Tu y avais réfléchis Ezéchiel, longuement, très longuement réfléchis, à en grogner de frustration, à s'en secouer les cheveux, à en soupirer de dépit - tu y avais réfléchis, Ezéchiel, à la section Nova, il est vrai mais surtout, surtout, à comment le lui demander à lui. Son avis. Tu étais quelqu'un de particulièrement impulsif et direct, prendre quatre chemin et réfléchir autant, ça ne te ressemblait définitivement pas - entre nous, l'idée à peine traversée que tu te serais précipité à ses côtés pour avoir la réponse à tout ce qu'il pouvait bien penser.

Mais voilà. Tout était différent entre vous, tout avait changé, enfin, pas vraiment, mais un peu quand même - assez pour te brider un temps soi peu, assez pour te refiler des cas de conscience la nuit, assez pour être là, en ce moment, à se demander où et comment lui parler, où et comment lui demander cet avis qui t'étais particulièrement nécessaire quant au choix que tu te devais de faire.

Tu y avais pensé, à n'en avoir rien à faire - juste par fierté mal placée et, on se l'avoue, par rancune, mais tu t'étais très vite repris. Tu ne pouvais pas lui faire ça sans l'en informer avant, sans savoir et comprendre ses explications ; et ça t'enrageais un peu, de ne pas pouvoir faire autrement, de ne pas pouvoir être réellement indépendant - mais quand c'était lui, ah, quand c'était lui... que pouvais-tu y faire vraiment ?

Tu avais choisis son dortoir, parce que même si la moindre intimité entre vous avez des airs déplacés et imparfait, tu voulais être en sa seule compagnie pour ne pas être influencé ou dérangé par les regards extérieur. Tu avais choisis son dortoir et on s'attendrait à te voir apparaître directement dans sa chambre et non pas subitement devant sa porte, le dos contre le mur, la respiration anormale à te persuader qu'il te fallait toquer, rentrer sans même demander et prendre place à ses côtés.

Pourquoi c'est devenu si compliqué ?

On soupire et on se reprend, Ezéchiel - ça allait deux minutes ces airs hésitants et cette appréhension affligeante. Ça se secoue les cheveux, ça pivote vers la porte et sans plus réfléchir, on toque. On toque avant de voir apparaître celui pour qui on attendait comme un idiot depuis cinq minute dans le couloir - et juste à le voir, ton corps se détend déjà.

Salut. T'as vu j'ai appris les bonnes manières, maintenant je sais comment utiliser une porte, je peux rentrer ? on le dit un peu vite, parce qu'on en a un peu marre de stationner dans le couloir. Alors on s'engouffre, on se glisse dans la chambre avant de se tourner vers lui. On peut parler ou tu es occupé ? et ça demande après qu'on se soit immicé, pas de est-ce que je te dérange ? parce que la question en elle-même était absurde.

Pourtant, pourtant,
Ça l'avait dérangé.
Que tu sois là.
Durant l'été.
Lui.
Et toi.

C'était de trop, n'est-ce pas ?

Alors on se mord les lèvres à en abaisser les paupières, avant de replanter avec une hargne nouvelle tes deux orbes sur sa personne - ça se caresse le bout des ongles avec les pouces, seules preuves de ton soudain malaise.

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et on arrache les ailes des papillons dans le ventre

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On le détaille en silence à l'entente de ses premiers mots, c'est les grands yeux qui analysent le moindre de ses gestes, la moindre de ses phrases et puis finalement, on détourne le regard, parce qu'à trop le regarder, le cœur s'amuse à s'élancer - on a envie de le maudire, comme si ce dernier s'était finalement réveillé au pire instant de ta vie, comme s'il s'était dit eh ça fait huit ans que tu le connais maintenant tu vas l'aimer mais du genre pas comme un ami si tu vois ce que je veux dire ; on a envie de le tordre de ses doigts à en dégorger le sang qui s'y trouve quitte à en avoir plein les mains.

Ça enrage. Ça énerve. Mais on ne dit rien, après tout, tu avais dit ce que tu avais à lui dire, plus d'une fois et, si tu te retrouvais maintenant avec ça et bien tant pis, c'était ton problème et Jay en avait très certainement bien d'autre qu'il ne voulait pas partager avec toi.

On apparaît bien vite sur le lit, dos au mur on croise les jambes et on s'avachis un peu - ça dépose le visage entre les paumes, coudes sur les genoux ; on ne le regarde pas, on ne le regarde plus.

