c'est sous les étoiles qu'elle peut toujours retrouver caprice et c'est sûrement un peu niais, même elle le pense, mais c'est en regardant par la fenêtre qu'elle a pensé à lui. elle n'en a que faire qu'on lui dise qu'elle est idiote de désespérément associer de qui l'entoure à l'amour mais c'est bien là qu'elle survit ; dans le coeur d'autrui.
le téléphone branché à un câble tendu pour pouvoir le poser sur le lit à côté de son oreiller, elle finit par se relever vivement dans l'obscurité de sa chambre où seule la lumière extérieure vague et la lampe de chevet brillent. elle entrouvre la porte de la chambre pour laisser caprice s'y glisser (ce sont des habitudes que l'on a pris d'il y a un moment déjà - laisser les ombres s'immiscer pour les embrasser sur leurs joues chaudes.)

carmen est joueuse. elle attend tapie dans l'obscurité, laissant juste assez d'espace pour caprice pour ouvrir la porte sans qu'elle lui rentre dedans, dans l'entrée de sa propre chambre. ses doigts de pieds trépignent à cause de la froideur du sol, lui provoquant la chair de poule le long de ses jambes dénudées - puisqu'elle est en chemise de nuit. carmen n'est pas timide avec autrui quand il s'agit de son apparence vespérale, démaquillée (de toute manière caprice ne peut apprécier ce genre de choses) et les cheveux tressés pour ne pas qu'ils s'emmêlent, elle patiente - et le temps qui passe lui semble infini. mais pour caprice peut-être qu'elle a l'éternité s'il tient sa promesse, s'il est réellement en chemin - c'est le plus important. après tout il y a deux étages à descendre, un couloir à traverser et les fugitifs sans étoile en broche à regarder froidement pour leur intimer de rentrer dans leurs chambres.

quand elle entend les pas s'arrêter devant la porte, elle se prépare, les bras pliés - et quand ça s'ouvre un peu timidement, quand ça se glisse dans la chambre, elle saute au cou de son ami pour le serrer tout contre elle. elle rit. bouh ! elle ne crie pas pour ne pas qu'ils se fassent davantage remarquer mais refuse aussi de le lâcher immédiatement, le gardant dans son étreinte. elle lève ses yeux vers lui par la suite et son sourire est tellement grand que ça lui fait mal aux joues - retrouver caprice c'est comme rentrer à la maison, c'est la madeleine de proust du bonheur.

même sans l'avoir vu encore, elle ferait sourire les yeux fermés. l'insouciance espiègle parfois passée sous silence en commun, celle qu'il fallait taire dans les maisons d'enfance où l'on n'avait pas le droit de s'amuser trop fort - elle fait surgir des armoires strictes. car Carmen est dotées de lueurs tendres, feux d'artifices de malice à l'épreuve de toutes les banquises - à ces cotés les strates glaciales de Caprice ne résistent jamais bien longtemps et quelques messages, quelques rayonnent suffisent pour le faire fondre. répondre aussitôt à ses appels, ils rendent tout de suite la nuit plus mutine et l'on se mêle impatient aux ombres
après avoir passé tant de temps à grimper les échelons, Caprice
sans craindre le moindre crash, descend les étages
on avait oublié qu'on était aussi haut
et à quel point ce n'était pas si loin
les voyages jusqu'à elle.

ça faisait si longtemps les trajectoires que dans la pénombre on compte les numéros des chambres pour se repérer - c'est systématique que Caprice oublie les visages mais les détails jamais. et ceux de Carmen, il faut l'avouer - on craint de les avoir effacé à force d'avoir gravité à des années-lumières. jusqu'à la dernière minute, dernières secondes précédant l'atterrissage, la courbe des lèvres reste cristallisée par les traits tirés à quatre épingles, il ne peut pas s'empêcher de redouter les collisions.
et pas d'effondrement sur soi en entrouvrant la porte - non,
les sursauts typiques, provoqués par ses supernovas
percuté d'aérolithes rieurs, Caprice
réceptionne et accueille à bras ouverts et puis
les referme et chancèle avec elle.
Carmen..
encore une fois, sempiternels -
les sourires les yeux fermés.

