Aline était paisiblement endormie depuis longtemps lorsque les alarmes la tirèrent de son sommeil. Toujours à moitié inconsciente, elle mit un certain temps avant de réaliser qu'un message passait en boucle à travers les hauts parleurs et encore plus lorsqu'il a fallu qu'elle se prépare. Les yeux lourds de fatigue, elle troqua son pyjama contre ses habits du quotidien et empoigna son petit sac à bandoulière avant de sortir. C'est seulement à ce moment-là qu'elle prit conscience de la gravité de la situation. La fatigue qui lui pesait il y a encore quelques secondes s'envola aussitôt, remplacée par une panique naissante.

Les élèves se dirigeaient tous vers la sortie et en bonne suiveuse, la blondinette rejoignit le mouvement. Ils semblaient inquiets et avaient tous aux lèvres la même question qui lui trottait dans la tête depuis qu'elle était sortie de sa chambre.

Qu'est-ce qu'il se passe ?

Personne ne semblait savoir ce qu'il se tramait, mais la plupart écoutaient bien sagement les ordres. Est-ce qu'il y avait un incendie ? Est-ce que c'était un exercice d'évacuation ? Est-ce que les enfants allaient être renvoyés chez eux ? Tant de possibilités et aucune certitude. Au fur et à mesure qu'elle approchait de l'extérieur, l'adolescente sentait son appréhension grandir. Puis une fois à l'air libre, elle comprit que tout irait de mal en pis.

Des hommes armés, partout. Très vite, le désarroi prit le contrôle de l'esprit d'Aline et la peur gangréna chacun de ses membres. Sans réfléchir, la demoiselle tenta de s'enfuir vers la forêt bleue mais fut rapidement remise dans les rangs par des militaires. Ils obligeaient tout le monde à aller dans la même direction et devenaient de plus en plus menaçants au fil des minutes. Résignée, elle suivit le courant en pensant à sa maman. À cet instant précis, elle ne voulait plus qu'une seule chose : se blottir contre elle en fermant les yeux pour faire disparaître tout ce qui l'entoure.

Le coeur battant la chamade, la blondinette finit par entrer dans l'hôpital qui se trouvait être sa destination finale. Plusieurs personnes étaient déjà présentes et il en arrivait en flot continu. Certains pleuraient, d'autres demeuraient impassibles. Aline faisait partie du second groupe, trop tétanisée pour faire quoi que ce soit. Alors qu'elle pensait que ça ne pouvait pas être pire, la situation dégénéra encore plus.

Sans prévenir, les lumières s'éteignirent et les portes coupe-feu s'activèrent. Pendant un court laps de temps, le silence enveloppa l'endroit le rendant surréaliste, puis les premiers coups de feu retentirent. À partir de là, les hurlements ne tardèrent pas, suivis par des bruits de pas venant de partout. Affolée, la blondinette commença elle aussi à courir dans le noir tout en ne sachant pas où aller. Sans qu'elle ne s'en rende compte, quelques mots sortirent de sa bouche ce qui refléta parfaitement son état d'esprit du moment.

« Maman... Je veux ma maman... »

Les cris à l'intérieur lui faisaient encore plus peur que les tirs au dehors et elle ne savait absolument pas quoi faire. Lors de sa course, elle heurta plusieurs choses inconnues et glissa sur un liquide chaud mais se remettait sans cesse en route. Elle fut même bousculée, se retrouvant à terre, avant de se faire marcher sur le dos.

Comme un robot, elle continua à déambuler à travers le bâtiment jusqu'à atteindre une porte facilement reconnaissable. Elle pénétra dans la pièce et sans attendre, s'allongea sur l'un des brancard mis à disposition. En position foetale et les joues baignées de larmes, elle serrait son quartz rose fort dans sa main en murmurant sans cesse la même phrase.

« Maman... Je veux ma maman... »

En résumé, plusieurs dizaines d'enfants d'une moyenne de quinze ans se sont fait enfermer dans un bâtiment en plein milieu de la nuit par des hommes armés. Ensuite des coups de feu n'ont pas tardé à être tirés à l'extérieur tandis qu'aucun adulte n'était à proximité. Qui n'aurait pas craqué ?

Lorsque Moïra apparut, Aline sentit le courage lui revenir petit à petit. Son amie aussi était paniquée cependant rien que voir le visage de cette dernière faisait du bien à la blondinette. D'autant plus qu'en se relevant, elle avait également aperçu June et Eyrik, d'autres têtes amicales, qui n'étaient pas loin.

Ce ne fut que lorsque le garçon s'exclama devant la fenêtre, qu'elle se rendit compte que le temple des fleurs s'était transformé en brasier. Qui est-ce qui avait bien pu organiser tout ça ? Encore sanglotante, elle prit la main de la brune et se dirigea devant les baies vitrées pour mieux regarder. Il était hors de question qu'elle se déplace seule à présent. Après un moment, elle finit par prendre la parole.

« Il n'y a pas trente-six solutions. Soit on explore l'endroit, à la recherche d'adultes... »

Elle toqua à la vitre pour voir à quel point celle-ci était solide. Au pire, ils pourraient toujours tenter de la casser pour sortir ?

