Y’a des événements qui rythment la vie, c’est bien normal.

Mais là, c’est trop.

L’académie est reine des célébrations à deux balles où les gens se retrouvent. Franchement, ça sert à quoi d’être entouré de cassos ?

D’abord, y’a le bal. Faudrait déjà trouver un partenaire. Et pas si facile, quand on est un chieur. Puis ça pue les paillettes. Durant le bal, il y a une croyance bête et ridicule qui voudrait lui laisser l’espoir qu’il pourrait, hypothétiquement, tomber amoureux et sortir avec le partenaire qui partagera sa dernière danse ?

Non, sorry, je suis pas amoureux de moi-même.

((Noël arrive plus tard, et s’il y a des bons côtés, ça n’est pas pour autant qu’il apprécie la totalité de la chose. De toute manière, il aime râler. Mauvaise foi, va))

Mais pire encore, la nuit des étoiles. Légende à deux balles pour faire pleurer dans les chaumières, l’idée des vœux aurait pu être bien trouvée s’il n’avait pas arrêté de croire au génie de la lampe depuis bien longtemps.

Ouin ouin.

Quelle est l’utilité de quitter son grenier pour se les cailler dehors, si on peut se les cailler à l’intérieur, sous la couette ? Hm… faire chier les gens. You got a point. Gâcher leur soirée et partir en courant avec la tête criblée de cailloux.

Flemme, totalement.

Mais quelqu’un en a décidé autrement. Et la soirée prend une toute autre tournure lorsque Gwen – ennemie amie, ovni – débarque dans sa chambrette et lui chante ses louanges aux oreilles. Rien à dire, il est convaincu.

On va commencer par l’embêter elle.

Son manteau est vite sur son dos, et il quitte la pièce, téléphone rouillé à la main. Quand il reviendra, tout sera froid, il ronchonnera et aura de la peine à dormir. Il ronchonnera plus tard.

Car le temps est à l’action !

La jeune femme est rapidement trouvée. Assise sur le sol, elle semble étrangement paisible. Eh… ils vont se bouger le cul dans la joie et la bonne humeur à partir de quand, exactement ? Les pieds dans le plat, il s’élance et rebondit sur son dos. Les bras autour de son cou, il ne la lâche pas.

– Oh, connasse, la prochaine fois, tu me dis poliment bonjour en entrant dans ma piaule ok ? Imagine si je…

Silence éloquent. Ses doigts viennent chercher ses deux joues et appuient dessus. Pouet pouet. Dommage que ça ne fait pas ce son-là. Il aurait dû lui coller un coussin péteur sur la face.

– C’est pas con de m’avoir sorti de mon trou, au final. Le sol est pas confortable, mais au moins on peut rire aux éclats et déranger les merdeux qui croient au Père Noël.

– Mais ça me concerne ! Si tu savais tout ce que je cache sous mon lit !

Elle ne peut le voir, mais il sourit Amadán. Il sourit de toutes ses dents, tout fier des livres peu recommandables qu’il a en sa possession. Une remarque ? Pas du tout ! Il ne fait que s’instruire sur un sujet comme un autre, rien ne sert de critiquer.

Les mains du grossier personnage quittent de force le visage de la blonde, à regret. Pour ne pas les laisser en plan, il le pose simplement sur ses épaules. Leur position actuelle n’est pas confortable, n’est pas esthétique à regarder – deux singes dans un zoo – mais ça ennuie Gwen et donc il est content.

– J’suis pas un gamin, je crois pas à ces conneries ! Tu m’as pris pour qui ?

Son menton glisse sur le crâne de la jeune femme, ses yeux scrutent les environs et il soupir avec un reniflement agacé. L’espoir, les pleurs, que de braillards enfants qui pensent qu’un miracle va tomber du ciel. Et quoi ? Y’a des étoiles qui volent dans les cieux, qui les éclairent cette nuit encore, c’est tout. C’est scientifique et simple à expliquer.

Sauf que lui, il ne sait pas le faire.

Il sent une certaine mélancolie chez sa partenaire de bêtises et ça ne lui plaît pas. Ses sourcils se froncent, mais il n’a guère le temps de songer à la chose, de penser à la secouer un peu – en lui hurlant dans les oreilles, par exemple. Elle se débarrasse comme elle peut de lui et c’est lui qui se retrouve bientôt en position d’infériorité, écrasé.

– Oh, la grosse, tu m’écrases là !