il ne les rouvre qu'une fois les entrelacs à peine défaits, au lever de ses yeux Caprice y retrouve les mêmes étincelles que d'habitude et heureusement, car les mèches tressées changent des cheveux lâchés avec lesquels on a l'habitude de la croiser et qui aident à reconnaître. il saisit du bout des doigts, pour mieux voir.
c'est joli, ce que t'as fait...
et puis, il voit l'ampleur des risettes et y calque les siennes, le souffle rieur même de constater à quel point c'est grand.
t'es trop belle Carmen.
occulte le halo provenant du couloir, il pousse la porte pour chasser la moindre pollution lumineuse rendre les ciels plus clairs encore, ferme derrière lui et revient vite à elle.
excuse-moi j'ai croisé du monde en chemin, certains traînaient dans les escaliers - j'ai pas mis trop longtemps, tu vas bien ?
les désolés et les interrogations
sonnent un peu universels,
car elle était longue la route - ce soir et puis,
tous les jours d'avant.

merci, j'essaye de changer pour éviter qu'ils soient emmêlés le matin ! c'est un petit détail de rien du tout, un petit plaisir futile à partager car c'est comme cela qu'on s'aime ; dans les confessions intimes et celles qui relèvent du domaine public. c'est bon de juste parler de ça, baisser les yeux et voir que c'est toujours avec simplicité que caprice est affectueux.
elle le laisse refermer la porte et se dirige vers le lit, tournant son nez pour voir s'il fait de même - écoutant ce qu'il dit, le coeur déjà ouvert à tout ce qu'il aurait à dire. elle rougit doucement de plaisir au compliment de caprice, c'est bien de ça dont elle a besoin ; de l'ingénuité de ses sentiments. et toi aussi, comme toujours. et quand elle dit ce compliment sans timidité elle le pense, il ne faut pas se méfier des vilaines filles toujours trop sincères. peut-être peuvent-elles être cruelles, mais elles ne se servent pas du mensonge comme une arme. elle vient se caler dans le lit et attend que caprice en face de même, et quand cela est bon, dans une obscurité plus chaleureuse qu'autre chose, elle se laisse tombe sur ses jambes, la tête sur ses cuisses. ses mains viennent chercher la sienne, et l'entourent de ses propres doigts.

elle fixe caprice avec un petit sourire, sans répondre tout de suite à la question ; vient d'abord le temps de la contemplation et des tendresses enfouies tout ce temps - ah oui cette éternité... ce n'était pas si long en réalité, mais quand on aime, l'absence devient infernale. surtout quand on s'en rend compte.
son coeur se serre douloureusement à mesure qu'elle le fixe, et sa risette se crispe ; elle dégurgite pour faire passer le nœud dans sa gorge et essayer de reprendre, sans cesser de jouer avec les phalanges de son ami. je sais pas. c'est tout ce qu'elle arrive à répondre et quand elle le dit, tout lui tombe dessus comme une massue ; toutes ces pensées-là qu'elle réprimait, la douleur pour rester debout - quand elle se rend compte à quel point caprice lui a manqué, à quel point elle aime son regard sa voix et son odeur, jusqu'à la manière de prononcer son nom, et bien elle craque. son visage se crispe et elle se met à pleurer comme une enfant retrouvant son parent à la fin de sa journée, tournant son visage vers son torse pour l'enfouir dans le tissu. tu-tu-tu m'as tellement manqué. ce sont des sanglots de soulagement car il est toujours là.

même quand l'univers semble s'être écroulé autour d'elle, caprice est toujours à ses côtés.

les éparpillements et tout ce qui tirait sur le cœur, revenus plus près désormais ça lance moins derrière la cage des os et l'on s'emprisonne de nouveau. emprisonne les doigts de Caprice au creux des siens, Carmen les serre comme si cela pouvait suffire à contenir ce que l'on était et les débordements que ça représentait.

