Il y a plusieurs types d’histoires. Celles que l’on raconte aux enfants, le soir, pour qu’ils aillent se coucher par exemple. Pour moi, mes deux frères et mes deux soeurs, l’histoire que nos parents nous racontait était souvent celle de la Bible.
Ils nous apprenaient que la religion était une chose importante, que Dieu veillait sur nous, nous qui vivions dans un petit village de l’Alaska avant d’aller s’installer sur la Terre natale de ma mère, dans un autre petit village, près de la mer, avec l’Océan Atlantique qui s’étendait à perte de vue.
Nos parents nous racontaient souvent que nous étions des anges, que Dieu nous avait accordé sa bénédiction, en nous confiant à chacun et chacune, des capacités au delà du commun des mortels.
Il y a aussi les histoires qui sont faites pour faire peur aux enfants, lorsqu’ils refusent d’aller se coucher… Le monde extérieur, terrifiant et rempli de pécheurs, où la moindre chose que l’on pouvait voir, entendre ou sentir, cachait la tentation du démon. Nous étions interdit de nous approcher d’eux. Nous devions être forts, nous devions leur résister.
Il y a aussi les histoires que le prêcheur raconte en son église. Celle là était destiné aux fidèles, ceux qui suivaient Père et Mère. Ceux là voyait que le monde allait devenir sombre, et que seul la foi pouvait être salvatrices. Mettre fin à la tyrannie du bien matériel, de l’argent qui corrompt la société. C’était ce que père disait, et nous étions en admiration devant lui.
Enfin… Il y a la nôtre. La réalité. Celle que nous n’avons jamais réellement connue, car les lignes annexes ne nous étaient pas décrites.
Nous étions pour ainsi dire, maltraité. Nos maigres dîners nous étaient confisqués, souvent, sans la moindre raison… Car nous nous étions soit-disant laissé tenter par le péché. Battu, puis réconforté… pendant que des paroles doucereuses, tel un venin insidieux, se glissait dans nos oreilles.
“Nous faisons ça pour votre bien… Nous vous aimons.”
Étant l’aîné de la fratrie, les attentes étaient bien au delà de ce que nos parents attendaient de mes frères et soeurs. Être fort.
Lorsque l’un de mes frères faisait une bêtise, il venait vers moi, en pleurant.
La peur de la punition.
Je ne sais plus combien de fois j’ai pris la punition à leur place, par peur qu’il leur arrive quelque chose de grave.
Sans doute était-ce pour montrer que je pouvais être fort… Faire plaisir à mes parents…
...Mais selon eux, je ne l’étais jamais assez….
Et puis...
Un funeste jour finit par arriver.
Un de ces pécheurs, comme le disait mon père, avait enlevé le benjamin de notre fratrie.
Nous étions aveuglé.
Aveuglé par la colère, aveuglé par le désir de sauver celui qui partageait le même sang que nous.
Nous étions des Anges…. Si un ange venait à succomber, au péché ou à rendre la vie, Dieu aurait forcément été mécontent.
Il ne nous a pas fallu longtemps pour retrouver la personne, les fidèles ayant tous entrepris de retrouver le coupable de cet exaction.
La pluie tombait à grosse goutte, grâce à mes cadets, et je pu rejoindre aussi vite que je le pouvais en voyageant sur la surface trempée du sol, jusqu’à l’endroit où il se trouvait.
… Mais pas longtemps ne signifiait pas à temps.
Il nous aurait fallu sans doute 5 minutes de plus, rien qu’un petit peu plus…
Mais nous avions échoué.
Mes yeux écarquillés, ne pouvait que constater le corps sans vie de mon petit frère, allongé sur un lit, la bouche ayant craché du sang, avec ce taré, qui venait de lui ôter la vie, juste à côté de lui, me regardant avec une expression étrange.
Le reste des fidèles arrivèrent peu après.
Le coupable fut capturé, et sur l’autel, fut sacrifié, comme repentance pour le crime qu’il avait commis… D’avoir tué un ange.
Nous étions sûrement tous aveugles à ce moment-là… c’est vrai… il me semblait avoir vu cet homme, devant mon frère… en train de pleurer, et murmurer quelque chose.
Sans doute trop vague dans ma mémoire, mais, ça ressemblait à…
“-Je n’ai pas réussi…..”
Ainsi, lors de son enterrement, l’entièreté des fidèles, ainsi que mes frères et soeurs pleuraient cette perte si chère dans nos coeurs… Seules trois personnes n’ont pas pleuré…
Moi, sur le moment… mon père…. et ma mère.
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Je ne réalisais toujours pas ce qu’il se passait.
Je suis perdu… Qui sont ces gens? Où m’emmènent-ils?
Où est mon frère? mes soeurs?
Je ne veux pas être séparé de Père et Mère…
J’avais beau me débattre… rien n’y faisait, nous étions désormais loin de l’église…
Et pour la première fois…
Nous allions entrer dans l’inconnu…
Alors il faut prier… prier sans relâche,
En espérant que Dieu nous entende.
Puis… Au bout de sept ans… à essayer de prier, à essayer de s’enfuir…
On finit tout simplement par attendre, patiemment,
De pouvoir sortir de cette cage dans laquelle nous avons été enfermé,
Et qui nous a probablement fait réaliser,
L’ironie étrange de notre vie.
… D’avoir vécu dans une cage depuis notre naissance.