au lendemain, avoir écrit à asmodée. passer noël dans le grenier avec lui. entre hendrix et led zeppelin. pas eu le temps de se revoir, laëstiel. chacun à sa façon, aux frontières de son univers, dans le confort des connaissances. il y a encore des mots qu’on ne se dit pas, des silences étrangers. alors à coup de vodka, de tabac et de vieux rock chanté, anaël, joyeux noël au grenier avec la famille. et puis ceux qui peuvent revoir les parents durant les vacances, la famille pour vrai. ceux qui peuvent sortir. ceux-là bien au sol, les pieds ancrés dans la neige d’un bref retour. anaël, joyeux noël au grenier avec les potes.

pas eu le temps de se revoir que le jour de l’an se pointe.
celui-là aussi, on a décidé de se défoncer avec la fratrie. bien terminer un cycle et bien commencer l’autre. il ne s’en souvient pas, anaël, mais quand elle lui a envoyé ses sms, le grand sourire accroché au visage. asmodée qui riait de sa gueule. jamais vu le frère aussi stupide devant un message. puis ils s’envoient chier mutuellement dans la famille, parce qu’on évite encore de se poser, dire les mots pour soi avant de te les dire.

de quoi on a peur, anaël ? sans doute de trop regarder en arrière. s’arrêter sur la route et s’arracher une partie de soi pour ne jamais la revoir – peut-être.

quand on est bête, ces choses-là ne viennent pas à l’esprit. on est bien.

on est bien aussi sous la douche, parce qu’il faut tout de même se secouer un peu. réveiller cet esprit endormi dans son corps levé depuis dix heures ce matin. ça lui apprendra à dormir vers quatre heures. ironique comme on était au foyer, on est parti, tu y es allée. question de timing manqué.

puis anaël y retourne, la sangle du sac contre son épaule, une main dans les poches, la chemise des déclassés. col ouvert et manches retroussées. les cheveux encore humides. écrire un dernier sms, prévenir de son arrivée. enfin, traverser l’espace de la salle commune avec sa démarche coulante. vraiment, on se sent partout chez soi.

le grand sourire comme si la fatigue n’existait pas, tandis qu’il rejoint laëstiel à sa table. déposer le sac au sol et se tire une chaise.

yo. bonne année irl.

les étincelles au fond des yeux. ça faisait longtemps.

miss you sis'.

le jeu 1, 2, 3 soleil, promis juré, c’est anaël qui le gagne. figé total, yeux grands – ils clignent (c’est de la triche), lèvres entrouvertes dans un sourire. un peu consterné, il faut l’avouer. tandis qu’elle débite la science infuse de la politique. même pas eu le temps de répondre une connerie, dire qu’une thérapie de couple ça devrait aider au bon entendement des élus et citoyens. on écoute laëstiel comme un extraterrestre tenterait de comprendre l’espèce humaine.

son cerveau aussi est épuisé – un chouia – quand elle dépose son stylo. les yeux écarquillés davantage, la tête qui recule. pas certain d’avoir assisté à ce qu’il a bien vu. on est loin de sa révision quinze minutes avant l’examen.

yyyyyyeaaaah… rrriiight.

et puis on se racle la gorge, le regard un peu sombre et les sourcils se froncent. lèvres pincées. quinn. excuse me what que les yeux disent. coup sec du menton quand elle rajuste le tir. anaël, oui.

c’est mieux, merci.

nice harangue, magno. parée pour défier la république d’platon.

le rire succède, anaël calé contre le dossier de la chaise. d’une main, extirpe manuels puis cahiers de notes. du fourre-tout de lycée face à l’intelligentsia universitaire. on rit comme s’il n’y avait aucun écart.

tranquille. (d’un geste, ramener ses boucles vers l’arrière ; yeux rivés sur laëstiel) réveillon awesome sis’. avec les potes as always. (lèvres qui s’étirent davantage) insane. t’devrais v’nir once. aucun danger, i swear.

