c'est de la douleur. de la douleur à l'état pur. elle se retourne dans son lit, fixe le plafond, s'assied puis se rallonge en se glissant sous la couette molletonnée. elle ne peut pas s'empêcher de questionner l'existence d'evgeny, d'y apporter un immense point d'interrogation en rouge ; rouge passion pour celle qu'evgeny efface, pour celle qu'il fait disparaître quand dans son coeur tout est furieux.

ça fait déjà un moment qu'elle se questionne sur le sens d'une telle existence, remet en cause l'absence de colère, le silence troublant d'un coeur qui désire s'enivrer - car c'est ainsi que l'humain survit, à la puissance de ses propres pulsations.

à quoi bon ?
à quoi bon vivre si quand on se couche le soir, on s'endort sans se poser aucune question ?

bientôt il faudra aller manger et affronter le reste du monde et elle se demande si elle trouvera le regard d'evgeny qui la cherche un peu, tout comme le sien farfouille la foule pour y trouver sa silhouette. quand elle se lève finalement, renfile ses chaussures et remet ses cheveux en ordre, observe si dans le miroir que son maquillage est toujours en place (efface de la pulpe du pouce le noir qui s'est effrité sur ses joues, qu'elle essuie sur sa jupe) avant d'ouvrir sa porte. elle se dirige vers les escaliers paisiblement, se dit qu'elle attendra le reste de ses amis qui viennent de plus haut (peut-être même que carla mangera avec elle) même s'ils sont déjà passés - dans ce cas elle les trouvera en bas. elle regarde les escaliers montants, amenant mécaniquement ses ongles à sa bouche. une oeillade s'échappe à sa droite et elle le voit - lui - s'approcher. carmen lance un regard à sa gauche, espère secrètement qu'il va parler à autrui mais non - elle est la seule idiote à attendre ici.

ses muscles se crispent douloureusement, et elle est aux aguets, prête à déguerpir s'il tente quoique ce soit - parce qu'il sait, il sait qu'elle l'observe. il sait qu'elle le fixe de manière éhontée. désolée - je - elle ne sait même pas de quoi elle s'excuse tandis qu'elle évite de l'observer, maintenant qu'il est près de lui.