En fait... je voulais avoir ton avis sur quelque chose... et on prend son temps, c'est qu'il était occupé, alors tu pouvais très bien le laisser reprendre ce qu'il faisait, révision, dessin, ce qu'il voulait - tu ne lui demandais pas toute son attention, après tout, cela pouvait peut-être lui donner une excuse pour ne pas te regarder.

Est-ce que tu as honte de moi, Jay ?
Il ne vaut mieux pas y penser.

J'hésite à intégrer la section Nova... on prend une mèche de cheveux, celle en haut du front et un commence à tresser un peu n'importe quoi en parlant en même temps. Parce que déjà, je pourrai un peu plus parler à mes parents. et c'était un argument de poids. Je pourrai aussi aider ceux qui sont près de moi. c'est à dire toi mais on ne le dit pas. Et que ça donne du pouvoir. ça, on le cache pas.

Et puis, on lâche ses cheveux, on redresse le menton, on l'observe, enfin, le contemple - tu aimerais bien lui tresser les cheveux, à lui.

Mais peut-être que c'est un mauvais choix. Je sais qu'on ne vois pas l'académie pareil tout les deux... et ton avis compte pour moi, je sais que, quoiqu'on en dise, tu veux le mieux pour moi. qu'importe ce qu'il s'était passé, Jay, tu resteras toujours son meilleur ami, tu sais, qu'importe que tu ais honte de lui, qu'importes qu'il soit en colère, qu'importe tout ça, il sait que tu l'aimes un peu quand même. Et je ne veux pas faire un choix que tu n'approuveras pas. Est-ce que c'est une mauvaise idée ?

On penche la tête.

Qu'est-ce que je fais, Jay ?

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montre-moi le chemin à emprunter

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Éclat de joie qu'on ne contient pas, on fait tinter la gorge d'un rire dont on connaît la mélodie par cœur - c'est l'écho du petit bonheur - alors peut-être qu'on oublie, qu'on le veut, cette atmosphère qui nous étouffe, qui nous dis qu'est-ce que tu fais là ? alors que tu en avais tout les droits.

Haha de ouf ! Enfin, tant qu'ils sont derrière moi tu sais, ça peut parler je les entends pas. épouses-tu de tes lèvres le sourire jusqu'aux prunelles - et quand le regard se dévoile à nouveau, on se perd sur l'oiseau qui s'envole à tire d'aile.
Trop mignon... purement et simplement avant que les sourcils ne se froncent et que le menton se repose sur le poing.

Pourquoi les miens on pas cette gueule... ? qu'on marmonne presque à soi-même.

Mmmh... C'est vrai que d'un certain point de vue, l'académie s'est dégradée. poses-tu comme un fait, c'est que de ton côté, tout te convenait, mais tu étais de ceux qui marchait bien droit sans se retourner en se pliant aux règles, aux devoirs, tout simplement parce que ça devait être ainsi - l'académie offrait tant de chose qu'il serait bien ingrat de ta part de l'accabler de reproche, mais il serait bête de ne pas saisir que la restriction des droits et le renforcement des règles ne convenait pas à tout le monde.

Est-ce que ça soulagerai Jay, si tu n'y allais pas ?

Est-ce qu'y aller t'offrirais réellement des avantages que, tu trouvais, déjà exceptionnel. Tu n'avais à te plaindre de rien, tu ne manquais de rien, tu vivais bien et dans le confort ; avoir plus de pouvoir était-ce réellement une nécessité ? Les parents ou Jay, c'était aussi un peu le fond du problème et dans l'un ou l'autre, tu ne délaissais jamais vraiment le premier.

Dernièrement j'ai vu Cassiopée et ça n'allait pas fort. Cassiopée qui était major et membre des Nova, justement. Peut-être que c'est un signe que je ne dois pas trop y songer... elle allait vraiment mal et j'ai pas trop envie d'être accablé au point de me perdre moi-même dans tout ça... et on se parle à soi-même comme on te parle à toi, les yeux ont quitté l'oiseau pour se perdre dans tes cheveux, à nouveau - c'est qu'à regarder ton visage il y a l'indécence qui se peint sur le corps, on préfère éviter.

J'ai vraiment envie que tu sois fier de mes choix. Alors je vais peut-être abandonner l'idée. on le dit comme ça, sans détour, parce que c'est vrai tu sais, Jay on est pas très doué pour faire les choses comme il faudrait, mais on essaie vraiment, vraiment, de te plaire.

