et c'est peut-être la première chose qui l'a surpris en arrivant à l'académie ;
qu'en hiver, les enfants fêtent la neige comme si c'était leur première, comme on retrouve un ami
non pour lui, Dimtry, la neige c'est avant tout la Sibérie glaciale les souvenirs
d'une famille comme souvent là-bas sans le sou crevant dans le froid
pas de chaleur, l'hiver l'été, les saisons se confondent de toute façon un soleil qui ne réchauffe ni les mains ni les coeurs
Dmitry s'en souvient très bien
a les pieds qui s'engourdissent encore, comme s'il n'était jamais parti

premier né, et pas vraiment désiré, à lui ont succédés des frères et soeurs à la piètre santé mais pourvu qu'ils puissent être utiles, on les nourrissait ;
c'est la première chose dont il prend conscience, Dmitry, on les appelle enfants mais on pense commodités, la notion de ce qui se dit et ce qui est
((le sens caché
la s u b t i l i t é))

c'était marche ou crève, pas de pitié
il n'a pas souvenir de sentiments nobles comme l'indulgence l'affection l'amour peut-être que par manque de moyen, on s'abstient du superflu et tant pis si le gamin s'effondre sur lui-même pourvu que ses bras tiennent le coup ;
les mots sont inclus dans le lot, à la fin de la journée on ne parlait aux rejetons que pour s'assurer que les plus faibles avaient cédés
c'était le cas du dernier qui franchit la porte par un jour enneigé

et ne revint jamais

ce serait mentir de dire que Dmitry n'a pas compris parce que dans la grille des critères à remplir, ce frère là était le pire
ou peut-être qu'il avait juste suivi l'exemple de la génitrice, il ne sait pas
ne sait rien
il sait qu'il y a eu la jalousie, de leur ataraxie qui peut-être les avaient emmenés vers un endroit meilleur ;

puis vient l'académie, mais pas exactement
il y a le pouvoir qui se manifeste, la dégringolade des sentiments
la chute aux enfers d'être à la fois bourreau et bouc-émissaire
parce qu'à ne pas savoir ce qu'on fait, Dmitry crée de l'amour là où il ne faut pas et s'étonne de le voir disparaître quand son père ne le regarde pas ; ça se transforme en coups de l'adulte effrayé sale monstre qu'est-ce que tu m'as fait
il ne sait pas ne sait pas je ne sais pas
papa
et il se souvient un soir d'été, la nuit dégagée, d'un ciel parcouru de comètes égarées
un souhait
un seul

aimez-moi, s'il-vous-plaît

à son tour il fuit le foyer sans se retourner

c'est brouillon encore aujourd'hui, de se remémorer comment il est arrivé
et si on lui demande, il dira qu'il s'en fiche que c'était écrit ou que simplement
il est venu retrouver son frère chéri
et si on lui demande s'il regrette, il dira qu'on s'adapte à tout quand on part de rien, qu'on oublie tout quand on n'emmène rien
pas même qui l'on a été,
comme un lointain souvenir d'été.