mimétisme, comme pour assurer que cela lui reviendrait toujours, il vient poser son autre main sur les leurs et les effleure du bout du pouce. aussi car ça commençait à faire longtemps qu'on tiraillait les fils d'argents pour des voyages astraux toujours plus lointains et que le contact lui manquait. embrasser la terre, c'est la première chose que font les astronautes de retour auprès d'elle. dans quel état la retrouve-t-on aujourd'hui ?
tu ne sais pas... ?
une ondée sur la lueur des sourires, ils s'éteignent. se noient sur les joues de Carmen au moment où l'on y discerne les détails propres aux chagrins - ils troublent les images d'elle et font se serrer le cœur. ... Carmen. alors qu'ils semblaient si insouciants les éloignements qu'on s'en languissait paisible, les éparpillements, se sont-ils produits de ton coté aussi ?

déséquilibre de ses mots trébuchants, Caprice tend les bras pour rattraper au vol. comme ses doigts à elle qui l'avait contenu il les referme autour de ses épaules, sert Carmen tout contre lui. tu m'as manqué aussi tu sais... le menton posé au creux des cheveux, on retrouve ses fragrances et ça fait sourire tristement. si tu pleures je pleure et on est parti pour la nuit. et c'était bien la nuit Carmen, fini le jour. si bruyant, Caprice ne l'aime pas trop lui non plus.
tournons-lui le dos.

nouant ses mains dans le tiens Caprice bascule sur le coté, gardant la pâle figure lovée à l'abri de l'étreinte. entoure Carmen un peu plus un peu mieux, c'était comme au cas où les soubresauts de sanglots pouvait tout faire collapser. et les doigts viennent se perdre à la naissance des mèches d'ombre - on aimerait les peigner pour en défaire les peines. on y murmure des désolés.
pardon, pardon j'aurais du revenir plus tôt,
j'ai dû rater tellement de choses.
tant que le soleil est haut on a du mal, et il avait l'impression que les journées de ces derniers temps étaient interminables. ce n'est pas une excuse, il sait bien. mais c'est que l'infini auprès d'elle le remue tellement, il voudrait rattraper toutes les instabilités manquées.
je suis là maintenant. je peux rester jusqu'au matin même si tu veux.
et les risettes s'échouent contre les rumeurs de son front.
j'ai pensé à prendre mon étoile de Nova, alors si on me demande je dirai qu'il fallait que je surveille l'état d'une élève.
que tu ne restes pas seule dans des ruines d'univers,
on a d'ici le lever du soleil pour rebâtir.

chaque jour, chaque jour elle craint de le dévorer tout entier sans même rendre compte. carmen est avide de la chair, de l'amour : elle prend tout, s'en enivre, en devient saoule à sa fenêtre. l'odeur des autres est son opium personnel et s'il faut, comme toute drogue trop consommée, elle la tuera.
mais quand elle est dans les bras de caprice et qu'elle a si peur qu'il s'évanouisse à force de trop l'aimer, elle ne peut pas s'empêcher de le serrer plus fort. c'est nécessaire à sa survie et elle ne réprime pas son instinct trivial de l'étouffer dans ses bras que certains prennent un malin plaisir à maudire.

oh caprice - ils lui diront qu'elle est folle et que ce délire on n'en aime que les œuvres obscures, pas l'artiste. mais sur cela, carmen lui fait entièrement confiance car caprice a aussi comme maladie de trop aimer les hommes et de s'en faire aimer en retour. caprice qui ne peut dédicacer ses poèmes à une unique muse, elle le comprend. elle attendra le temps nécessaire pour qu'il rédige tous ses recueils pour rassurer les âmes en peine, et sait pertinemment qu'il finira par revenir. que dans le désastre de la vie il y aura toujours un lit pour se dorloter en pleurant, ensemble.

carmen prend des grandes bouffées d'air en essayant de se calmer. quand il parle, elle rit et pleure en même temps, manque de s'étouffer en ratant de garder le rythme des inspirations. elle hoquette. si tu pleures je te tape. c'est une fausse menace, elle en est bien incapable quand il est question de caprice. oui c'est vrai. il s'est passé tant de choses. mais ça va. car tu es là. car tu es là. sa sincérité est légère, n'appose aucun poids sur les épaules. et toi alors -? il - il s'est passé quoi..? elle veut l'entendre d'abord pour avoir le temps de se ressaisir toujours tout contre lui, sans se défaire de l'étreinte qui rendra le visage poisseux de larmes.