Zora ne se souvient pas de son arrivée. C’est comme si elle était née parmi les murs, que l’académie l’avait créée. Qu’elle était le produit parfait, l’évolution programmée de ce lieu déclamé.
Elle a souvent prit ses professeurs en modèle, en parents, n’a pu entrevoir la limite qu’en grandissant. Enfant, elle pensait qu’elle était un clone. Que dehors existait une copie d’elle. Que celle-ci réalisait tout ce qu’elle ne pouvait faire, qu’elle était choyée, probablement admirée.
L’autre Zora avait la vie qu’elle désirait.
Et elle la félicitait.

De cette coupure nette avec la réalité est née Zora, celle que l’on connait. Qui est persuadée que si l’autre est dehors et elle ici, il y a une raison. Que par conséquent, son rôle à jouer est peut-être grand. Que bien que cela soit ingrat, lui cause bien d’embarras, cela paiera.

Quelques années ont passées.

Au départ, elle pensait l’admirer. C’était redondant, angoissant, pénétrant. Mais ça restait et grandissait. Alors Zora s’est dit qu’elle désirait probablement vouloir lui ressembler, s’en rapprocher pour mieux capter son essence.

Comprendre dans quoi elle avait été taillée, si les écumes l’avaient écorchées. À la regarder comme une Vénus dans un musée. Zora a longtemps regardée de loin l’une de ses professeurs en espérant voir apparaître au-dessus de sa tête, un signe. Quelque chose, un élément lui prouvant qu’elle n’était pas dénuée d’intérêt.
Qu’elle avait quelqu’un pour qui elle comptait.

Comme toutes amourettes, celle-ci mourut prématurément dans le désintérêt général et les haussements d’épaules indifférentes de la jeune fille.

Quelques mois se sont entrelacés.

La voilà Zora.
Qui se meut, doucement, sûrement, avec éclat. Elle jette des regards à droite, à gauche. Elle jauge depuis le ras de ces cils clairs. Qui ici ment, n’est pas vraiment galant, ni avenant ?
Elle sait qu’elle a entre les mains une matière beaucoup plus chère que l’or, beaucoup plus précieuse que les pierres et bien plus importantes que les notes.
Elle sait, tout simplement. Qui est un amoureux transi, qui espère, qui craint, qui déteste. Elle sait ce que vous êtes et vous admire, vous méprise, vous évite pour cela.