Des douleurs s'étaient marquées sur lui là où elles étaient impossibles à voir. Elyas portait des fardeaux de rage et de colère, portait en ses yeux et son cœur des brûlures, de la haine.  Ça avait commencé par le silence, puis ça avait grandi. Il avait fini par être habité d'une telle tempête qu'il avait du la canaliser ; encore, encore, encore - pour ne pas qu'elle détruise.

Il avait couru, bien plus vite et bien plus longtemps que d'habitude. Il s'entraînait seul au volley, il s'épuisait, et parfois au bout de ses mains des flammes naissaient, léchaient sa peau.
Ils se riaient de lui, ses démons.  

Samuel était particulièrement mal tombé - ou extrêmement bien, il n'avait pas encore décidé. Mais son regard était devenu noir, et Elyas leva le menton.

« Par deux ou trois choses, j'imagine que tu veux dire une ? »

Il n'y avait rien qui les rattachait sinon "une". Elyas planta les mains dans les poches de son sweatshirt (il revenait de l'entraînement de volley).

« Crache ce que t'as à dire. J'ai pas besoin de toutes les fioritures que tu y mets quand tu lui fais ton cinéma à elle, alors sois direct. Qu'est-ce que tu veux ? »

Il n'y avait que peu de monstres pour le mettre à terre ; peu de monstres pour faire flancher la droiture - rigidité - de son esprit, éteindre les flammes de son courage, museler la hargne de sa rage. Elyas n'était le chien que d'un seul maître, et celui-ci n'était certainement pas Samuel.

Il s'était armé des allures de Narcisse, fier et suffisant, un air moqueur au bord des lèvres et le regard noir qui le supplantait.

« Si je ne te pensais pas incapable d'amour, je penserais que tu es jaloux. »

Mais le feu savait reconnaître la glace, et en Samuel le cœur n'était pas polaire, il était absent ; plus froid encore que le désert qui prenait place en Ace ; c'était en écho que la voix de Samuel résonnait, car il était profondément vide - il le sentait à l'intérieur de lui. Elyas n'était pas méfiant, le mot était trop faible. Elyas en avait simplement fait son ennemi, comme le chien qui identifie l'intrus sur son territoire.

En l'occurrence, le territoire portait le nom de Eulalie.

« Mais tu vois, il n'y a personne qui puisse prendre la place que j'ai pour elle. »

Il s'y était risqué, dans l'espoir de découvrir dans les yeux de Samuel un indice sur ses intentions cachées - à condition qu'elles le soient.

« Je ne crois pas que tu caches quelque chose, j'en suis sûr. Reste plus qu'à découvrir ce que c'est. »

Il haussa les épaules.

« Eulalie a tendance à aimer un peu trop fort les mauvaises personnes. »

Il en savait quelque chose, puisqu'il était de ceux-là.

« Considère qu'elle est mon radar à connards. »

Les sensations annihilées dans son épaule, Elyas fronça les sourcils. Il toisait Samuel, curieux et perplexe, sans comprendre à quel jeu il jouait. L'alice de son vis-à-vis s'était répandu rapidement tout le long de son bras et Elyas repoussa sa main avant de perdre toutes ses terminaisons nerveuses. Il haussa ensuite les sourcils, recula d'un pas comme pour avoir une vue d'ensemble sur celui qui se dressait devant lui et.

Explosa de rire.
Pour qui se prenait-il ? Dark Vador ? Imaginait-il être le grand méchant d'une fable ? Elyas reprit son souffle.

« Ah, non, arrête, c'est trop. »

Elyas n'avait peur de personne ; et de rien ; sinon de Monsieur Voltchenkov qui avait prouvé à maintes reprises qu'il était à craindre. Mais c'était une autre histoire. Samuel ne pouvait rien contre lui. Il était emprisonné par les règles comme lui.

« Crois pas que je m'intéresse à ta psyché. Et puis insulter les gens c'est peut-être un passe-temps pour toi et d'autres mais j'ai pas que ça à foutre, personnellement. »

Il avait arrêté de rire, et son sourire avait disparu avec lui. Il pencha la tête.

« Ce que tu manigances pour ton plan de domination du monde ça m'est égal. Sauf que tu devras retirer Eulalie de l'équation. C'est aussi simple que ça. »