main sur le cœur. on referme le sac, se redresse et pose les coudes sur la table. dans ses yeux, les feux de bengale brûlants, éclatants. anaël, la jambe qui bouge. depuis le vingt-quatre, il y a tant de choses à raconter. des nouvelles qui te feront plaisir laë – on espère. avec asmodée hier, l’allégresse la vraie. tellement pure et brute. dans le cœur, la protection du totem réussie, dans le cœur, le feu de la liberté. on a regardé asmodée pour la première fois

dans les yeux.

depuis le vingt-quatre, il y a tant de choses à raconter. mais anaël se mord la lèvre inférieure, fébrile et gamin. on va attendre un peu.

de quoi t’voulais parler ? for real. because si c’juste me d’mander si j’ai passé un bon réveillon, t’pouvais ask par sms. i can see it, it’s all over your face ; qu’est-ce qui t’tracasse ?

c'est surtout qu'il y a toujours une réflexion profonde, des paroles existentielles au détour de leurs échanges. laëstiel, jamais de questions banales sans argumentaire. anaël a fini par le comprendre. entre eux, ce n'est pas du small talk. on commence les rencontres par des envies de vivre. on les termine par des banalités. nuances.

anaël, toujours la jambe bouge. pas que de l'excitation dans le regard. le bonheur simple de la revoir et c'est terrible de se dire, chaque fois, combien le cœur fond plus vite, combien laëstiel

t'es marvelous as fuck, plus j'te vois.

sorti à coup d'instinct.

hausse un sourcil, les yeux brillants, grand sourire scotché aux lèvres. et la jambe bouge toujours. hausse un sourcil de faux soupçon ; ah oui, rien qui ne tracasse l’esprit. anaël y croit très fort, penché au-dessus de la table, attentif aux paroles de laëstiel.

puis on se redresse, grande moue de tristesse, on exagère la blessure psychique. on vient poser les doigts près du cœur en battant des cils. et la voix grave qui s’invente choquée.

ça sort pas d’nulle part, it comes from mon kokoro.

la bouche vers le bas. vraiment, comme il fait pitié.
crédible anaël.
mais la suite des choses, elle, profondément sincère.

prénom nom comme une formalité. et la question dans la force de sa voix, anaël sidéré. il retourne se caler contre le dossier de la chaise, bras croisés. ses yeux posés sur laëstiel, ça transpercerait presque le manuel derrière lequel elle se cache. les lèvres entrouvertes révèlent la blancheur des dents, sourire éclatant. et hoche la tête, mouvement mécanique.

puis anaël étudie les autres élèves, n’a pas honte de les fixer dans les yeux. défiance. retournez étudier, vous êtes pas demandés.
puis il la dévisage à nouveau, ne quitte plus laëstiel du regard. ni amertume ni doute dans la voix. peut-être un peu de surprise amusée.

tell me laë, ‘til now tu m’prenais pour qui ? le sexy bad boy des highschool movies ? avec bomber et cheveux in the wind, un smile de trident qui baise les plus belles et c’tout ?

rire doux. revient poser les coudes sur la table.

j’suis sad, magno. (moue tragique) j’suis con et j’sais pas m’prendre la tête pour les cours, mais c’pas mon kink les one night. j’ai pas non plus les skills pour.

d’une main délicate, forcer le livre à se baisser, révéler la splendeur de l’esprit qui transparaît sur le visage de laëstiel. on sourit toujours, anaël.

j’préfère quand ça dure, ‘fin i think so. (haussement d’épaules) surtout avec toi. never feel like that before. j’ai pas tes mots, j’ai pas ta sensibilité. mais quand j’t’ai dit qu’tu m’plaisais, j’croyais c’tait clair qu’y’avait un truc between us.

c’est vrai qu’on s’est fait rembarrer trois fois. dans le couloir du grenier et doublement dans ta chambre. c'est vrai que c'est arrivé au moment où anaël te demandait ce que tu pouvais bien ressentir, vraiment. mais ça va. il commence à être habitué. alors se faire rembarrer maintenant, dans la salle commune, ce ne sera pas différent.