Si tu n'as pas confiance, alors moi non plus ! et en lève un doigt théâtrale avant de se prendre la poitrine des deux mains dans un excellent jeu d'acteur - paupières abattues Aaaah... adieu mes privilèges ! Adieu mon pouvoir sur le monde ! Il me fallait faire un choix... j'ai fait trente pas en arrière du major, que vais-je devenir... Les gens n'auront rien à dire pendant plus de deux jours, sur ma gueule ! Que vont-ils faire... Que vont-ils devenir ?! Jay qu'as-tu fais..   

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cachant derrière les pitreries une loyauté sans borgne

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Un aïe inutile et les mains sur le front alors que tu ris allègrement, tandis qu'il te morigénait sur ton semblant d'apitoiement. Comme si tu n'avais jamais profité de ma salle de bain ! Plus de confort pour moi veux dire plus de confort pour toi ! mais on ne le dit pas à voix haute, parce que ça faisait un moment que d'un commun accord totalement silencieux, vous évitiez l'intimité de l'un et de l'autre - ta présence ici n'était pas exceptionnelle, mais moins évidente que depuis l'été dernier.

Alors le souffle se perd et on l'observe peut-être un peu plus longtemps qu'il ne faudrait, avant qu'il ne formule sa question. Et étrangement, il y a quelque chose chez-toi, Ezéchiel, qui se précipite, comme si ton cœur s'était mis à faire un putain de sprint. Il y a des milliers de choses que tu voudrais lui demander. Comme par exemple : Pourquoi ?

Est-ce que je te dégoûte ?
Est-ce que tu vas bien ?
Pourquoi tout est différent ?
Pourquoi tu regrettes autant ?

Alors peut-être que pour une fois on baisse les yeux - il y a le malaise qui vous poursuit depuis des mois qui vint se poser de tout son poids sur vos épaules ; et quand bien même tu te fichais en général de cela, des bonnes manières et des conséquences de tes paroles - là, tout était différent. Tu préférais te jeter du toit que de le perdre. Jay était ton exception et tu ne prendrais pas le risque de faire quoique ce soit qui l'éloigne de toi - et le problème, cependant, c'est que tu avais déjà l'impression que c'était le cas.

Tout était flou. Pas clair. Et tu détestais ça.
Pourtant, à lui, tu lui devais bien ça, n'est-ce pas ?
Tant pis pour toi.

Non, t'inquiète, je vais te laisser bosser, t'as l'air vraiment deter cette année je vais pas
t'accaparer plus longtemps. et tu ne sais pas ce que tu fais, ce que tu dis, Ezéchiel, ça ne te ressemble d'aucune façon, ça semble si faux, si dissonant et sous la pression du cœur mourant, tu as l'impression de te trahir toi-même, lui aussi, vous deux - cela n'avait plus le même sens qu'auparavant.

Tu te redresses vite, en même temps, cachant une panique étrange alors que tu l'observais à la volé avant de marcher jusqu'à sa porte - partir subitement aurait été d'autant plus troublant pour lui ; pourtant, tu avais envie de partir, vite, comme si tu te rendais subitement compte que ta place n'était pas ici, qu'il n'en voulait pas et encore moins dans ce lit.

Il faut que tu partes.
Il faut que tu partes.

La main sur la poignet, on se détourne.

Désolé d'avoir dérangé - mais on ne le dit pas, parce qu'on a conscience que tout ça, ça ne nous ressemble pas.

On se voit plus tard ?

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comme si on avait peur que ce ne soit pas le cas

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Des mots sans saveur et sans consistance pire encore est le timbre de la voix qui donne des envies de vomir - tu ne le reconnais pas ; ça n'est pas lui, ça n'est plus lui, où étais parti le Jay que tu aimais, celui qui était ton meilleur ami, ton confident, ton Tout - il n'en restait maintenant plus Rien.

Pourtant c'était bien lui, là, devant toi - et c'est comme si tu ne le voyais pas. Si peu lui que s'en est frustrant, rageant, l'envie de le secouer une énième fois et de rendre des comptes pour la centième fois - mais à quoi bon quand c'était toi le problème Ezéchiel ? Pourquoi n'avais-tu plus ta place auprès de lui ? Pour trop de choses très certainement - peut-être qu'en atteignant ce point culminant d'intimité il avait remarqué à quel point tu étais laid.

Ouais... on le détaille un instant avant que le regard ne se perde sur le sol - comme si on le redécouvrait. On fait ça... et la poignée de porte roule sur le côté, un pied dehors comme une liberté - on se retourne un instant pour lui lancer un salut expéditif, avant de refermer la porte avec autant de brusquerie que de délicatesse.

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et à peine le temps de cligner des yeux
qu'on disparaît

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