Je suis comme l'eau qui se répand,
tous mes membres se disloquent.
Mon coeur est comme la cire,
il fond au milieu de mes entrailles.
Ma vigueur a séché comme l'argile,
ma langue colle à mon palais.

Tu me mènes à la poussière de la mort. (psaume 22)

on lui avait souvent répété qu'au centre de l'univers il y avait dieu. dans les roches du chiapas, par dessus sa couche de nuage humide, au fond du pavé des rues et au coeur des gens, il y avait le divin.

on lui avait souvent répété que les choses n'arrivaient pas sans raison. tout événement était un calcul, un mouvement prémédité par le seigneur.

petit, on ne réfléchit pas. on prend ce que les parents nous donnent et on fait des trésors de ce qu'ils nous offrent. Manolo sacralisait deux choses : Le grand Hugo Sanchez et Dieu.

quand ils sont partis loin des montagnes de San Cristobal pour se faire un trou à Calexico, Manolo avait sept ans et quand il y repense, le temps condensé par l'enfance lui paraît avoir duré une éternité.

Aveulie par l'amérique, l'individualisme du vingt-et-unième, Calexico était un Mexique inférieur, qui fondait sous le soleil ardent de la Californie. Sa baraque était une misère, un rectangle poussiéreux qui abritaient en son sein les plus dégoûtantes vermines. Personne ne s'inquiétait cependant : tout cela était la volonté de dieu. D'une manière où d'une autre, les fidèles seront récompensés. C'est ce à quoi pensait Manolo avant de s'endormir, le regard rivé sur une latte défoncée par les ans.

Il était souvent en proie à des terreurs terribles et fantômes ; Il s'imaginait des pêchés et des châtiments pour la moindre incartade, se figurait souvent qu'à tout moment l'enfer s'ouvrirait sur lui et l'avalerait, gueule béante. Dans un cercle vicieux, il se réfugiait encore plus profondément dans la foi et la maigre pitance d'une vie très pieuse. Balle au pied, il s'imaginait faire se lever les stades comme un seul homme au nom de dieu.

Un instant d'ailleurs, il a cru être divin quand il a crée de rien, un chapelet identique au sien.

Mais on l'a vendu à des personnes, qui l'ont revendu et il a fini par atterrir sous le ciel bizarre de l'Irlande. Comme ça ; Sans avertissement au tournant, sans suite logique ou signe annonciateur. Parce que la vie se drapait ainsi, décousue et c'était notre pauvre cervelle qui essayait de faire un sens de toutes ses torsades.

Il a fallu des années pour Manolo se remette de son anéantissement.