j’reformulerais the question par contre. j’sors avec toi anytime, laë. mais j’sais pas, toi t’as envie d’un mec stucked au grenier qui pourrait pas gagner une joute dialectique contre descartes ?

se passe la langue sur la lèvre inférieure, la mord. et la jambe ne bouge plus. dans les yeux, beaucoup de sérieux. à son tour de craindre le rejet. bras croisés devant toi, peut-être une façon de se protéger.

pour moi, rendu là, on est d'jà ensemble. j'me trompe ?

j'espère que non.

on rigole yeah.

il lui a tiré la langue en retour. imitation. dans le geste de regarder à gauche et à droite aussi. inverser le sens, vérifier comme tout le monde reste concentré sur leurs devoirs. attendre sa réponse à elle.

on n’avait pas posé de mots dessus. parce qu’on est davantage doué avec les gestes que la parole.

non jamais vraiment parlé, because never thought t’étais si upset avec ça. like, qu’tu doutais that much. pas juste pour les conquêtes (grimace malice). c’pas comme si les fois où j’t’ai ask d’me dire c’que tu feelais, tu m’as kick out you know.

clin d’œil. on ne finit pas de se clasher entre vous. c’est si simple en effet. du moins, pour lui. anaël, cœur à vif qui ne se pose que peu de questions. disponible, car dépourvu de redevance. on ne te demandera jamais rien en retour, laëstiel. peut-être seulement la confiance. anaël dont le corps n’a pas appris à justifier son existence, autrement que par le respire. puisque personne n’exige de nous de succéder au trône.

pour toi, débuter le processus de réflexion. de l’amour dans les yeux quand il officialise par un simple coup de menton et un

we’re dating.
cool, awesome.

tu les vois, laëstiel ? au fond de ses iris, les feux d’artifice comme si c’était le quatorze juillet. tu as raison, c’est mieux de mettre les choses au clair. placer des mots, parce que bordel, là tout d’un coup, l’année est très belle. et ce n’est que le début.

la jambe qui bouge à nouveau, effervescence devant elle. se passe une main dans les cheveux. avec l’humidité de la douche, les boucles affaiblies.

congrats sis’ ! t’voilà coincée avec le bad boy cheveux in the wind. mais souvent c’l’intello ou l'artiste qui gagne dans c’tes movies non ? (fronce les sourcils, inquiétude exagérée) maybe j’devrais porter lunettes et étudier now. but wait

ouvre un cahier de notes, anglais. exercice d’analyse sur of mice and men. great ! dézippe l’étui, installe crayon et gomme à effacer, se recule, calé contre le dossier, penche un bras vers son sac, trifouille, extirpe le roman de steinbeck, pose sur la table et

fouille dans la poche de son pantalon. prend son cellphone, se met à taper. les yeux fureteurs vers laëstiel, sourire en coin. appuie sur send, dépose l’appareil près de son cahier. prend son roman et fait tourner les pages sans quitter laëstiel du regard. attend qu’elle reçoive son message.


grand con. et tandis qu’il cherche la page où s’était arrêtée sa lecture précédente, anaël plus sérieux précise

j’te promets autre chose, magno. t’en pense c’que t’veux. mais no matter what, jamais j’te trahirai.

il t'aime trop pour ça. et anaël tient parole. la jambe qui bouge davantage parce que soudain, on a vraiment, vraiment très envie de te partager la nouvelle qui lui trotte dans la tête. ça doit se voir à ses yeux fébriles, l'agitation dans tout le corps.

pouce levé, rt pour approuver. et les yeux disent que ça fera aussi des efforts de son côté. des efforts pour ne pas trop envahir ton espace, tenter d’accorder son pas au tien. du mieux possible. anaël, sans regret, faire un geste vers la collectivité. puisque c’est là que tu te trouves.

