Un soupir laché, il enfilait un serre manche autour de ses poignets avec l’espoir que cela aiderait a les maintenir en place peu importe ses mouvements, avant de recouvrir le tout d’une veste noire aux manches bien trop ajustées à son goût. Il les préférait un peu plus grandes, les manches se devaient de recouvrir ses poignets, elles le devaient. Jamais il ne s’était débarrassé de cette manie, de cette habitude malsaine de cacher la moindre parcelle de sa peau pour cacher des marques qui ne sont plus depuis des années. L’esprit focalisé sur ces manches il n’avait alors même pas remarqué les ailes de chauve-souris qui ornaient sa veste alors qu’il quittait sa chambre.

Les manifestations de ce genre avaient toujours eu le don de l’angoisser un peu, de le rendre nerveux sans qu'il ne puisse réellement comprendre. Et pourtant, il avait dit oui quand elle était venue. Peut-être avait-il senti qu’en réalité il n’avait pas d’autre choix qui s’offrait à lui, qu’un refus aurait été ridicule et probablement regretté. Il avait dit oui sans trop de soucis, avec légèreté et sans arrière pensée. Après tout, ils étaient passés au dessus de tout ça. Non ? Il y avait toujours ce petit sentiment de gêne qui flottait au dessus de ça, mais ils de plaisaient à éviter le sujet, à faire comme si rien de tout cela n’existait.

Laëstiel passait difficilement inaperçue avec sa chevelure flamboyante et alors qu’il s’approche d’elle en tirant nerveusement sur ses manches il remarque avec amusement les oreilles de chat. Avant prendre un air faussement déçu suite à son semblant de questionnement. « Si tu savais. Tu m’as volé ma dernière danse, mes voeux de bonheur. T o u t. »

Elle prend sa main et il a ce léger mouvement de recul, ce petit reflex qui le rend tout crispé l’espace de quelques secondes. Juste le temps que sa peau ne réalise qu’elle portait toujours ses gants. Il y avait cet air de soulagement qui pouvait se lire depuis l’autre bout de la pièce qui avait alors pris possession de son faciès. «  Tu avais pourtant l’air bien déterminé à rejoindre les autres à l’instant. Serait-ce les oreilles de chat qui te rendent soudainement hésitante ? » Il n’avait pas spécialement envie de danser, il n’avait pas spécialement d’envies et ça, il refusait de l’admettre alors il jouait la provocation, il jouait au garçon un peu piquant et taquin afin de ne pas être celui qui cède en premier.

Sourcil haussé, le garçon semble considérer quelques instants l’histoire de chat noir de la rouquine.  «  Il me semble que un chat noir c’est porte malheur. Tu ferais mieux de te méfier. » Ce qu’il songeait dire sur le ton de la plaisanterie ne semblait finalement plus aussi amusant à ses oreilles une fois dit a voix haute. Cela ressemblait bien plus à la réalité qu’il ne le voulait réellement. Lèvres pincées il se tait pendant quelques instants avant de se faire de nouveau traîner par la main au niveau du buffet. Et il étouffe un petit rire alors qu’elle s’était ruée sur les choux avant de finir par manquer de s’étouffer avec. «  Tu sais que rien de tout ça ne va s’envoler, hein ? » Il attrape a son tour un petit four, sans cesser de fixer sa manche, alors qu'il la voit se déplacer légèrement le long de son bras il accélère son geste avant de finalement la remettre en place une fois la bouchée engloutie.

