Il y a l’image de cette petite fille, cette enfant âgée de trois ans. Dans les bras de maman, cette petite fille observe une autre scène que celle qui se joue en cet instant. Oz, le grand, celui qui la dépassera toujours parce qu’il est né premier, plus grand aussi, ce même Oz hurle dans son dos une joie qu’elle n’a jamais entendue avant. Derrière son dos il y a cette grande voiture noir, ces hommes vêtu comme papa pendant le travail, un costume noir et blanc, sobre, tout est sobre ici. Elle pourrait s'interroger de ce qui se joue hors de sa vie, mais la petite fille observe tout autre chose. Regard curieux vers le ciel, doigt sur les lèvres, la vision flou d’un autre grand, plus petit qu’Oz, mais plus intéressant. Ce grand là, on ne sait pas pourquoi à l’époque… Mais il sourit.

Ce grand là, on ne l’a plus revu depuis.

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❆ Queen c’est la quatrième, le second chiffre pair d’une fratrie de sept enfants. Queen est une enfant promise, la petite princesse, la poupée à habiller avec douceur. Queen nommée reine parce que c’est ce qu’elle est pour maman et papa. Impératrice à la maison, qu’on surprotège et berce dans un royaume où il n’y a qu’elle. Queen choyée, conditionnée à un statut d’enfant précieuse. Pourtant elle n’est pas toute seule, Queen, et petite elle regardait partout sauf là où il fallait.
❆ Des relations avec sa fratrie elle ne garde que peu de souvenir. Elle se souvient du plus grand, Oz. Elle se souvient qu’elle ne l’aimait pas beaucoup. Oz fallait pas rentrer dans sa chambre, fallait pas le déranger. Trop occupé qu’il était, elle n’a jamais compris pourquoi, Oz on lui disait pourtant souvent de travailler quand il était à la maison. Elle a le vague visage de son autre frère et de sa soeur. Queen elle n’était pas souvent avec eux, Queen elle avait sa chambre à elle et maman ne la laissait jamais seule. Puis il y avait cet autre grand frère, lui on n’en parle jamais. Il a existé, on le sait, mais son nom ne résonne plus dans les murs, pourtant ce frère, elle sait qu’elle l’a observée fut-il un temps, que c’était même le plus beau à regarder. Après elle, sont venu trois autres têtes blondes, des bébés dont elle ne garde que peu de souvenir là aussi.
❆ Queen grandit dans une maison bien trop grande pour elle, son univers c’est sa chambre. On lui apprend rapidement à compter, à écrire, Queen est une enfant qui n’aime pas beaucoup la simple théorie. Queen aime participer, elle se trouve très rapidement un amour pour les mathématiques, les sciences, les expériences, les exercices où il faut toucher, manipuler.
❆ Elle n’a jamais jouée à une console de jeu, son quotidien c’était les puzzle, les jeux de construction. Un jour elle est allée dans le bureau de papa et à pris un Rubik's Cube qu’elle prenait alors pour une objet coloré. Elle ne l’a plus jamais quittée depuis, elle en a même un nouveau chaque année.
❆ Une vie normale, mais bien. Pourtant un jour tout bascule. Ce soir-là, maman sert de la soupe. Queen déteste la soupe. On se chamaille pour la faire avaler une première cuillerée. Queen grogne, s’agite puis finit par souffler pour faire voler le liquide loin de sa bouche. Pourtant quand la soupe tombe, elle fait un bruit. La soupe est devenu un glaçon verdâtre. Maman pleure pour la première fois.
❆ Maman donne des gants à Queen, interdit de parler sans qu’on le lui demande. Les hommes en noirs viennent une première fois. Le soir même papa explique que Queen est grande, que Queen va partir avec lui au travail, en voyage, que ce sera marrant parce qu’on fera plein de casse-tête sur le chemin.
❆ Pendant deux ans on ne voit plus trop la maison, on part des semaines entières avec papa, on rentre un jour, repart ensuite. On prend des cours à domicile, papa ramène des cahiers, on étudie ensemble le soir et on ne comprend pas pourquoi il nous regarde comme-ci c’était toujours la dernière fois.
❆ Puis un jour qu’on était à la maison, les hommes en noirs sont revenu. Ils ont demandés après Queen. Maman a encore pleuré. Mais cette fois-ci les pleurs n’ont rien empêché.
❆ Du haut de ses sept ans, elle a étreint une dernière fois maman et papa avant de monter dans la voiture. On lui a dit que tout irait bien, qu’elle allait allée dans une école pour les enfants spéciaux, qu’elle ne serait pas seule, parce qu’il y aurait un grand frère à retrouver là bas. Queen pleurée tout le long du chemin, les voyages sans papa elle n’aimait pas ça.
❆ Une arrivée à l’académie compliquée, nouveau monde, trop de gens autour. Queen se ferme par maladresse, s’adapte mal à cet univers qui n’est pas le sien. Elle se plonge un peu par désespoir dans ce qui lui parle, les cahiers d'exercices et les énigmes.
❆ Se fait rapidement une réputation de bonne élève et trouve dans son amour pour du bien faire une forme d’acceptation et de valorisation.
❆ Mais si les cours c’est génial, la récréation c’est l’enfer. Queen n’arrive pas à nouer avec les gens, c’est toujours houleux. Alors Queen s’isole, trouve des jeux solitaire et ne quitte pas cette dynamique depuis.
❆ Elle retrouve son frère aussi, mais là aussi c’est “houleux”. La fratrie ce n’est pas maman et papa. Pourtant Queen s’accroche à cette figure oubliée, le dernier lien qui la raccroche avec la vie d’avant. Une relation particulièrement étrange entre rejet et besoin d’approche. On trouve dans les yeux du frère une envie de lien, un besoin de retrouvaille inédit. C’est un travail long, on a pas une alice de glace pour rien.
❆ Des premières années compliquées mais on a fini par trouver ses marques. Queen, bonne élève, trouve en l’épanouissement scolaire un épanouissement personnel. Se tient à bonne distance des gens parce qu’on a failli blesser plusieurs fois avec son alice, parce qu'on s’est blessé plusieurs fois le coeur aussi. Du haut de ses douze ans, Queen est une enfant complexée, très attachée à son confort. Elle se sert de ses études, de son image positive de l’institution pour exister, se valoriser. Pourtant Queen se sent très seule, manque d’objectifs et de rêves personnels. Elle se cherche, pour le moment elle n’a trouvé que l’envie de rendre fier les parents, rendre fier les professeurs, peut-être rendre fier son frère. Un jour peut-être.