anton. on a su le nom.
les poings ça serrent fort tu sais, même à notre âge.
fallait juste te taire anton, c’était pas tes affaires. p’tite merde.

au-dessus de leurs têtes, ça peut paraître grand. ces lattes de bois avec leurs trous d’aération. c’est cool, samuel, tu sais ? comme ça maintenant en été, pas besoin de quêter chez les grands pour avoir de l’air.

au-dessus de leurs têtes, ça peut paraître grand. parce que c’est grand, la chute. une petite étoile avec cinq fils pour le tenir droit, anaël. et puis plus de fils anaël et puis plus d’étoile et puis que du bois pas frais et il craque sous le bruit des pas quand samuel marche.

parce que dans sa nouvelle chambre, anaël ne marche pas. il est apparu ce matin dans le décor, comme une fleur, samuel. tu aurais dû le voir ; même pas un cri. tête forte. et dans sa nouvelle chambre anaël planté au milieu et sa tête levée vers le plafond, avec de grands yeux clairs qui ne voient pas la limite. percent le toit.

comme ta voix perce l’air. et elle fait vibrer son cœur, à anaël. ne répond pas, toujours fixé vers le ciel que les yeux imaginent. mais oh comme ça t’écoute. et fort et criant dans le silence de la chair. y’a que toi pour l’entendre samuel.

on mord sa lèvre inférieure, geste brutal. tes yeux samuel appellent les siens. pour toi, anaël qui redescend, regard coulant vers toi. des éclats dans ses petites perles d’enfant. des éclats que tu connais, vous vous les échangez chaque jour. violence contre le monde.

et ça n’a que onze ans et une minuscule étoile. non, en fait, plus d’étoile
le sourire lent qui s’étire. s’étire s’étire s’étire quand les poings se serrent se serrent se serrent et que le cœur pompe pompe pompe

des insectes, sam.

petite voix cassante. sifflante.

on adore tellement les promesses dans le néant de tes yeux.

nan. c’pas juste. promis juré, hein, sam. promis juré ça va flamber. c’pour ça, faut pas t’inquiéter pour le grenier. look.

les petits bras dans l’espace s’écartent. mouvement ample on dirait qu’il va engloutir la chambre.

c’est chez moi. maintenant. j’suis au-dessus sam. j’fais c’que j’veux. sam. je. fais. ce. que. je. veux. (pause) tu te rends compte ?

parce que les fils coupés, anaël complètement relâché. et le sourire de toutes ses dents.

faut casser la gueule de quelqu’un. faut casser de quoi sam. et faut qu’on m’installe.

avec leur puissance d'enfants.

un paquet de linges dans les bras. jette sur le lit.
parce qu’il a bougé – enfin, le sol craque. le bruit des fils coupés. des mouvements siens. anaël tranche l’espace

c’est le corps d’enfant jeté dans le noir.
ici, on façonnera ses propres constellations.
big bang en reconstruction.

jubile, anaël. oh il adore t’entendre parler de sang. ça saignera. toutes les dents blanches de son sourire, confiance violente. les mains qui font le geste des tripes éparpillées, la bouche fait splash! sur le lit, les vêtements,

on dirait des chairs colorées.

hoche la tête pour approuver encore et encore, lorsque samuel répète la grande vérité. maintenant tout est possible au grenier de lattes pourries. il tire la boîte où sont rangés des dvd, sur le dessus, un ordinateur portable. une seule boîte pour une seule richesse. c’est oskar, quand il appris sa chut vers le ciel, c’est oskar avant de partir qui lui a dit

pour que cela puisse égayer tes années futures. t’inspirer.

oskar l’adulte qui le faisait rêver. ça existe à présent en dehors de l’académie, l'héritage laissé derrière
et ici, anaël, aux côtés de sam tire la boîte jusqu’au bureau. se redresse, on dirait qu’il réfléchit. et les yeux retombent dans l’enfer des tiens, samuel.

anton, c’le mien. t’y touche pas, c’moi qui vais lui apprendre à fermer la gueule.

prend l’ordinateur, soupèse. mais on n’utilisera pas les affaires d’oskar, c’est précieux. alors on dépose sur le bureau. puis on claque des doigts, pointe samuel et sourire grand.

t’crois quoi ? tu m’connais ou pas, hassan ? t’as oublié mes poings ? mais don’t worry ok, si c’pas assez les poings y’a les roches dans l’parc. y’a le bois du plancher. et ça fera

les mains encore font le geste des tripes éclatées.

splash!

on s’avance vers toi. t’inquiète pas, toi il te frapperait jamais, trop semblable. moins seul.

your turn sam. t’es paré pour que les os craquent ? que les murs craquent ?

faire une hécatombe façon hamlet. quelle tragédie.

t'as déjà frappé, hassan ?

c'est vrai qu'il t'a jamais vu faire.

écarquille grand les yeux anaël
la rondeur de deux petites lunes
tête cou cœur ventre pieds mains
tout le corps tendu vers ce que

tu fais quoi alors ? tu fais quoi ?

comme pour se convaincre
parce que c’est trop cool samuel
on dirait que tu vas lui montrer la technique secrète de toutes les techniques secrètes.

alors quand samuel tu révèles ta chair
pas de sourire, anaël.
l’éclat des yeux vissé sur les stries
des lignes rouges comme une terre labourée
terre d’argile et de grès
terre mère et corps malléable
la création vraie

est-ce que ça fait mal ?

comme les coups de poing anaël.
lève le regard
plonge abîme
dans celui de samuel.
alors quand il dit
quand il fait mal aux mots aussi
anaël à son tour sourit
articule comme un chuchotement de souris
émerveillement à la suite d’un conte de fée.

moi aussi, je veux écrire sur ma peau. comment tu fais samuel ?

fronce les sourcils. curieux.

qu’est-ce qu’elle te dit maintenant ? ta bête ?

les doigts viennent toucher ta peau. on veut sentir le relief. un peu de sang peut-être. comme un pacte. petit rire alors.

ça sent. tu le ferais sur moi ? tu l'as montré aux autres ?