« ... Soit on se crée une nouvelle sortie et on fonce en ville. Une idée glaçante vint à l'esprit de la jeune fille, et elle ne put se résoudre à la garder pour elle. Vous pensez qu'ils vont faire pareil pour l'hôpital avec nous à l'intérieur ?! »

Lorsque son amie se dirigea vers un garçon qu'elle remarqua pour la première fois, Aline préféra rester devant les fenêtres. Le spéctacle était désolant toutefois une chose lui avait sauté au yeux : il ne semblait plus y avoir de militaire à l'éxtérieur. Elle entendit les autres discuter derière elle mais n'écoutait qu'un mot sur deux.

Alors qu'elle allait se retourner, la blondinette apperçu des silhouettes en mouvement de l'autre côté de la glace. Elles se déplaçaient rapidement cependant la demoiselle crut en reconnaître certaines de vue. Il s'agissait d'élèves ! Ni une ni deux, elle tambourina contre la baie afin d'attirer leur attention.

« EH ! PAR ICI ! ON EST ENFERMÉ ! AIDEZ-NOUS ! »

Un plan commença à se dessiner dans l'esprit de la jeune fille, mais il fallait que les autres soient d'accord et décident de l'aider. Encouragée par la tirade de June, elle se retourna pour leur faire face et déclara :

« Eyrik tu as raison, il doit y avoir une issue mais je pense qu'il y a un moyen plus rapide. Nous devons casser cette vitre. On pourra rejoindre les élèves qu'on vient d'appercevoir ! »

Déterminée à ne pas finir en barbecue, l'adolescente alla se positionner dérrière un brancard qu'elle poussa tant bien que mal à quelques mètres des baies vitrées.

« En rapprochant ces plantes, Moïra tu pourras surement les faire grandir jusqu'à ce que la pression finisse par briser la fenêtre, voir les utiliser pour donner des coups, commença-t-elle en désignant les pots disséminés un peu partout. Quant à nous, nous pouvons les fragiliser en utilsant les brancards comme des beliers. Est-ce que vous êtes avez moi ? »

Tenant la tête du lit du lit fermement et prête à foncer telle une forcenée, elle n'attendait qu'une seule chose : que ses amis la rejoigne et lui donne leur accord.

Qui aurait cru il y a quelques secondes à un tel revirement de situation ? Il s'agissait-là de l'effet du quartz rose sur Aline. Il a fallu un peu de temps, mais les vertus émanant de la roche lui ont permis de se resaissir. Tout comme le fait de voir toutes ces têtes connues a probablement joué dans son regain d'éspoir.  

Des frissons parcoururent Aline lorsqu'elle entendit un militaire crier à l'extérieur. Elle n'avait pas pensé au fait d'attirer l'attention, et se retrouver dehors ne lui parut plus être une si bonne idée que ça. Cependant Eyrik lui ne semblait pas effrayé, chose qui redonna du courage à la jeune fille. Il était déjà dehors et essayait de trouver un plan pour s'enfuir sans se faire remarquer.

June prit alors le relais car elle avait une idée. Apparemment son alice permettrait au groupe de se camoufler ? Elles avaient déjà discuté, toutefois la blondinette ne connaissait pas le don de la jeune fille. Pourvu qu'elle ne se fasse pas de mal pour les sauver...

L'adolescente rejoignit la rousse et lui prit les mains tout en l'enveloppant d'un regard inquiet mais également bienveillant.

« On fait comme tu as dit : on n'abandonne personne et on reste unis, alors quoi que tu veuilles faire, fait très attention à toi. Une idée lui traversa l'esprit et elle poursuivit. Si tu as besoin de te concentrer, utilise ta Fluorite si tu l'as sur toi. Elle va t'aider à te focaliser uniquement sur ton objectif. »

Ne sachant pas ce qu'avait June derrière la tête, elle finit par la lâcher délicatement et s'éloigna pour trouver une cachette. Mieux valait ne pas la gêner plus longtemps. En voyant les buissons, l'Anglaise bondit derrière eux dans l'idée de continuer à avancer dissimulée. Au moindre bruit suspect, elle s'immobiliserait afin de ne pas alarmer l'ennemi. Si le plan de son amie fonctionnait, elle était prête à s'élancer le plus rapidement possible pour disparaître dans la nature.

Incroyable... C'était donc ça le don de June ? Créer un brouillard opaque quand elle le désirait ? Le plan de la rousse était vraiment excellent puisque grâce à son intervention, ils allaient pouvoir s'enfuir sans se faire repérer. Il leur fallait à présent une destination... Un endroit où les militaires ne les chercheraient pas et où ils pourraient se cacher le temps que les choses se tassent.

Alors qu'Aline se creusait le cerveau pour trouver une idée, elle se rendit compte que les pierres au sol commençaient petit à petit à léviter. Décidément, cette nuit leur aura apporté son lot de surprise... Que ce soit l'effet d'un élève désireux de se défendre ou une manœuvre des malfaiteurs pour les attraper, il ne fallait pas traîner sur place.

Les deux plus jeunes n'arrêtaient pas de basculer leur regard d'elle à Moïra, en passant par le garçon. Ils semblaient attendre que les plus grands optent pour un plan.

On peut toujours prendre la même direction que le groupe qu'on a vu tout à l'heure, fit la blondinette afin de terminer la phrase d'Eyrik. Ils allaient vers le Sud. Par là, on peut soit aller chez monsieur Winchester pour chercher de l'aide, soit à la serre où... elle regarda Moïra pleine d'espoirs, on pourrait se cacher grâce aux plantes ?

Elle n'avait malheureusement pas de meilleures options à proposer. Prête à suivre la décision finale, elle attendit que les deux plus vieux se prononcent.