il y a quelque chose qui boue en lui. une infinie jalousie, une colère contre lui-même qui l'injure, le frappe, met à terre. et le professeur pourtant, d'un sourire radieux en rendant la copie -
c'est une excellente note, lindberg.
mais l'excellence n'a comme but la perfection, et il n'a pas réussi à l'atteindre. les trois étoiles à son col lui ont toujours suffi, il n'a jamais essayé à s’enquérir du rang de major, s'est toujours dit que cette étoile-là unique et sainte ne viendra que d'elle-même. il est très occupé à examiner sa copie, recompte les points, corrige nerveusement les erreurs idiotes de calcul au stylo noir. à côté de lui il y a nancy qui a reçu sa copie et ce qui lui est insupportable c'est qu'il existe plus fort, qu'il en était capable car nancy l'a réussi - oui il s'avère que nancy a eu un micro-point de plus. il range l'outil de correction dans sa trousse avec une amertume irradiante, le visage tendu.

il aime sincèrement nancy si bien qu'ils se mettent souvent ensemble avec henrietta, tous les trois ; l'on vise ainsi une perfection presque acquise à leur niveau, complète les manques de l'un par le savoir de deux autres. il tapote du bout de ses doigts sur la table, ne peut s'empêcher d'envoyer des œillades envieuses sur l'espace de travail de sa voisine où tous les stylos sont étalés et surtout où trône le résultat du labeur de son travail à elle.
le problème n'est donc pas son amie mais plutôt tout ce qu'elle représente ; un désordre savant si bien qu'il en est profondément frustrant pour quelqu'un qui se range naturellement dans les cases, sans jamais se risquer aux chemins broussailleux qui attisent sa curiosité.
tu as dû beaucoup travailler pour avoir cette note. je peux regarder ? son ton est excessivement sec - orion n'est qu'un adolescent qui peine à réguler ses colères.

il serait injuste qu'il refuse de donner sa feuille à son tour. il glisse sa copie dans un bruissement de papier jusque la table de nancy, appuyant son coude sur la surface plate. son menton se loge dans sa paume de paume tandis qu'il observe sa voisine s'enquérir de ses erreurs. orion mordille un peu sa lèvre inférieure en réfléchissant, ne peut pas s'empêcher d'au-moins remettre les stylos bien droits d'une main évasive sur le bureau de nancy. relève sèchement les yeux quand elle l'apostrophe avec une délicatesse polie, un respect qu'il peine à discerner et à concevoir - car il ne peut imaginer qu'on ait du respect pour ce qui nous est égal ou inférieur. je ne travaille pas avec les gens. c'est vrai, c'est trop contraignant, ça lui prend trop de temps de chercher à s'améliorer à travers les autres ; il veut bien aider, conseiller, mais il n'aspire qu'à une montée et une réussite solitaire à cet âge.

il a répondu tout honnêtement, sans complexe de son égocentrisme effrayant pour les adolescents de son âge. nancy n'a pas besoin d'aide, du moins pas si elle ne lui en donne pas. et je ne pourrais pas travailler comme toi. une des erreurs de la jeunesse est sa tendance à tout interpréter trop vite alors cet orion-là, cet orion qui n'est pas tout à fait arrivé à maturité, se méprend sur les capacités de nancy. aperçoit plutôt un être mystique qu'une élève, porte beaucoup d'interrogations tout contre son coeur qu'il n'ose pas lui poser par décence. et puis, tu as henri non ? lui se convient très bien à lui-même.