c’est bien parti, non ? quand elle semble l’assassiner du regard, continuer de sortir son matos. madame étudie, autant la supporter. c’est bien parti, non ? on y croit. grand sourire fier devant son expression lorsqu’elle lit son sms, se mordre la lèvre inférieure – non par nervosité, mais par enfantillage – en réponse au geste. on tourne les pages pour faire du vent, la tête peu affectée par le coup. seules des boucles qui ont dansé, un peu. la voix résonne à la suite de son rire et le cœur fond à son contact.

laëstiel, bouffée d’air frais dans le parfum de l'existence. raviver les yeux encore accrochés aux vestiges d'un pilier familial. raviver leur éclat. sans elle, il aurait fallu laisser le temps polir sa peine. nourrir l'amertume. attendre que pop ne soit plus qu’un mot, comme on dit bonjour si aisément.

paraître ?? mais je suis intelligent.

le ton beaucoup trop dramatique, syllabes articulées, appuyées. avec le cou qui se redresse, la main pliée devant soi, petit doigt levé. faut arrêter de le vexer, laëstiel, son pauvre ego ne le supportera pas davantage. son ego de comédien à la limite de l’improviste et de la farce. burlesque anaël qui

hausse les sourcils. surpris. cesse de s’éventer avec les pages du roman.

what a choice sis’. t’étudies l’break up entre citoyens et élus d’puis quand ? (pose le livre sur la table, geste brusque) let’s make a deal.

penché au-dessus de ses coudes, anaël se rapproche de laëstiel. on reconnaît la malice sur ses lèvres.

important d’prendre des pauses dans la révision. tu end c’te partie et on s’kiss s’t’en a toujours envie. pendant c'time moi j'lis. faut s’détendre you know. and

il est si près, un millimètre entre leur nez. anaël, des feux de bengale dans les yeux, sur le ton de la confidence.

quand tu s'ras dispo après la politique, j'pourrai maybe t'apprendre d'quoi. like, une façon possible pour se toucher sans qu'ton alice embarque. sérieux.

mais il ne faut pas déranger les grands esprits. alors anaël se recule, reprend son livre, rouvre son livre commence à lire son livre avec son air soucieux. studieux.

mais for now, t'es occupée, j'te bother plus.

penche la tête, hausse les sourcils, yeux grands, moue consternée et haussement d’épaule. tourne la page. il ne sait pas, anaël. c’est écrit sur tout le visage, acté dans tout le corps. il ne sait pas, anaël, de quoi elle parle.

lui ? découvrir quelque chose ? absurde. les cancres ne découvrent rien, c’est pas les grands génies de l’histoire – on oublie volontairement einstein. mais surtout, les efforts doivent aussi se faire de son côté, anaël

non, mais no worry sis’. c’rien, j’te jure. t’es occupée, more important les études. la politique, les dickhead d'hypocrites qui nous lead et tout, right.

on continue de lire. s’il devait être honnête, anaël, il aime bien steinbeck. c’était livre au choix pour l’exercice d’analyse. il pourra même comparer avec le film, pousser la réflexion. et encore une fois, piétiner la fierté du prof. parce que le cancre parvient à obtenir une bonne note. oopsie.

mais les yeux de laëstiel sont intenables. c’est beau quand ils pétillent, c’est beau de la voir l’esprit dans le suspense. c’est beau de l’entendre vivre. l'envie de l'embrasser si forte, le cœur pulse trop. on fait semblant de résister. puis anaël, gestes lents, referme son livre, dépose sur la table, prend un respire

et

okokok. listen.

se replace sur sa chaise, replace ses boucles brunes, regard dans le vide qui remonte vers son visage, l’énergie dans les veines. le feu dans les iris. frénésie. la jambe bouge vite tandis que les mains devant lui, entre eux, s’animent.

i can’t touch you. right. BUT. (pointe l’index vers elle) things gonna change laë. c’pas on point, (écarte les mains, moue dépitée) not yet. mais j’ai test hier avec asmo et for the first time j’y suis arrivé. (index sur la tempe) consciemment.

