Tout commença par un cri, un matin de novembre, il y a 12ans.
Toutes les naissances se font ainsi, du moins quand ça se passe bien. Mes parents étaient heureux. Pourtant... ils étaient aussi inquiets. Etant tous les deux Alices, ils avaient évidemment peur que leur enfant le soit aussi. Aussi avaient il décidés de vivre loin de tout, dans un petit village isolé des états unis, au plus près de la nature, des vastes prairies et des vieilles légendes amérindiennes. Je grandis donc au milieu des chevaux, car nous possédions un ranch. Je passais de nombreuses journées à cheval avec mon père avant même de savoir monter, à parcourir les vastes étendues de l'ouest. Il m'apprit tout sur ce que nous devions à la nature, la faune comme la flore. Il m'apprit à la respecter.

Nous passâmes des nuits dehors mais je ne me suis jamais senti en danger. Il y avait souvent plein d'animaux autour de nous, même des animaux sauvages, mon père les attirait comme un aimant. Ainsi de grandis dans la quiétude. Mes parents m'expliquèrent dés mon plus jeune âge ce qu'était un Alice. J'appris que celui de mon père était les phéromones animales, ce qui paraissait logique. Quant à ma mère, elle n'en possédait aucun mais ses deux parents l'avaient été. Je compris aussi qu'il existait une école spéciale pour les alices mais qu'elle était dangereuse. Que là bas, on essayait de manipuler les enfants. Mes grands parents en avaient fait les frais, ils avaient beaucoup souffert. Mon père en parlait comme d'une prison, et ils voulaient à tout prix que j'évite d'y aller. Car oui, j'oubliais, on a finit par se rendre compte, l'année de mes 6 ans, que j'avais un Alice moi aussi.

Ce jour là, mon poney était malade, et j'avais peur qu'il meurt. Mon père avait beau me rassurer, ce n'était qu'une maladie bénigne, il était pour moi ce qui se rapprochait le plus d'un ami. Mon Alice se manifesta alors. Je passais plusieurs heures dans ma chambre, puis à la source, et dans la forêt et revint auprès de l'animal avec un verre à la main. Je savais qu'il fallait que mon poney boive la solution que j'avais crée. Mon père m'aida, une fois que je l'eus convaincu et quelques minutes après, il allait mieux. Il s'avéra ensuite que je pouvais trouver des remèdes pour tous les maux sans gravité qui nous touchaient. Rhume, mal de tête, de gorge, je pouvais même aider les petites plaies à se refermer plus vite. Ce fut à la fois une source de grande joie, et un sujet d'inquiétude pour mes parents. Ils n'eurent plus jamais le même sourire, la même nonchalance. Car il savait que tôt ou tard, l'académie viendrait.

De mon coté, j'allais à l'école dans le village. J'étais solitaire, car j'avais peur de me mêler aux autres. Je savais que si j'apprenais que l'un d'entre eux souffrait, je serai obligé de chercher à le guérir, et mes parents m'avaient défendu de montrer mon alice. Malgré tout je ne pus m'empêcher d'entendre parler d'une douleur par ci, d'une angine par là... et finalement de réaliser des remèdes, essayant de faire en sorte qu'on ne remarque pas que la guérison venait de moi. Je plaçais la potion dans un verre à la cantine, ou sur la fenêtre d'un voisin malade... Personne n'ébruita de trop les "miracles" car ce n'étaient après tout que des choses assez bénignes et que dans le coin, les mystères il y en avaient depuis la nuit des temps.  

Et moi, je m’entraînais. Je cherchais des remèdes pour tout. Il m'en venait chaque jour plus à l'esprit et je développais une sacrée collection. Ce qui ne m'aida pas à me faire des amis...  Je préférais courir et grimper, jouer avec mes potions. Pourtant, un jour, l'année de mes 8 ans, je remarquais une fille qui n'arrêtait pas de me suivre, se pensant discrète. Je finis par lui demander ce qu'elle voulait. "être ton amie" me répondit elle. Je ne savais pas comment réagir. Je crois que j'étais perdu. Je lui permis de m'accompagner chez moi, et de voir les chevaux. J'étais fier, elle les admirait. Puis elle m'avoua qu'elle rêvait de monter. En accord avec ses parents, mon père commença à lui apprendre, et bientôt nous faisions des balades ensemble. Enfin plutôt des courses, des cavalcades. Elle était garçon manqué et je vis très vite que se salir, tout comme monter aux arbres ne lui posait aucun soucis. Nous devinrent rapidement inséparables, Maya et moi.

