Un jour tranquille pour lire un roman d'amour sur un des canapés du salon commun de l'école. Un jour tranquille pour gratter des gâteaux à tous les riches qui avaient déposé des sucreries sur la grande table pour proposer un goûter.
Tu n'aimais pas spécialement profiter des autres, mais tu te savais innocente dans l'opportunisme qui t'animait. Tu devais juste survivre ici, même au pris de quelques doux sourires et mikado glissés entre deux doigts.

Tu allais retourner à ta place lorsque tes jambes se fauchèrent sur un obstacle inconnu. Tu t'étais ramassé la tête la première sur le tapis, dans un cri aigu de douleur. Un peu sonnée et gênée par la chute qui avait déclenché quelques rires, tu t'étais recroquevillé un instant sur toi même pour encaisser la douleur dans la dignité et t'étais redressé pour observer et identifier un coupable.

La voix de Carmin résonna dans ta tête, et tu n'avais pas compris le sous-entendu méchant dans sa phrase. Du moins, pas au début. Tu étais bien moins sotte qu'avant.

— « Eh... ! C'est toi qui m'a fait tomber ? Ça va pas la tête ? »

A genoux sur le sol, tu remettais tes cheveux blonds en arrière, les recoiffant avec une grâce insoupçonnée.
Tu allais attraper sa main pour te relever, lorsqu'il décida de se rétracter.
Tu fronces les sourcils, et ton alice s'enclenche comme automatiquement pour parer le sien.

— « Et en plus tu te moques de moi... Tu me fais pitié Carmin. Être gratuit et méchant ne t'ouvrira pas les portes du paradis comme on dit. »

Tu n'avais compris comment un visage d'ange pouvait cacher un démon pareil. Tu ne lui avais jamais rien fait, jamais rien dit. A croire que tu continuais d'être une cible facile aux yeux des méchants garçons. Quelle tragédie d'être une gentille fille, parfois.
Carmin se moque encore de toi, usant d'une ironie que tu arrives à percevoir cette fois-ci. Tu aurais voulu lui répondre, acerbe, mais la honte et les rires des autres te pétrifiaient sur place. Tu cherchais à puiser de la force, quelque part au fond de toi pour l'affronter sur son propre terrain.

— « Tu es vraiment abject Carmin. Ne crois pas t'en tirer aussi facilement. »

Tu bloques toujours son alice, le souffle court. Il remet en question l'existence du paradis et tu lèves les yeux au ciel. Pour lui qui ne vivait qu'à travers les enfers, ça ne t'étonnait même pas. Dieu lui-même ne réussirait pas à les rendre clairvoyants.

— « Je... Si tu le dis oui. »

A sa dernière remarque, tu fléchis sur tes cuisses pour te redresser. Il est plus grand que toi et malgré tout, prise d'un élan de courage naif, tu lui fais face en osant deux pas vers lui.
Les sourcils froncés, les joues gonflés par la colère, tu le fustiges du regard en serrant les poings si fort que tu enfonces tes ongles dans ta paume.
Tu voulais déceler la raison de sa méchanceté.

— « Je sais pas c'est quoi ton problème Choe, mais sache que tu me fais pas du tout peur. ESPECE DE ... DE ... SALE ! »

Incapable de rajouter une insulte à la suite.