tourne autour du pot, anaël. il adore ça.

what i mean, ou essaie en tout cas, c’est qu’je crois mon deuxième alice peut (index contre son cœur) m’protéger (index vers le cœur de laë) contre ton pouvoir.

dans la hâte, il a oublié l’essentiel. alors d’une main balaie l’espace, nonchalant.

ah ouais by the way, plot twist. paraît j’ai un autre alice. moi-même j'suis still en train de process la chose.

pince les lèvres. puis claque la langue contre son palais.

not really. (secoue la tête) i mean, pas entièrement. it worked hier, mais today – now – j’sais pas.

retire ses mains des tiennes pour s’emparer de tes épaules. des gamins qui viennent de découvrir le secret de l’univers. l’avant big bang. ça se renvoie la brillance du regard, cœur espoir au bord des lèvres. anaël, grande foi en l’avenir, plus immense encore à présent.

c’possible laë ‘cauz c’pas un truc d’annulation. j’précise.

lâche ses épaules, langue sur la lèvre inférieure, mains dans le vide qui tentent de visualiser.

c’weird ok, parce que j’essaie d’catch moi-même. mais en gros, j’crois j’crée des sculptures like des espèces de charms. (fronce les sourcils) ils ont pas l’air d'durer longtemps. with asmo c’tait pas plus d’une heure indeed. mais voilà, y faut j’les confectionne dans certaines conditions, but ‘m still tryin’ to figure out les conditions.

lève un index.

la seule que j’connais, et maybe plot twist j’suis dans l’tort, c’est qu’il faut j’pense à la personne contre qui le charm est créé. nothing else, laisser aller the creation.

anaël la dévisage, le cou tendu, bras écartés. puis se penche vers son sac, farfouille à travers son matos d’étude. extirpe une forme abstraite, ressemble à une goutte. le tissu bleu royal parsemé de points d’or. une goutte d’étoiles contre les yeux d’asmodée. forme dans sa main ternie, usée. tissu élimé.

j’crois ça s’dégrade when it doesn’t work anymore. (semble réfléchir) you see ? still tech magno. asmo, c’because on s’voyait au jour de l’an. t’es la deuxième avec qui j’veux test. so after ton étude, go in my room ? or yours, (hausse les épaules) whatever.

l’urgence de vouloir savoir. maintenant. futur proche possible avec toi. contacts comme avec n’importe qui. l’urgence de savoir si on sera utile. pour la première fois de son existence. t’aider à vivre mieux. coûte que coûte.

mais good luck t’es stucked with me pour un temps.

ah oui ?

il la regarde faire. ramasser son matos à la hâte. elle met son manteau ; anaël songe à ranger ses propres affaires. sourire en coin, les yeux font un tour rapide de la place puis la dévisage. plus rien à cacher.

alright.

sac contre l’épaule et mains dans les poches, monter au deuxième puis déposer son stock au pied du lit. anaël reste debout tandis qu’elle retire ses gants, tandis qu’elle lance d’une phrase ce qu’il a tenté d’expliquer en vingt. devant laëstiel, marcher d’un bout à l’autre de la pièce.

exact, façon porte-bonheur. et pour l'fabriquer, j'dis faut j'songe à la personne, mais non ? 'fin, c'est nouveau, j'explore. parce que la first time j'pensais à rien sauf être sauvé d'l'obsession d'notre prof pour edgar allan poe. et plus tard dans c'te journée j'ai rencontré yingyue. la fois avec asmo, bah j'pensais à son alice that's it et au moyen d'le contrer.

et les yeux grands soudain, illumination. une main levée devant lui, anaël recule. se tourne vers la porte.  

one minute laë, j’re.

se souvient que c’est fermé à clé, fait demi-tour, demande la clé à laëstiel, ce sera pas long qu’il dit, hâtif, puis quitte la chambre.

revient des minutes plus tard. sous le bras, un tapis de travail roulé – emprunté à daphne. à l’intérieur, nouveau matos personnel. parce qu'il pourra rien créer avec des manuels scolaires.

