bouche pour se mettre en chauffe. Attitude de rebelle sur les talons. Elle fera même mine d'avoir oublié son porte-monnaie et Noël s'assurera que des pigeons payeront pour eux.
Même si ça fait longtemps qu'ils n'ont pas eu l'occasion de faire un duo, cette partie de l'oeuvre Devray est bien huilée.

Vieille partition qu'ils n'oublieront jamais.