Les cours c’est chiant, les cours c’est emmerdant. Ça ne sert à rien, pense Amadán. Pourquoi étudier, pourquoi poireauter ? Pourquoi donner l’impression à l’enseignant que ce qu’il raconte est intéressant alors qu’on meurt d’envie de se barrer en défonçant des portes et des fenêtres ? Les cours, parfois il les sèche. Souvent il est puni. Ça aussi il sèche. Jusqu’à ce qu’on vienne le cueillir dans sa tanière tellement mal rangée. Qu’on le découvre caché derrière un arbre à fomenter un mauvais coup. Mais eh, être un super-vilain, ça se fait pas en deux jours. Y’a de la préparation, c’est une réputation qu’il faut soigneusement entretenir, comme la barbe qu’il n’aura jamais.

C’est de saison disons.

Mais quelle bonne nouvelle ! En se réveillant ce matin – ou ce début d’après-midi – il a appris qu’il ne serait pas une énième fois châtié pour avoir oublié son réveil. Non, la neige est là. Les leçons, elles, sont dans les abysses des esprits. Les étudiants ont envie de s’amuser, et les professeurs ne sont pas des connards – cependant, c’est ce qu’il affirmera pour ne pas contredire son habituel discours. Quelle joie, quelle allégresse.

Lui, il aime le troll. Alors aujourd’hui, il a enfilé sa tenue ridicule de Père Noël. Il est temps de faire chier. À un jour des festivités, il va y avoir des nez pétés. Le sien ?

Une veste rouge rembourrée au niveau du ventre et qui tient chaud, un pantalon dans les mêmes tons, des bottes spéciales neiges chauffantes – ça, c’est lui qui les a créées – et le bonnet enfoncé sur la tête. La barbe, il ne l’oublie pas. Longue et blanche, elle cache habilement les cheveux bleus. Qui pourra le reconnaître ainsi grimé ?

Toute l’école.

Un Père Noël n’est convaincant que s’il emporte avec lui des cadeaux fourrés dans une hotte. Ils sont assez marrants les siens car les effets – eux aussi de son cru – sont particulièrement originaux. Et ne font rire que lui. Généralement, ils explosent. Oh, rien de bien dangereux, mais… le visage couvert de suie, d’encre, de peinture… la terrible odeur de prout ou de rat crevé… le bruit terrible à réveiller les morts… combien de temps avant une première crise cardiaque ?

Le voilà à braver l’interdit de l’hiver, la neige qui tombe en abondance sur l’Académie. Il fait froid, mais il est joyeux. Y’a une bataille de boules de neige. Ses gants optimisés sont parfaits pour cela. Lui, il balancera des cadeaux. Il a son canon à neige, il est apprêté. Il va gagner cette stupide baston à coup d’engelures. Il va gâcher la journée.

Mais n’est-ce pas Alex qu’il voit au loin – enfin, c’est relatif ? N’est-ce pas sa chère « amie », première sur la liste de ceux qu’il doit emmerder ? Oh, mais si !

La bête s’ébroue et s’agite. Il s’élance dans son costume en hurlant. Père Noël creepy, Père Noël échappé d’asile. Le sac plein de cadeaux rebondit sur son dos, il se baisse en courant, la neige glisse dans sa main. Le gant fait le reste. La boule est formée.

Alex de plus en plus proche.

Il bondit dans les airs.

– Prends ça, gueuse !

Étonnant qu’un individu pareil connaisse un terme ainsi. Le glas a sonné et s’abat sur la jeune fille. Amadán tombe sur elle, et son poing cruel et froid glisse dans son vêtement, là dans sa nuque. La neige est libérée et coule dans son dos. Le coupable pousse un éclat de rire rugissant.