ok, let’s try. now, as you said. sorry j’emprunte ton bureau, faut j’me replace.

dans le cœur, urgence. mais les gestes calmes, parce qu’on n’a pas envie, pour une fois, de brasser l’espace. inventer un sanctuaire, penser.

penser laëstiel. il s’installe, anaël, le silence contemplatif. déroule le tapis, observe ce qu’il a rapporté. une main dans les cheveux, fronce les sourcils. la première manifestation devait être début décembre. la réalisation s’est faite vers la fin de l’année. trop de pièces manquantes pour l’instant, mais un sentiment familier – une pulsion. ne pas réfléchir, anaël, mais son esprit doit s’accrocher à quelque chose. l’envie de se désennuyer durant le cours. l’envie d’aider asmodée.

un besoin.

tu peux m’raconter ou m’lire un truc, please ? need to hear your voice.

papiers de soie, fil de fer et bâton de colle. il y en a une, quelque part, qui façonne des merveilles. on la croirait orfèvre. et dans l’ici et le maintenant, anaël, matériels rudimentaires. disponibles.

cœur et esprit disponibles.

on a répondu merci sis’ et s’est retenu de l’embrasser. on ne sait toujours pas. un peu de frontière parasite encore – mais tu verras, tu verras que ça ne durera pas. urgence qu’on a dit. de te prouver que ton alice n’a foutrement rien à voir avec les nouveaux hfdghs ! que tu provoques. ça, par contre, toujours pas avouer. c’est en cours.

caler davantage le dos contre la chaise, les mains de laëstiel sur ses épaules et anaël, sourire bref. reconnaissance. abandonner les muscles à tes gestes, oublier tout le reste du corps et

s’accrocher. l’esprit tout entier sous ton nom. dans la voix, pas que l’histoire. la petite fille, on l’imagine avec tes cheveux, avec tes yeux, les mollets qui l’ont défié un matin de novembre.

il s’est passé, quoi,

deux mois ? deux mois de résistance, puis reddition. alors qu’il se rebelle contre l’académie depuis dix ans. tu devrais vendre ta recette aux profs, laëstiel, tu ferais tout un business. et tandis que tu racontes, l’esprit torpeur parce qu’on se sent si bien dans l’écho de ta présence. et les mains travaillent. papiers contre fils de fer. des couches, des dimensions. transparence du papier qui devient opacité. une aile. l’esprit forgé sous ta pensée. seconde aile. on veut te toucher laëstiel. comme une amie. comme un amour. c’est pas compliqué, semble-t-il, simplement vouloir prendre ta main bon sang ! où est le mal à vouloir te faire un foutu high five. fdp d’alice. pour deux ailes – pas si pire avec le matériel à disposition – il faut un corps. le fil de fer manié comme giacometti travaille ses êtres longilignes. et l’assemblage. comme ton récit, tout était pensé.

alors aux derniers mots les dernières finitions. anaël, tranquille, dévisage le papillon dans sa paume. des ailes mobiles en plus, parce qu’il y a inséré du fil de fer. holly fucker, depuis quand j’sais bricoler ??? intuition de l’alice. au-dessus de la tête, un anneau. pour y passer une corde et passer la corde à son cou. façon collier, pas suicide. toujours l’envie de vivre quand anaël se redresse, se retourne vers elle.

maybe no need d’lui annoncer qu’ils sont dead. cauz ils le sont pas tapissés comme ça. just like guy fawkes est still alive avec le mythe de v for vendetta.

lève les sourcils, sourire en coin. se rapproche. plus que deux centimètres entre eux.

ton père a l’air awesome.
peut-être qu’il se serait entendu avec le mien.

puis éclater la distance, caresser sa joue, front contre front. répéter l’expérience, la victoire d’hier. une fois, rien qu’une fois. prouver qu’on peut faire une différence. la force dans le corps de supporter les coups, les insultes et tous les pouvoirs du monde s'il le faut. résilience ou impertinence, ça dépend du point de vue.

