Rares sont les personnes qui se rappellent d'évènements datant d’avant leurs quatre ans. Jill n’en fait pas partie. De sa vie avant l’académie il ne lui reste plus qu’une bribe de souvenirs, un instant : une porte qui s’ouvre dans un grincement, elle lui semble si lourde pourtant un sentiment de fierté semble l’envahir. Une odeur fruitée s’échappe de l’entrebâillement. L’odeur de sa mère, Jill en était certaine. Ou peut-être l’espérait-elle seulement ? Jamais elle n’a su à quoi correspondait ce fragment de son passé. « Probablement la première porte que tu as ouverte ! » lui disait on sans cesse. Pourtant la jeune fille ne pouvait s’empêcher de penser qu’il s’agissait d’autre chose. Une chose bien plus forte. Une chose qui changerait toute sa vision du monde.

S’il y a bien une chose qui frustre Jill c’est l’ignorance.  Voilà pourquoi elle s’est résolue à résoudre tous les mystères qui lui feraient face. Mais peut-on réellement tout savoir ? Jill croit en la vérité. La vérité universelle qui régule tout l’univers voire plus. La chercher ne sera pas tache facile mais qu’est-ce qu’une vie sans se poser de questions ? Et ce qui est certain c’est que Jill s’en pose des questions. C’est pour cela que ses infiltrations dans l’académie ont commencé très tôt après son arrivée. Elle ne se rappelle plus quand elles ont commencé mais pourtant elle se souvient parfaitement de la première fois où elle s’est fait prendre. Un surveillant l’avait repéré, elle, la reine de la discrétion. Elle se souvient encore entendre des pas d’adultes derrière son dos. La frayeur qui l’a parcourue à ce moment-là.  Le sermon qu’on lui avait infligé, lui expliquant qu’il y aurait toujours des mystères et qu’elle devait éviter de chercher une vérité qui la surpassait complètement. Elle s’en était sorti avec la perte d’une étoile à l’époque, son étoile, elle n’avait jamais été aussi triste dans sa vie mais pourtant si déterminée. Ce discours, visant à l’empêcher de continuer ses infractions, l’avait rendue bien plus forte et décidée à chercher la vérité.

Puis, il y eut ce jour, elle était jeune, c’était une erreur.
Sa meilleure amie souhaitait par-dessus tout sortir de l’académie. Tous les soirs, Jill l’entendait pleurer depuis sa chambre, un simple mur les séparait. Les sanglots semblaient inconsolables, ils ne s’arrêtaient jamais. Une fois, elle passa la porte de sa chambre. La jeune fille rousse lui sourit, c’était comme si cette dernière l’attendait depuis des années. Elles parlèrent durant toute la nuit, devenant de plus en plus proche à chaque minute. Ainsi elles commencèrent à former le pire duo de l’académie : elles en faisaient de toutes les couleurs au personnel. Elles ne respectaient que très peu les règles mais avaient toujours des alibis en béton face à chaque situation. L’établissement leur semblait comme une immense aire de jeux où elles pouvaient faire ce qu’elles voulaient. Dès que l’une se trouvait dans une position délicate, l’autre entrait en scène pour la tirer d’ennuis. Elles étaient à la fois partenaires et confidente. Il était quasiment impossible de les voir éloignées l’une de l’autre.
Cependant, la rousse souhaitait être libre. Au contraire, Jill devenait de plus en plus attachée à l’académie avec le temps. Même si elle était souvent mal vue par les adultes présents, elle sentait que toutes les réponses à ses questions se trouvaient là. Elle n’avait rien connu d’autre. Qui sait ce qui l’attendait à l’extérieur ?  

Il y eut ce jour, après des mois de négociations, sa meilleure amie avait enfin réussi à la convaincre de la laisser partir. Mais Jill était elle prête à abandonner sa partenaire ? De toute façon pouvait-elle reculer maintenant ? Elle se trouvait devant le champ de forces. Elle se concentra afin de l’ouvrir. Elle allait signée son arrêt de mort à l’académie. On lui faisait confiance pour ne pas ouvrir la barrière. Elle voulait que sa meilleure amie reste avec elle. Jill avait peur. Qu’allait-il se passer après ça ? Elle sentit le champ de forces se fissurer très légèrement. Non, elle ne le voulait pas. Même si elle essayait de se convaincre son amie avait les motivations nécessaires pour qu’elle ose ouvrir le portail, c’était faux. Juste parce que c’était sa meilleure amie ne voulait pas dire qu’elle devait faire une croix sur ses valeurs. Alors, elle s’arrêta mais la fissure était bel et bien là.

« Désolé, je… J’en suis incapable. Je n’arrive pas à briser le champ force. »

Depuis ce jour, la rousse ne lui avait plus jamais parlé. La laissant seule, seule dans l’académie qu’elle avait trahie.