« C’était la promesse d’une vie plus svelte et plus heureuse. Une surface qui brillait avec une telle intensité qu’on oubliait qu’il n’y avait rien derrière. »

Mes yeux se détournèrent de la parfaite imprimerie de ces puissantes lignes, comme déroutés par l'ésotérique réflexion qu'elles laissaient couler en moi. La lecture était un bien piètre loisir pour qui courtisait une ataraxie permanente, et les paroles de ces élucubrations personnifiées me semblaient dangereusement plus réelles que les entités de mon quotidien. Par deux fois, le revers de ma main forcèrent mes yeux à rester anhydres.

Les larmes, comme la neige, cultivaient cette cruelle tendance à s'écouler sans un bruit pour témoigner de leur douce peine. Les meurtrissures du monde (les visages humains) se laissent recouvrir par un voile laiteux (ce torrent de désolation) écorchant le sentiment d'une innocence retrouvée (d'un quelconque regret) et nos yeux s'embrumaient de tourment pour nous rendre aveugles à la toute beauté de ce monde.

Au printemps, la mélancolie s'effrite à mesure que le monde s'ornemente de ces girandoles de couleurs—et cette palingénésie m'attirait à l'encontre des paysages extérieurs. En cette période, mes journées reprenaient leur mondanité en l'habituelle atmosphère de la forêt bleue.

Entre mes mains, le récit au cœur de ma tendre humeur et mes yeux,
Ô précurseurs de calamités
Se dressaient comme une passerelle d'espoir.
Un silence,
Et mon visage persécuta toute l'apaisante lumière de l'hélianthe céleste.

Parmi les arbres, quelques rayons s'insinuaient entre les écorces pour éclairer l'épicentre de mes attentions, forçant les pages en une teinte plus vive.
Indifférent à ces carnations, jusqu'à ton arrivée.
Indifférent au monde, seule ta présence savait asservir ma concentration.
Diane, déité de ces lieux, tu semblais bien troublée, et ma voix déraille—peine à se soustraire au râle d'une solitude oubliée, car ta présence me ravit— et s'exprime enfin. Bonjour, Diane, les sourires ponctuent la placidité d'une voix brisée par les attaches d'un inoubliable passé. D'anxiété, mes prunelles escortent les formes de ton visage, furètent à la recherche d'un trouble, passé sous omission—car je te connais bien assez.

Quelque chose ne va pas ?

Un ton si délicat qu'il en compense la brusque interrogation, et mes pupilles embrassent toute la connivence d'une patience qui me semble nécessaire. Ton esprit est trop vaste, enclin à toute fluctuation, bercé d'un nombre inconcevable de sincérité. Tu es terriblement humaine, et cette véracité pousse mes sens à la crainte perpétuelle de te voir t'écrouler.

Tu sembles préoccupée, ma douce.

Tes paroles éparses comme un livre en des yeux dyslexiques
Tes sentiments comme une meurtrière cacophonie
J'aimerais tant pouvoir comprendre.
Te comprendre, Diane, et le temps d'un instant suffirait à conclure les élans désireux d'une amitié plus profonde. L'instinctive distance apposée à mon cœur, mon empathie évaporée par ton simple regard et je hais cette inaptitude, je hais cette voix sirupeuse qui bâtit mes paroles oui cet esprit outrageusement sage comme si rien ne pouvait vraiment l'atteindre
Et je hais,
Cette prud'homie qui m'accable du moindre écart
Qui me cantonne à un monde d'innocence et de vérité.

Comme nous sommes différents (ton naturel si blessant que je désire connaître)
Comme nous sommes opposés (mon apathie si alarmante qui finira par me tuer)

En silence, je profite de cette proximité pernicieuse, givrée par la bienveillance.
En un silence qui se laisse briser par des paroles nécessaires, ces prunelles aquatiques qui noient le reflet d'un visage inquiet—ma voix trouve l'instant pour s'exprimer, hachant ces angoisses grandissantes d'un ton doucereux. Diane. Diane, respire un instant.
Mes mots sont sages, résonnement vacant d'une distance voulue que je ne peux désormais plus combler—le monde me semble méconnu—et le regret s'immisce un peu plus, à chaque jour où ma cicatrice me brûle.
Et j'ai peur que toi aussi,
Que mes émotions me glissent entre les doigts comme les indifférentes rosées que l'on admire pour cette beauté sans vrai fond oui que ce cœur s'arrête de vibrer pour le monde non pour toi qui représente tant et se contente de battre machinalement,
Oui simplement, biologiquement,
En toute impunité.

Je me sens disparaître Diane et je me sens perdu entre ces souvenirs effacés par l'absurde sélection de cette nature qui croit si bien faire comme si je ne pouvais vraiment m'assumer
Si seulement je pouvais me rappeler,
Si l'oubli cessait de m'ôter toute chance de rédemption.
Ne t'accable pas, car bien au contraire : tout est en lien. En nos esprits si humainement autolâtres, nous devenons l'épicentre de notre propre univers dans lequel chacune de nos pensées s'inscrit, pour une raison bien précise.
Et comme j'aimerais suivre mes propres conseils.
Stérile esprit discordant,
L'extrémité de mes fins doigts vint caresser la reliure de l'ouvrage dont je songeais encore aux lignes, comme une marque d'affection. Dans le même temps, mon esprit s'extirpa aux désirs d'offrir pareille panacée à ma tendre amie, concluant qu'elle n'en avait nulle besoin. Je savais me montrer rassurant de bien des manières mais mon universel respect d'autrui comprimait souvent mes actes.
Le regard d'autrui t'importune-t-il vraiment ? Non... plus que cet état de fait, dégageons-en les raisons pour mieux cerner ton mal-être.