et les feux de bengale dans ses yeux. peau contre peau. rien de plus.

we got it. laë.

anaël rit. c’est peut-être nerveux. surtout taquin. la voix tendre qui va avec.

bah magno, nothing to say ?

non, rien à dire. la fougue contre ses lèvres et on y répond avec autant d’ardeur. des baisers qu’on ne savait ni recevoir ni offrir, perdre un peu de raison dans chaque seconde. séparation seule pour ne pas trop mourir, l’embrasser encore et brûler. on n’est pas mieux. mains contre sa joue puis à travers ses cheveux ; caressent son cou, s’arrêtent sur ses hanches. ton corps contre le sien et anaël ne te lâche pas. on ignorait comme c’est bon de vivre enlacés pour un temps. juste comme ça. complètement s'abandonner à ta présence, y accorder la sienne.

il rit encore à la question. mord sa lèvre inférieure, fiévreuse malice.

pas certain qu’le destin est that reckless pour foutre un trash boy sur ta route. naaan

entoure laëstiel de ses bras, dépose un baiser dans son cou. puis sur ses lèvres.
nouveau souffle. sourire.

ou alors il était bourré as fuck. see, ça a du bon les shooter party.

puis dans ses bras, on te soulève, exclamation gamine. c’est anaël, on est loin du prince charmant. et du bureau au lit, sur la couette, sans te lâcher, on se laisse chuter comme deux enfants. pas d'hier ni d'aujourd'hui ni de demain. juste la fébrilité du cœur parce qu'on a le tien contre soi. on oublie tout laëstiel. on ne garde en mémoire que votre révolte. parce qu'il faut avouer que sur la tonne d'élèves de qualité académique, tu avais largement le choix et il devait y en avoir largement prêts à surmonter ton alice.

anaël aussi, en train de process que c'est réel.

chicken butt sis' ! c'est wholesome là. vas-y révise ta politique à voix haute, don't wanna let you go.

quand ils s’asseyaient sur le balcon, les champs à l’horizon, la forêt derrière. et la senteur des bois sur le corps comme un manteau. et le vent sur l’herbe avant de les décoiffer. personne. que les voisins. pour les entendre, il fallait franchir les premiers champs.

c’est l’odeur des arbres qui est restée collée contre sa peau. complique le deuil. on le croit parti chaque nuit casser tout et rien, empiéter sur un espace privé. et quand ce n’est pas le cas, passer sous les radars pour rejoindre la forêt. se percher sur une branche. juste ça.

le parfum des bois et de la cigarette. contre la peau de laëstiel parce qu’on aime l’embrasser. puis on se redresse sur un bras, anaël, s’invente terrifiant.

à ma merci and i won’t spare you.

voix shakespearienne. retombe. ça n’aura duré que le temps d’une réplique. fait une moue, fausse hésitation. oui, non. non clair que tu n’allais pas discuter de politique. les mains de laëstiel sur son visage et avec les baisers, celles d’anaël le long de ses jambes.

sourire nouveau. on ne se le connaissait pas. ou peu. de cette courbe sincère sur le visage, on dirait qu’elle émerge d’une histoire antique, avant le dôme

avant le balcon de ses vieux. un bonheur humain de savoir que tu n’as plus peur. on se récitera ces mots en ton absence.

i hope so. cauz j’me trouve quand même moins scary qu’chucky. (silence ; on a les yeux au fond de ton regard, c’est déstabilisant) don't know s'tu sais que t’apportes fucking dans c’te monde. tu fais du bien laë.

lève un sourcil, sourire en coin.

à moi at least.

puis fuck le reste. anaël se tait parce que ses lèvres ne quittent plus les tiennes, ton cou, tes épaules. gestes assurés, tu le lui permets, quand les mains glissent sous le gilet. remontent le long de ta peau – la sienne frissonne. redécouvrir tes courbes parce qu’on n’a pas osé la première fois (seulement du bout des doigts).