Néanmoins j'hésitais toujours à lui parler de mon alice. On me l'avait défendu. Il fallut qu'elle me surprenne en train de verser le contenu de ma dernière création chez une vieille dame à qui nous rendions visite pour qu'elle me prenne à part, et me demande ce que c'était que tous ces secrets. Malheureux, et avide de partage depuis toujours, je l'emmenais dans ma chambre et lui avouait tout. Les alices, mon père, mes grands parents, l'école des alice,... tout. Nous avions 10ans. Elle devient ma meilleure amie. Je pensais que personne ne comprendrait, et que j'étais condamné à être seul mais elle a tout accepté. Même, elle a commencé à m'aider à guérir discrètement les gens. Le problème c'est que j'avais progressé et que la rumeur des guérisons miraculeuses se propageait. Mes parents m'avaient déjà fait plusieurs fois la leçon mais je ne parvenais pas à m'arrêter, j'avais besoin de créer, de chercher à calmer les douleurs, apaiser les tensions, guérir les maladies.

Et ce besoin s'intensifia lorsque ma mère tomba gravement malade. Une tumeur foudroyante. Je n'avais jamais traité quelque chose d'aussi énorme et surtout, d'aussi rapide. Je fis nombre d'essais, je cherchais des jours et des jours mais ce ne fut pas assez. Ma maman s'éteignit, j'allais avoir 11ans. Je m'en voulais terriblement. je ne m'étais pas assez entraîné, je n'avais pas fait assez d'effort, j'avais échoué. Mon père malgré sa tristesse faisait tout son possible pour me calmer, de même que Maya malgré les colères que je piquais à leur égard. Je traitais ma meilleure amie comme la peste, lui reprochant de m'avoir pris du temps, de m'avoir distrait,... Pourtant elle resta à mes cotés, et je m'écroulais en larmes dans ses bras.

Dans ce contexte compliqué débarqua l'académie. Mon père les refoula plusieurs fois, et je voyais bien qu'il réfléchissais à un moyen de fuir. Je l'ai même surpris en train de pleurer, devant la photo de maman, lui demandant de l'aide. En parallèle, les recruteurs avaient décidé de créer un climat de peur dans notre petit village. Tout le monde savait à présent que quelqu'un les aidait, mais cela les arrangeait de ne pas savoir qui. Ou de faire semblant de ne pas le savoir. Alors quand, publiquement, les recruteurs se mirent à m'appeler le sorcier, qui allait forcément finir par appeler le mal sur eux, ils finirent par avoir peur... Oh il fallut plusieurs semaines, mais une petite communauté ça se contrôle assez facilement. Leurs ancêtres chaman n'étaient pas loin, leurs vieilles légendes non plus. Les mystères ils aimaient, tant que cela restait... mystérieux. Par peur, ils finirent par venir chez nous, à plusieurs pour me demander de partir.

Je n'avais pas les mots pour exprimer ce que je ressentais. Toutes ces années je les avais aidé en secret, mon père était ici depuis tellement longtemps et il avait suffit de quelques mots... je leur en voulais énormément. Néanmoins, je voyais bien que les enfants qui auparavant jouaient avec Maya et moi, nous évitaient. Pire ils évitaient Maya à cause de moi. Et mon père perdait de l'argent car plus personne ne voulait de ses chevaux tant qu'il ne se serait pas débarrasser de son fils sorcier. Alors je décidais de me rendre à l'académie. J'en parlais longuement avec mon père qui bien sur me sermonna. Mais les voir souffrir lui et Maya, après avoir perdu maman, c'était trop dur. Il finit par comprendre. Il me remit le premier fer de mon poney, pour me porter chance, et me demanda beaucoup de nouvelles. Nous allions parler encore de nombreuses heures ce soir là. Ma dernière discussion avec Maya fut plus houleuse encore. Et le jour de mon départ, elle arriva en courant pour m'étreindre et me donna un magnifique cadeau. Nous nous fîmes des promesses, de nous voir rapidement, de s'écrire,.... et finalement bien trop tôt, il fut temps de quitter le seul endroit que je connaissais.