Bien sûr, tout cela n’est qu’amour et affection. C’est toujours comme ça entre eux. Une sorte de haine mais qui n’en est pas. Apprécie-t-il sincèrement la jeune fille ? Il ne saurait en être sûr. Mais il kiffe l’emmerder, la faire tourner en bourrique. Même si parfois ça va trop loin, s’il finit avec un œil au beurre noir. Il veut pas qu’elle quitte l’école dans quelques années, il veut encore rester avec lui. C’est comme si cette relation pas forcément saine le rassurait et lui faisait du bien.

C’est peut-être ça, tout compte fait.

L’amitié, l’amour, les sentiments. Des notions maladroites pour Amadán qui bouillonne de rage à tous moments de la journée.

C’est pas si mal finalement. Il ferme les yeux. Trop de niaiserie là tout autour. Il ne veut pas voir cela, il tient à préserver sa vue. Gwen parle et sous-entend d’innommables bêtises. Il ricane et lui tire quelques mèches de cheveux pour la punir de l’avoir cru si con.

– J’ai prié la Sainte Tartine de me sortir de cet enfer puant mais j’l’ai mangée juste après car j’avais faim, j’pense que ça a pas marché du coup.

Il gigote et finit par se défaire de l’emprise de la blonde. Enfin de l’air ! Il essuie ses vêtements plein d’herbe et s’assoit à côté d’elle, simplement. Ses jambes viennent simplement se poser sur les siennes, comme s’il recherchait le contact. Le contact chiant.

– Et toi, je sais que t’as prié la Sainte Chaussette pour que je te foute la paix, dommage que tu l’aies lavée ! Par conséquent... je serai toujours là pour t’ennuyer !

Humour Amadánesque, ne pas chercher plus loin.

Être simplement proche de quelqu’un, même pour lui mettre les doigts dans les yeux et pousser fort. Être proche de quelqu’un, même pour lui arracher les cheveux en hurlant. Amadán n’en a pas conscience, mais si Gwen, et tous ceux qui comptent – un peu – pour lui n’étaient pas là, il n’en serait pas moins aigri et désagréable, bien sûr, mais beaucoup plus triste. Et la tristesse, c’est pour les faibles et pour les enfants, et c’est de la merde.

Les gens autour doivent sérieusement froncer les sourcils en voyant ces deux idiots dans des positions grotesques à s’attraper comme s’ils voulaient se frapper. Normal pour l’adolescent aux cheveux bleus, étrange pour les autres. Il est incapable de poser des mots juste sur la relation qu’il entretient avec « sa connasse préférée ». Puis, ça sert à quoi ? Ben à rien. Ils sont bien comme ils sont.

– Ouais, t’as grave besoin d’arrêter un peu de manger et de me piquer mes bonbons, j’vais finir étouffé à force !

Et il tire sur une mèche de cheveux, faussement mécontent. Les bonbons, par contre, ça il pardonne pas. Monsieur bosse, aussi étrange que cela puisse paraître. Il fait des inventions super cool contre quelques rabbits, et ce n’est pas une « branleuse, voleuse, méchante, mais dégage quoi ! » qui va attraper impunément le fruit de son labeur.

Il s’étouffe pour de bon, mais pas pour les mêmes raisons.

– Nan mais tu oses ! J’suis plus un nain ! J’ai grandi ! J’fais un mètre septante maintenant, sale planche à pain !

Il s’installe bien, Amadán, sur les cuisses de la blonde. Heureusement, ses jambes ne sont pas fort lourdes, car c’est pas vrai, il mange pas tant que ça. Mais il y met de la force, si seulement c’est possible. La bloquer, l’empêcher de s’échapper et se venger. Ses vengeances sont rarement toutes douces, elles ne font pas plaisir. Pluie de coussins péteurs sur la tronche à sa pote, elle a intérêt à bien se tenir d’ici-là.

– T’inquiète pas pour ça, je vais brûler cette école, tu le sais bien.

Le fruit de sa haine est bien trop puissant pour qu’il ne tente pas dès qu’il aura l’occasion. Et ce ne sont pas les punitions qui vont lui faire peur. On pourrait le torturer, le massacrer qu’il aurait toujours la rage dans les yeux, l’envie de tout détruire.

– Mais j’avoue, tu vas me manquer un peu. Mais juste un peu, hein !

Et il se contorsionne pour attraper la jeune fille dans une étreinte des plus inconfortables. Ouais, non, il n’a pas besoin de réconfort. Non, il ne se sent pas triste à l’idée qu’elle partira avant lui. Il tente juste de lui briser les os.