même âge,
même classe,
même nous.

( tu soupires )

tu l’as vois, regard perché ( ou l’est-elle tout simplement ) et l’esprit ailleurs. Ça commence toujours d’un petit geste, un petit sourire qui traîne au coin des lèvres et puis parfois c’est le regard que vous vous lancez. Des éclats d’amitié déguisés en éclairs avisés. C’est souvent comme ça. Tu aimes ça, mais elle t’énerve. Isak, elle t’énerve car elle reste un miroir sans fin dans lequel tu te retrouves. Une beauté brute, une connerie lourde.

( second soupire, tes pieds glissent entre les tables )

tu peux pas t’en empêcher,
cette titillerie incessante.
Tu peux pas t’en détacher,
c’est tellement excitant.

( alors tu la regardes marcher vers toi, elle ne remarque pas sur le moment mais dès que ses yeux perdus retrouvent les tiens ; le tonnerre éclate )

sourire forcé,
pupilles levées,
nonchalance aggravée dans une peinture où le rituel s’est enclenché.

( vous vous retrouvez à vous gênez sur votre chemin, mais aucun des deux ne semblent bouger )
ça t’agace.
ça t’énerve.

T’as la flemme. Grosse et giga flemme. ( tu roules des yeux )

— ew. ( tu geins presque )

y’a rien pour vous détacher, rien n’y fera, car aucun ne prendra le dessus sur l’autre ; la partie démarrait. Ton visage se fige dans une fausseté extravagante qui te caractérise si bien. Rien n’est laissé au hasard lorsque tes traits abordent cette image habituelle d’une personne soûlée voire presque dégoûtée.

( elle te gênait )

— bouge, tu gênes.

Brou-à-ah,
les gens se tendent,
pour ceux qui savent.

Et le pire dans tout ça, c’est que tu manquais autant de sucre et de sommeil ; t’avais envie de péter ta colère. Tu as zéro patience pour prendre ton temps, zéro temps pour jouer dans la patience avec elle.

Goût doux-amer
sur le creux de la langue,
agrumes de vipère,
qui t’empoisonne,
les mots tombent
tombent,
particules,
les mots filent,
et la rage
pullule.

Il n’y avait pas une journée, une seule journée où ce sentiment venait grignoter ton corps. Un mixte malsain de bien être mais de colère qui te colle à la peau. Tu étais pourtant le poisson dans son eau, qui nageait, qui se foutait de ce que tous ces connards pouvaient penser ; s’il pouvait tous arrêter de respirer (( comme toi tu le voudrais )). pourtant, elle, elle. Petite poupée sans pudeur ; sacré reflet d’idée noir mélangé à un bout hautain d’erreurs. Elle. Elle te file presque la nausée autant qu’elle te balance des fleurs.

Comme toi,
comme vous.
Qui dit trop propre,
dit trop chelou.

aujourd’hui même le même cirque se répétait et la magie du tour te donnait un sourire énervé.

( tu ne flanches pas, bouge pas et ta main joue dans ta poche ; rythmé au concerto de vos reproches )
( ses mots s’abattent sur toi et sa contre façon te fait rire ; tu ris ; elle t’amuse Alex )

le plus charmant de tous.
ah.
Isak, tu es si charmant c’est vrai ; charmant dans ta pourriture, dans tes rictus et tes habitudes.

— si tu pouvais arrêter de piailler h36 pour essayer d’avoir un semblant de répartie ( tu roules des yeux )

tu n’allais pas te décaler, t’avais la flemme et cette idée tenace de ne jamais te laisser avoir. Parce que cette partie têtue et trop con de toi ne voulait pas se détacher. On ne pouvait pas changer un bon vin qui s’affine,  chaque année tu devenais plus opposé à ce qui t’attire.

Et mine de rien, vous auriez pu être ami. Si cela est possible. Vous auriez pu sourire et finir la discussion sans invoquer le diable et ses abîmes. Mais non. Non. Tu ne pouvais rien y faire, son visage et ses manières ne te revenaient pas à la tête. Tu la détestais autant que tu l’appréciais. Tu décelais parfois ses petites fragilités tout comme elle le faisait. Et aucun des deux n’avait fait le première pas. Tu étais trop peu confiant Isak, tu avoues, tu avais peur de te perdre en elle alors que tu ne la connais pas.

Ou peut-être justement, vous vous connaissiez trop dans votre particularité identique.

— écoute chouquette ( le surnom te fait sourire ; elle le déteste ) j’ai pas l’time de faire joujou ( et tu t’approches un peu d’elle, chuchotant ) ou alors es-tu en recherche de mon attention ?

faux flirt ; fausse illusion. Les phrases banales qui envenime les situations.

Rien n’était mis au hasard,
si la terre et le ciel,
si la lune et le soleil,
tous tournaient d’une certaine manière,
alors toi,
et e l l e,
astres i n s t a b l e s,
tournaient dans un écho,
i n a r r ê t a b l e.

plus tu regardes son regard, plus t’as envie de fuir. Envie d’mourir.
t’sais, Isak. T’as un peu le vomi au creux du cœur, ce sentiment pourri et acide ; ces idées fausses ; ce faux bonheur. Et y’a rien de bien dans cette relation ou trop de bonne choses. Ça t’apporte rien de te faire suivre par la conneries qui t’encombrent. Pourtant, pourtant, ce côté masochiste te pousse à tournoyer autour d’elle. Une poupée des sœurs, de la Parque, de tout ce qui est bien réel.

( tu soupires à demi moitié, sorte de clown qui prend son masque pour un spectacle à achever )
( et tu te rapproches d’elle, te colle presque, parce que ses mots ravivent des étincelles ; des fresques )

peut-être la désirait-elle en fin de compte

( tu ris à toi même )

y’a décidement quelque chose d’insupportable chez Alex,
tout comme chez toi.

Et son sarcasme si teinté de belles couleurs ne te donnent que de bonnes raisons de continuer. C’est juste infaisable ; s’arrêter. Pas quand elle est là, si belle, si précieuse dans sa bêtise animée. Tu veux juste combler les trous de sa vie ( les trous de la tienne ), combler ce temps infâme aux heures incertaines ( et elle fait de même. )

( ton visage se met devant le sien et vos nez se touchent presque, ton sourire, inlassable, continue d’être entre tes lèvres )

vos yeux ne se quittent jamais,
vos airs hautains,
vos airs suffisant,
deux mal baisés,
deux connards qui ne restent que les derniers coups de pinceaux de leur putain de passé.

— bien-sûr, le centre de mon monde c’est toi ( tu feins ) fais gaffe, je vais finir par y croire et commencer à te faire des avances

( ricanement )
( tu te détaches et reprend ton air s o u l é )

— bouge maintenant.

c’est si puérile cette situation, mais si gratifiant pour vos deux âmes en manque d’attention.