Sans plus de cérémonie il s’attaque a un second avec cette même minutie qu’au premier jet. Et finalement a mi-chemin il s’arrête avant de la regarder, repensant a ce qu’elle avait dit plus tôt. «  Il faudrait déjà que j’ai quelqu’un à qui l’offrir, pour la faire. » Il joue alors avec ses manches, tirant dessus comme-ci ces dernières allaient gagner les centimètres qu’ils manquaient pour que l’esprit du jeune homme soit apaisé. «  Et tant qu’à revenir sur ça, je te retourne la remarque. Ne me dis pas que tu n’as trouvé personne depuis... » Phrase coupée le garçon enfonce ses mains dans les poches de son pantalon. « ..le temps ? » Il était gêné et gênant au passage. Lui-même à se mettre sur un terrain glissant en essayant de faire le beau, en essayant de jouer un rôle qui n’est pas lui. Il ne savait pas ce qu’il cherchait à faire ça, à dire ça à agir comme un sombre idiot. Peut-être attend-t’il le moment où il se cassera la gueule avec son mauvais jeu d’acteur et où l’on verra le gamin en manque d’attention, en manque d’amour. Il voudrait lui demander pourquoi lui et pas un autre. Pourquoi a-t-elle pensé a lui et pas à quelqu’un d’autre ? Elle a d'autre personnes, d’autres candidats, non ? Alors est-ce que Leandre était un peu au dessus des autres ? Rien que cette pensée lui réchauffe le coeur mais il a peur que cela ne soit un mensonge. Alors la question elle tourne, elle tourne. «  Pourquoi moi ? » Les yeux s’écarquillent, la question ne devait pas sortir et l’agitation qui animait son expression en témoignait parfaitement.

Et là, il ne savait plus trop quoi lui répondre. Elle avait raison en un sens, les bruits de couloirs qui se faisaient entendre au sujet de la demoiselle n'étaient pas très flatteurs et témoignaient bien de comment réfléchissaient certains. Leandre avait presque envie de soulever que tout le monde n'était pas comme ça, mais ça aurait été injustifié et Laëstiel n'avait probablement pas envie d'entendre ça. Et il devait se l'avouer, il se plaisait bien à être un des rares qui ne rentraient pas dans les cases qu'elle avait énuméré. Il se sentait flatté et il se sentait bien mieux ainsi.

Son regard n'avait pas quitté la moindre des mimiques de sa cavalière, détaillant nerveusement le moindre clignement de ses yeux, la moindre expression qui pourrait crier qu'elle se forçait à bien paraître. Pessimiste dans l'âme le chat noir n'était aucunement rassuré jusqu'à ce que la réponse n'arrive finalement. Et cette réponse, elle avait eu tout l'effet inverse de la bombe qu'il attendait. Il s'attendait à une moquerie, à être considéré comme un bouche-trou, à n'être, finalement, que l'occupation de la soirée mais il n'en était rien. Les iris n'avaient pas bougées, elles étaient toujours plongées vers elle mais il y avait ce tendre sourire qui venait de se dessiner sur le visage de Leandre. Il n'avait pas honte de se sentir heureux d'entendre ça, de se sentir, encore une fois, important.

Il reste quelques secondes sans dire un mot, quelques secondes durant lesquelles il ne semble pas comprendre, durant lesquelles il semble ailleurs, probablement sur ce petit nuage qui aujourd'hui n'était pas simplement là pour cacher le bleu du ciel. « Je pourrai te dire la même chose.» C'était sorti naturellement, sans aucun jeu, c'était Leandre qui parlait et pas la fausse carapace qu'il s'était construite. Il ne précisera pas ce qu'il lui retournait, il ne précisera pas si il s'agissait de la première partie, de la deuxième puisqu'en réalité il s'agissait des deux. Tout ce qu'elle venait de lui adresser était également ce qu'il ressentait à son égard. Elle faisait partie des rares avec qui il partageait quelque chose de comme ça. Une des rares avec qui il pouvait laisser un peu tomber le jeu sans qu'on le juge, sans qu'il n'ai peur de quoi que ce soit.

Ses pommettes un peu rougies, gorge raclée nerveusement le garçon voulait se reprendre en main, estimant s'être un peu trop laissé aller sur des confessions prononcées à demi-mot. Un autre petit four en bouche, un regard lancé vers la piste de danse. Il se disait que ce soir au moins, ils pourraient profiter autrement qu'en se goinfrant de petits fours qui étaient bien meilleurs que ses repas.  « Ça te dit de dépenser ce que tu viens d'engloutir ? Histoire de nous ridiculiser un peu. » Main tendue dans sa direction, le côté ridicule résidait surtout dans le fait qu'il ne savait vraiment pas si il était capable de danser convenablement. Des bals de fin de festival, il n'en avait pas beaucoup dansé, il n'avait pas non plus énormément participer les autres années. Alors cette, année, il ferait l'effort. Pour elle.