Plongé dans un océan de feuillage teinté de couleurs marines, tu te laisses entrainer dans la forêt ; tu t’enfonces en laissant ta fidèle intuition guider tes pas, gonflant tes poumons de cet air frais.
Le regard détaille ce paysage familier, si familier mais qui, pourtant, continue d’attiser ton émerveillement le plus singulier ; car ce sont les chefs-d’œuvre de Mère Nature qui justifient encore aujourd’hui ces promenades solitaires – le désir de dévorer un bon livre que tu tiens sous ton bras, au rythme du chant de la rivière argentée.

Tu t’es vêtu de couleurs chaudes, contrastant avec les teintes froides de ce royaume sylvestre mais restant fidèle à ta propre nature ; tes mains restent enfouies dans les poches de ton pullover léger, comme pour souligner la démarche nonchalante que tu adoptes si naturellement.
Les pensées commencent à foisonner, fourmiller incessamment dans ton esprit avant de se focaliser sur une longue chevelure claire. Tu ralentis avant de dévier ta trajectoire dans sa direction.

Tu prévoyais de rester seul, n’est-ce pas Zach ? Initialement, tu ne comptais que sur la présence d’un ouvrage pour combler ce banal après-midi de printemps ; toutefois tu te rapproches d’elle, cette demoiselle que tu connais si bien : car sa compagnie a toujours été plus agréable que quelques dizaines de pages noircies.

— Salut Diane !

Et tu ponctues ce semblant de politesse d’un sourire qu’elle te rend – son rictus qui s’efface si vite ; et sa réponse s’imprègne d’un léger mépris, une tournure étrange qui assombrit, à son tour, l’expression éclairée de ton visage.
Tu es sensible aux nuances de la voix de tes interlocuteurs, Zach. Tu as fini par différencier les salutations chaleureuses des paroles teintées de dédain, trier les formulations familières du langage presque hautain ; toutefois tu refuses de permettre à une susceptibilité exacerbée de laisser germer des inquiétudes probablement infondées.

Alors tu hausses légèrement les épaules.

— Rien de spécial. Je t’ai aperçue et je me suis dit que c’était sympa de te croiser.

Sans attendre la moindre autorisation tant cela te paraît naturel, tu viens t’asseoir en maintenant une distance convenable, allongeant tes jambes sur l’herbe fraiche. Tu déposes ton livre sur le tapis bleuté, et tes iris croisent, par hasard, le sien qu’elle avait clos dans un fracas.

— Ah, j’t’ai coupé dans ton inspiration ?

On suppose, on suppose comme on aime lancer les conversations.

À son soupir et à la conversation qu’elle poursuit, on écoute sans dire un mot.
Tu soutiens un regard légèrement intrigué, patientant pour qu’elle poursuive ses explications ; la nature ne t’a jamais accordé la moindre inspiration artistique, la moindre intuition créative et le syndrome de la page blanche demeure, ainsi, une notion inconnue pour toi, Zach. Tu ignores à quelle point les humeurs peuvent être capricieuses.
Et dès qu’elle prononce son excuse, tu t’envahis d’une étrange émotion mélangeant le soulagement et l’inquiétude – comme si la tension retombait mais confirmait les craintes que tu pensais infondées.

Tu te forces à étirer un sourire, toi aussi, juste un petit peu plus.
Tu sais te focaliser sur certains petits détails qui entrent en contradiction les uns avec les autres.
Tu ne peux t'empêcher d'arquer légèrement un sourcil.

Les yeux montent au ciel comme pour vérifier les contrées célestes mal dissimulées à travers le feuillage aux teintes azurés.

— C’est vrai qu’il fait superbe.

On l’énonce en ricanant comme si l’on venait de le réaliser. Puis, réponds à sa question non-formulée.

— Ca va tranquille. D’habitude j’préfère lire à l’intérieur, mais ça m’avait manqué de lire dehors avec ce soleil.

Comme si le corps réclamait la chaleur solaire, quelques rayons de l’astre du jour après avoir enduré les épreuves de l’hiver ; comme chaque année, les choses demeurent les mêmes malgré une immense volonté de changer ta destinée ; comme chaque jour, tu peux dire que tu vas bien.
Alors tu soupires, un peu pensif, et poursuis en prenant un air légèrement plus sérieux.

— T’sais, l’art j’y connais que dalle, j’sais pas du tout comment ça marche l’inspiration et tout mais… t’as l’air un peu bizarre.

Une seconde de réflexion, puis tu reformules.

— Enfin plutôt, y a quelque chose qui te tracasse ? Si tu veux en parler hein.