On s'étonne encore des pleurs dans les couloirs, des âmes brisées après avoir trébucher sur une liasse de faiblesses disproportionnée. On s'étonne encore et ça nous rend curieux car l'on se demande pourquoi, pourquoi pas simplement assumer ? Pourquoi la rage et ces boom fracassant les murs pourquoi les hurlements qui se déchaînent ? Amélie ne comprend pas, et peut-être est-ce parce qu'elle n'a jamais chuté, elle. Doucement elle s'avance, guidée par le silence qui avait suivit les échos défoncés par ce qui lui sembla avoir été une chaise, à une époque -elle s'imagine sans réellement savoir ce qui avait bien pu disparaître derrière cette porte qu'elle s'apprête à franchir et puis, après un dernier instant fébrile à se délecter de la mort ambiante, la réponse vient en même temps que la lumière de l'extérieur dans ses yeux.

Toi.
Lancelot.

Tu as disparu, disparu sous des gravats de papiers et de frustration et dans ces tables qu'elle perçoit contre le mur Amélie décèle sans mal les nuances colorées de ta vie envolée. Des tâches de brun souffrant un peu partout et puis et puis, tu sais, surtout, ce rouge colère, rubis effrayant, ce que vous, dans la réalité du monde appelez noirceur d'âme Amélie l'appelle majesté. Car dans le monde d'Amélie tout est coloré, et les plus sombres sentiments prennent des couleurs d'été. Bleu frustré, roi d'agacement et soleil violent.

Dans ses pas la retenue pourtant, Amélie prend soin de refermer derrière elle et en se tournant vers toi esquisse à peine à ses lèvres la complexité de son ressenti. Un étrange mélange d'amusement et de condescendance, une pointe de provocation dans le regard et la détermination à aller au bout des choses.

Au bout de toi.

« Lancelot..., dit le ton bien trop léger. J'interromps quelque chose ? »

Un regard prononcé qui fait rapidement le tour de la pièce, le visage qui suit à peine avant de reprendre sa position initiale. De la méditation.

Ah, vraiment.

Le mensonge si flagrant la fait sourire un peu plus, et à mesure que tu lui demandes de dégager, que tu l'insultes si fort Lancelot, elle s'approche un peu plus. Amélie tranquille au pas léger qui sonne si fort à ses oreilles, elle ne s'arrête pas tant qu'elle n'est pas à moins d'un mètre de toi. Tant qu'elle n'a pas besoin de presque se dévisser le cou pour pouvoir apercevoir la noirceur de ton regard, et lorsque le moment arrive elle se fait immobile. L'esquisse maligne aux lèvres et les iris perçants qui se posent dans les tiens.

Tu ne m'aimes pas. Une évidence, qui le pouvait de toute manière ? Ça n'est pas si important, finalement. Non, ça ne devait pas l'être. Alors le sujet change soudain comme s'il n'avait jamais existé. Mais j'aimerai savoir, Lancelot, la phrase laissée en suspend dans une hésitation exagérée.
Amélie connaît la fin de cette entrevue depuis qu'elle a décidé de te rejoindre à l'autre bout de la pièce, non pas qu'elle soit devin -seulement elle l'aura cherché. Alors elle en profite pour parler à coeur ouvert, pour jouer quitte à blesser. Toute cette colère est-elle le fruit de tes étoiles disparue ? La seule que tu avais. C'est ça, pas vrai ? Qu'est-ce que ça fait de perdre même ça, Lancelot ? Dis-lui, elle est curieuse.

Qu'est-ce ça fait d'être considéré comme un moins que rien au yeux du monde ? Aux tiens ?

Et à deux vous creuserez sa propre tombe.
Pourtant dans ses paroles il n'y a aucune animosité, seulement une volonté de savoir mêlée à l'envie de détruire toujours plus, pour savoir lequel de vous est bien vivant.

La chute a dû être rude.

Amélie n'a pas peur de la chute.
Elle n'a pas peur de tes mains sur son col ni de ses pieds qui ne touchent plus le sol. Amélie n'a pas peur malgré la surprise dans ses yeux.
Elle sourit, Lancelot.
De ce même sourire insupportablement supérieur, ce sourire de vainqueur qui traîne presque toujours à ses lèvres à la moindre accolade un peu brutale. Peu importe les côtes cassées.
Tu peux les briser.

À l'intonation de ta voix qui flanche elle perçoit les changements autours.
La lumière qui clignote
Le temps qui s'arrête, tourne au ralenti.
C'est un sentiment étrange que de se sentir acculée, un sentiment recherché et pourtant, pourtant elle n'a toujours pas peur de ce qui pourrait arriver. Son regard n'a pas quitté le tien un seul instant.
Elle n'a pas esquissé le moindre mouvement.

Pourtant elle continue de sourire.
C'est qu'elle est capable enfin de voir toute l'intensité de ta colère, Lancelot.
Du rubis pur, éclatant. Du jamais vu ailleurs qui donne envie de continuer.
À taillader les nerfs pour laisser couler à flots.

Tu peux les briser.
Tu peux t'enfoncer.
Fais le.
Je t'en prie.

Tu peux les briser, Lancelot.
Fais le.

Elle ne reculera pas.
Peut-être qu'elle se défendra mais elle ne reculera pas.
Jamais.

Prouve moi à quel point j'ai raison.
À quel point tu es beau.

Le bruit des tables bousculées pour cacher celui des os qui crient. La douleur est bien présente, Amélie certaine d'encore respirer malgré le son un peu étrange de son souffle qui s'évade au dehors. Elle ne s'attendait pas à autant de force, elle ne s'attendait pas à avoir si mal au premier coup mais elle n'est toujours pas prête à renoncer. Au bord de ses lèvres un sourire mal assuré, bien amusé pourtant malgré la grimace qui se tord légèrement sous le poids des maux de sa hanche qui hurle.

Ainsi au sol Amélie n'a pour toi qu'un regard de bas, vers le haut son visage remontent pour que dans tes yeux se posent les siens et tu peux le voir, pas vrai ? Tu peux le voir Lancelot, que ce n'est pas assez.
Ce ne sera jamais assez.

Roulant sur sa mâchoire quelques gouttes de sang, de cette langue qu'elle s'est mordue à l'impact mal prévu puis à moitié recraché lorsque la respiration avait été coupée. Le rouge te va très bien, Amélie. Et le sourire s'étire plus grand.
Violant et provoquant.

Je suis certaine que tu peux faire mieux que ça.. la voix tremblante mais néanmoins assurée.

Montre lui l'étendue de tes démons, Lancelot.
Frappe comme si ta vie en dépendait
Comme si ce jour était le dernier
Frappe frappe frappe
Et puis laisse la agoniser au sol d'en avoir trop demandé.

Elle ne mérite que ça, pas vrai ?

Tu as dis pouvoir les briser, Lancelot.
Ou alors mentais-tu ?

Brise tout Lancelot.
Les os.
Les corps.
Les règles.
Tout.

Brise tout Lancelot.

Prouve lui que vous êtes en vie.